44e congrès de l’APLIUT
De par son appellation, une pédagogie « active » désigne un ensemble d’approches et de méthodes pédagogiques qui a pour qualité de rendre un.e apprenant.e acteur.rice de ses apprentissages. Contrairement à une pédagogie transmissive qui instaure une hiérarchie forte entre un.e enseignant.e, qui détient le savoir, et un.e apprenant.e qui acquiesce, une pédagogie active privilégie des situations authentiques d’apprentissage, qui encouragent l’agentivité[1] (van Lier, 2008) de l’apprenant.e, inscrite habituellement dans un travail collectif avec autrui.
Les pédagogies actives ne sont en effet pas nouvelles. L’approche « apprendre en faisant » du philosophe américain J. Dewey (1859-1952) est fondamentale dans la création des « Dewey schools » où cette approche est mise en pratique avec un effectif réduit. En France, la démarche de C. Freinet (1896-1966) considère que l’être humain est, par nature, expérimentateur, qu’il procède par tâtonnement expérimental lui permettant de construire des savoirs personnalisés à partir des savoirs communs. Plus récemment, et dans le contexte de l’enseignement-apprentissage des langues, la perspective actionnelle prônée dans le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) considère les apprenant.es d’une langue comme des « acteurs sociaux ayant à accomplir des tâches (qui ne sont pas seulement langagières) dans des circonstances et un environnement donnés » (Conseil de l’Europe, 2001, p. 15). Ils et elles doivent souvent collaborer au sein d’équipes, en s’engageant sur des projets, en apportant une réponse aux problèmes, et en continuant à se former par l’expérience pratique.
Les approches et méthodes actives pour travailler en langues sont ainsi multiples aujourd’hui : apprentissage par projet (Cosnefroy & Jézégou, 2013), apprentissage par la résolution de problèmes (Levain, 2000), apprentissage collectif (coopération, collaboration, discussion, mutualisation) (Georges, 2001) ou encore expérientiel (Kolb, 1984). De plus, avec un accès relativement facile aux technologies numériques, la pratique de travailler avec les autres à distance en créant des communautés d’apprentissage et de pratique (Lave & Wenger, 1991) est de plus en plus « normalisée », pour utiliser le terme de Bax (2003).
Comme tout.e enseignant.e le reconnaît, l’acte d’apprendre est complexe, chaque apprenant.e ayant ses préférences, ses stratégies d’apprentissage, pour décoder l’information et la traiter. Ces différentes façons de traiter l’information verbale ou non-verbale (Paivio & Caspo, 1969) appellent différentes manières d’enseigner. Les pédagogies actives, plus appropriées dans une approche centrée sur les apprenant.es, et plus à même de solliciter tous les sens (voire les « intelligences » multiples (Gardner, 1983)), répondent à ce besoin, en complétant la panoplie pédagogique de l’enseignant.e, et permettent à l’apprenant.e de mettre en œuvre ses propres stratégies, tout en diversifiant la palette de ses façons d’apprendre, par la confrontation avec les méthodes d’apprentissage de ses pairs. Il réalise les tâches collectivement, en interaction avec ses camarades, dans des mises en situation que les pédagogies actives privilégient. Ces situations, qui se veulent les plus authentiques possibles, favorisent l’apprentissage situé — l’acquisition de connaissances ou le développement de compétences en situation (Lave & Wenger, 1991) — et réduisent ainsi l’écart entre les connaissances et l’utilisation de ces connaissances.
Dans les IUT, depuis la réforme du BUT, avec l’approche par compétences, les situations d’apprentissage et d’évaluations (SAÉ) représentent une part non négligeable de la formation. Ces SAÉ, qui peuvent être des simulations, des projets, des investigations, permettent aux apprenant.es de déployer leur savoir-agir en endossant divers rôles (expérimentateur, concepteur, chercheur) (Poumay et George, 2022). Les SAÉ transversales — qui intègrent les langues dans la réalisation de la SAÉ — facilitent l’apprentissage et l’utilisation de la langue de spécialité en contexte. En proposant des contenus en lien avec la spécialité, ces situations sont susceptibles d’engager les étudiant.es dans une communication en langue étrangère proche de la réalité professionnelle. Le recours aux jeux de rôle ou aux jeux sérieux, souvent évoqués dans les SAÉ, les encouragent à s’investir pleinement dans leur apprentissage. Ce faisant, ils mettent en œuvre les « compétences du 21e siècle » ou soft skills (communication, collaboration, créativité, autonomie…) (Lamri, 2018), recherchées de nos jours par les entreprises qui recrutent nos étudiant.es.
Le 44e Congrès de l’APLIUT invite les enseignant.es et les chercheur.euses à explorer ainsi les problématiques liées aux pédagogies actives pour les langues de spécialité ou dans le secteur Lansad. Les trois premières thématiques ci-dessous relèvent du lien qui s’établit entre la théorie et la pratique. Il pourrait ainsi s’agir d’un compte rendu de recherche fondamentale ou appliquée, synthèse de recherches portant sur des théories sous-jacentes aux pédagogies actives, réflexion épistémologique ou une méta-analyse.
Néanmoins, nous souhaitons cette année ouvrir davantage le congrès aux enseignant.es de langue de spécialité (non chercheurs) pour présenter une pratique pédagogique qui relève des pédagogies actives. Il pourrait s’agir de dispositifs didactiques, scénarios pédagogiques, ressources utilisées, exemples de SAÉ, retours d’expérience, auprès d’un public en IUT ou en Lansad. La quatrième thématique ci-dessous, aura ainsi une dimension purement pédagogique.
Thématique 1 : Retour vers la théorie
Thématique 2 : Une mise en pratique
Thématique 3 : Penser évaluation
Thématique 4 : « Activons » les langues de spécialité
Références
Bax, S. (2003). CALL — Past, present and future. System, 31(1), 13–28. https://doi.org/10.1016/S0346-251X(02)00071-4
Conseil De l’Europe. (2001). Cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer. Didier.
Cosnefroy, L. & Jézégou, A. (2013). Les processus d’autorégulation collective et individuelle au cours d’un apprentissage par projet. Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 29(2) https://doi.org/10.4000/ripes.744
Gardner, H. (1983). Frames of mind: The theory of multiple intelligence. Basic Books.
George, S. (2001). Apprentissage collectif à distance, SPLACH: un environnement informatique support d’une pédagogie de projet. [Thèse de doctorat, Université du Maine]. https://tel.archives-ouvertes.fr/edutice-00000207/
Kolb, D.A. (1984). Experiential learning. Prentice-Hall.
Lamri, J. (2018). Les compétences du 21e siècle. Dunod.
Lave, J. et Wenger, E. (1991). Situated learning: Legitimate peripheral participation. Cambridge University Press.
Levain, J.-P. (2000). Apprentissage de schémas et résolution de problèmes. L’orientation scolaire et professionnelle, 29(3). https://doi.org/10.4000/osp.5816
Paivio, A., & Csapo, K. (1969). Concrete image and verbal memory codes. Journal of Experimental Psychology, 80(2, Pt.1), 279–285. https://doi.org/10.1037/h0027273
Poumay, M. et F. Georges (2022). Comment mettre en œuvre une approche par compétences dans le supérieur ? De Boeck Supérieur.
van Lier, L. (2008). Agency in the classroom. Dans J. P. Lantolf et M. E. Poehner (dir.), Sociocultural theory and the teaching of second languages (p. 163‑186). Equinox.
[1] L’auteur définit l’agentivité comme « action potentielle, médiée par des facteurs social, interactionnel, culturel, institutionnel et contextuel » (van Lier, 2008, p. 171)