Colloque international Alsic – Lidilem – Icare
Parmi les dimensions qui retiennent l’attention des chercheurs en didactique des langues, celles de l’engagement et de l’agentivité occupent une place grandissante. Ce colloque se donne pour objectif d’éclairer ces deux notions en lien avec le numérique aussi bien dans le cadre de dispositifs d’enseignement-apprentissage qu’en dehors de tout dispositif pédagogique.
Dans le cadre de dispositifs de formation, l’engagement apparaît comme un élément-clé pour qu’un apprentissage ait lieu : il est corrélé au développement de compétences et à la réussite des apprenants dans leurs études (Fredricks et al., 2016). Cela, ainsi que son importance pour la satisfaction et la persistance des apprenants font que les concepteurs, enseignants, tuteurs et chercheurs s’intéressent aux facteurs qui le conditionnent, à ses effets, mais également aux méthodes et indicateurs qui permettent de l’observer (Halverson & Graham, 2019). Que ce soit en langues (Zhou et al., 2021) ou plus largement dans l’éducation, l’engagement est considéré comme un construit à plusieurs dimensions (cognitive, comportementale, émotionnelle (Fredricks et al., 2004), ou autres en fonction des auteurs). Il s’agit, en d’autres termes, de l’attitude, des conduites et de l’investissement d’énergie et d’effort d’une personne face à une activité d’apprentissage ou plus généralement à sa formation.
Dans le cadre de dispositifs faisant largement appel au numérique, telle que la formation hybride par exemple, le lien qui est établi par les praticiens et les chercheurs entre dispositif et engagement est double. D’un côté, une raison pour laquelle ce type de formation est mis en place peut être de favoriser l’engagement des apprenants en tirant bénéfice des atouts potentiels du numérique, du distanciel, du présentiel et des modalités synchrones et asynchrones (Halverson & Graham, 2019). D’un autre côté, il a été maintes fois constaté que même si ces formations ont le potentiel de favoriser et d’accompagner l’apprentissage, une condition nécessaire en est que l’apprenant se prenne en main et s’engage dans cette formation (Nissen, 2019).
L’agentivité est une notion liée, mais ayant une orientation davantage proactive que l’engagement. Reeve & Tseng (2011) et Reeve & Shin (2020) établissent un lien entre les deux en identifiant l’agentivité en tant que dimension d’engagement agentique. L’agentivité est en lien, voire en tension, avec d’autres notions telles que l’apprentissage collaboratif, l’autonomie ou encore l’empowerment.
Bandura considère qu’ »être un agent, c’est faire en sorte que les choses se produisent intentionnellement par ses actions » et que cela permet aux apprenants « de jouer un rôle dans leur développement personnel, leur adaptation et leur renouvellement au fil du temps » (Bandura, 2001, p. 2).
Cet intérêt pour l’agentivité peut être rapproché de la volonté du Cadre européen commun de référence pour les langues (Conseil de l’Europe, 2001, 2021) de considérer l’apprenant et l’usager des langues comme des « acteurs sociaux » et de différentes approches didactiques qui visent l’émancipation des apprenants, comme le Task-Based Language Teaching, l’approche par les tâches telle que définie par Long (2015), ou l’invitation à ré-ensauvager l’éducation (Thorne et al., 2021).
La question de l’agentivité nous semble d’autant plus mériter l’attention depuis l’émergence et la diffusion des technologies numériques qui permettent, au sein ou en dehors de tout dispositif pédagogique, d’être des acteurs (sociaux) de leurs apprentissages. Les apprenants peuvent – tout au moins en théorie – construire leurs apprentissages en se fixant des objectifs, prenant des décisions, planifiant et mettant en œuvre leurs actions. Ils peuvent avoir recours à des ressources multiples, mobiliser des personnes diverses et utiliser des outils numériques. Ils peuvent évaluer leurs choix, les ressources et outils mobilisés et leurs actions pour augmenter à l’avenir la réussite de leurs apprentissages et le sentiment d’en avoir été les acteurs à titre personnel ou au sein d’une communauté. À travers leurs contributions en ligne sur des sites participatifs, notamment communautaires, les apprenants ont également la possibilité d’agir dans le monde en dehors du cadre éducatif et d’être ainsi des acteurs voire des citoyens engagés, éthiques et responsables (Caws et al., 2021 ; Ollivier et al., 2023 ; Thorne et al., 2021).
