Avec les contributions de F. Barthélémy, E. Bérard, A. Burrows, D. Gaveau, B. Gerstein, E. Guerin, C. Medina, M. Pamula-Behrens et F. Yaiche.
Éduquer consiste à infléchir le cours du développement d’un sujet en s’inscrivant dans un processus au long cours et dans des espaces multiples (politiques, géographiques, institutionnels, etc.). Or la notion même de temporalité ou d’espace varie selon les acteurs, les contextes et la nature des savoirs à acquérir : entre l’urgence d’un apprentissage instrumental et la perspective d’une transformation de posture, les espaces et les temporalités éducatives ne suivent ni les mêmes logiques ni les mêmes cheminements. Si les marques énonciatives dans les différentes langues prennent en charge des dimensions spatio-temporelles contrastées voire contraires, la comparaison de ces conceptions culturelles révèle des attitudes, des façons de penser et de vivre le temps très différentes. Du coup, les univers temporels de référence semblent suivre une dynamique aléatoire et contrariée sous le poids des contraintes, des représentations socioculturelles et des usages dans les pratiques scolaires et/ou éducatives.
Symétriquement, de manière volontaire ou subie, les espaces qui y sont dédiés se diversifient, se démultiplient, et les lieux de production et de réception des savoirs se dématérialisent. De nouveaux outils et supports « technologico-numériques », contribuent à modifier radicalement nos manières d’apprendre et donc d’enseigner. La dialectique présence-distance, alors que l’utilisation des technologies de communication et d’information brouille davantage les frontières existantes entre espaces professionnel et privé, interpelle pédagogues et didacticiens, et s’inscrit nécessairement dans un rapport au temps questionné.
L’éducation peut-elle penser les notions d’espace et de temps dans leurs dimensions interculturelles, situées et comparatives ? Quelles échelles permettent de structurer l’espace-temps – qui s’exprime en intensité et en direction — vécu par des élèves de cultures variées ? Comment le temps climatique rencontre-t-il le temps objectif dans des systèmes scolaires aux antipodes du globe, qui plus est lorsque ceux-ci sont impactés par des dispositifs d’enseignement-apprentissage « distanciés » ? À quelles conditions l’enseignant et le didacticien prennent-ils part à cette médiation interculturelle des temporalités et des dispositifs de formation à distance, au regard des spécificités propres aux cultures de référence et aux expériences singulières qu’ils font vivre à leurs élèves ? Ces questions structurent ce premier numéro thématique de la revue Humanités Didactiques Recherches dont l’enjeu consiste à interroger la manière dont les didactiques de différentes disciplines inscrivent les spécificités spatio-temporelles dans une perspective comparatiste, tant au plan interculturel que personnel, professionnel que développemental.