Le colloque abordera diverses questions soulevées par la promotion de l’agentivité et de l’engagement dans l’apprentissage des langues, que ce soit ou non au sein d’un dispositif d’enseignement-apprentissage des langues (avec différents degrés de médiatisation : formation à distance, hybride, présentiel avec intégration du numérique, etc.).
Cette liste des questions n’est pas exhaustive. Toute proposition en lien avec les thématiques du colloque est la bienvenue.
Langues du colloque : anglais et français
Bibliographie
Bandura, A. (2001). Social cognitive theory: An agentic perspective. Annual Review of Psychology, 52, 1–26. https://doi.org/10.1146/annurev.psych.52.1.1
Caws, C., Hamel, M.-J., Jeanneau, C., & Ollivier, C. (2021). Formation en langues et littératie numérique en contextes ouverts – Une approche socio-interactionnelle. Editions des archives contemporaines. https://www.archivescontemporaines.com/books/9782813003911
Conseil de l’Europe. (2001). Un cadre européen commun de référence pour les langues: Apprendre, enseigner, évaluer. Didier ; Conseil de l’Europe. https://rm.coe.int/16802fc3a8
Conseil de l’Europe. (2021). Cadre européen commun de référence pour les langues: Apprendre, enseigner, évaluer. Volume complémentaire. Conseil de l’Europe. https://rm.coe.int/cadre-europeen-commun-de-reference-pour-les-langues-apprendre-enseigne/1680a4e270
Fredricks, J. A., Filsecker, M., & Lawson, M. A. (2016). Student engagement, context, and adjustment: addressing definitional, measurement, and methodological issues. Learning and Instruction, 43, 1–4. https://doi.org/10.1016/j.learninstruc.2016.02.002
Fredricks, J. A., Blumenfeld, P. C., & Paris, A. H. (2004). School Engagement : Potential of the Concept, State of the Evidence. Review of Educational Research, 74(1), 59109. https://doi.org/10.3102/00346543074001059
Halverson, L.R., & Graham, C.R. (2019). Learner engagement in blended learning environments: A conceptual framework. Online Learning, 23(2), 145-178. https://doi.org/10.24059/olj.v23i2.1481
Long, M. H. (2015). Second language acquisition and task-based language teaching. John Wiley & Sons.
Nissen, E. (2019). Formation hybride en langues. Articuler présentiel et distanciel. Didier.
Ollivier, C., Jeanneau, C., & Projet e-lang citoyen. (2023). Développer citoyenneté numérique et compétences langagières. Éditions du Conseil de l’Europe. https://www.ecml.at/Portals/1/documents/ECML-resources/e-lang-citizen-FR.pdf
Reeve, J., & Shin, S.H. (2020) How teachers can support students’ agentic engagement, Theory Into Practice, 59(2), 150-161, https://doi.org/10.1080/00405841.2019.1702451
Reeve, J., & Tseng, C.-M. (2011). Agency as a fourth aspect of students’ engagement during learning activities. Contemporary Educational Psychology, 36(4), 257-267.
Thorne, S. L., Hellermann, J., & Jakonen, T. (2021). Rewilding Language Education: Emergent assemblages and entangled actions. The Modern Language Journal, 105(S1), 106–125. https://doi.org/10.1111/modl.12687
Zhou, T., & Zhang, W. (2022). Effectiveness Study on Online or Blended Language Learning Based on Student Achievement: A Systematic Review of Empirical Studies. Sustainability, 14(7303), 1-29. https://doi.org/10.3390/su14127303