Le colloque international Le numérique – vecteur d’inclusion ou d’exclusion dans l’enseignement-apprentissage des langues ? (Alsic 2026) entend réunir des chercheurs et chercheures s’intéressant au rôle du numérique dans l’enseignement-apprentissage des langues en tant que moyen d’inclusion ou facteur d’exclusion. Il s’agira d’étudier les usages effectifs et potentiels des technologies numériques en mettant en lumière les opportunités qu’elles offrent (meilleure accessibilité, flexibilité, adaptation à une diversité de publics, etc.), mais en examinant également les barrières susceptibles de se créer (exclusion liée à l’interface, au coût, à l’âge, à un faible niveau de littératie numérique ou encore à des effets non souhaités sur les apprentissages, etc.). L’orientation que nous souhaitons donner à cette manifestation est celle d’un regard réfléchi et raisonné, voire d’un « regard éloigné » (Lévi-Strauss, 1983), posé sur les technologies numériques sous l’angle de l’équité, de la justice sociale et de l’égalité des chances en didactique des langues.
Dans le dialogue millénaire du sapiens et de ses outils (Debray, 1991), le numérique est souvent perçu comme levier d’innovation, de motivation, de collaboration et d’ouverture à l’Autre (Amadieu & Tricot, 2014 ; Roussel & Gaonac’h, 2017). Il peut néanmoins exacerber certaines formes d’exclusion en fonction des politiques éducatives en place, des contextes de (non-)accès et des compétences requises (Warschauer, 2003 ; Plantard, 2016 ; Selwyn, 2016). Cette exclusion ne concerne pas uniquement des publics dits « spécifiques » (personnes en situation de handicap, peu ou pas lettrées, etc.), mais elle touche aussi celles et ceux pour qui l’usage du numérique dans l’enseignement-apprentissage – et en particulier dans celui des langues – est imposé sans réflexion préalable, ni formation adaptée, comme une norme non interrogée, non discutable et non discutée.
Sans approche globale centrée sur l’humain, sans réflexivité (Soubrié, 2016) et sans une compétence ou une formation techno-sémio-pédagogique (Guichon, 2012 ; Cappellini & Combe, 2017), les usages effectifs du numérique dans l’enseignement-apprentissage des langues seront, tout comme dans tant d’autres sphères, réservés aux seuls « héritiers » (Bourdieu & Passeron, 1964 ; Fluckiger, 2019). Certes, ces constats ne sont pas nouveaux, et bon nombre de solutions émergent. Néanmoins, ces 25 dernières années, si les manifestations sémiotiques du numérique (web, web social, pédagogique, réalité virtuelle, intelligence artificielle, etc.) et les modalités de leur intégration pédagogique ou d’usage non formel (enseignement à distance, télécollaboration, formation hybride, en comodalité, communautés d’apprenants en ligne, réseaux sociaux grand public, messageries, jeux sérieux, etc.) se succèdent les unes aux autres, les interrogations et les doutes sur le terrain persistent et vont en se multipliant.
Comme le soulignait déjà Jeanneret dès 2000, un même outil peut se révéler pharmacos, terme qui signifie en grec ancien tantôt remède, tantôt poison : tout dépend des usages que l’on en fait, des cadres dans lesquels on l’inscrit, du regard critique qu’on lui porte ou des imaginaires qu’on lui associe (Debray, 1991). C’est pourquoi de nombreuses recherches sur le numérique s’intéressent à son impact non seulement sur l’acquisition linguistique, mais également sur le développement de compétences transversales. Citons comme exemples pour ces dernières l’interculturalité (Potolia & Derivry-Plard, 2023), l’autonomie/autonomisation (Cappellini, 2019 ; Nissen, 2022), la citoyenneté (Caws et al., 2021 ; Cappellini et al., 2023), la littératie ou encore la justice sociale (Gleason & Suvorov, 2019 ; Soubrié et al., 2021). La fracture numérique, autrefois réduite au non-accès aux équipements, se manifeste désormais aussi par des inégalités d’usage (Plantard & Le Mentec, 2013). Nombre de personnes, bien qu’à l’aise sur le plan technique, ne sont pas toujours « outillées » pour un usage et un apprentissage responsable, critique et sécurisé du numérique.
Dans cette perspective, inclusion et exclusion doivent être envisagées comme les deux faces d’une même réalité. Derrière l’apparente neutralité du numérique se cachent des choix politiques, sociaux et pédagogiques qui, en favorisant certains profils d’apprenants, peuvent en marginaliser d’autres. Ce ne sont donc pas tant les technologies elles-mêmes qui incluent ou excluent, mais les usages qui en sont faits, les conditions de leur mise en œuvre, les cadres qui les structurent, et les intentions qui les guident.
Compte tenu de ces considérations liminaires, ce colloque se propose :
Foucault affirmait déjà en 1966 que :
[l]es utopies consolent : c’est que si elles n’ont pas de lieu réel, elles s’épanouissent pourtant dans un espace merveilleux et lisse ; elles ouvrent des cités aux vastes avenues, des jardins bien plantés, des pays faciles, même si leur accès est chimérique. Les hétérotopies inquiètent, sans doute parce qu’elles minent secrètement le langage, parce qu’elles empêchent de nommer ceci et cela, parce qu’elles brisent les noms communs ou les enchevêtrent, parce qu’elles ruinent d’avance la « syntaxe », et pas seulement celle qui construit les phrases, celle moins manifeste qui fait « tenir ensemble » (à côté et en face les uns des autres) les mots et les choses (Foucault, 1966, p. 5).
Nous souhaitons que ce colloque soit celui des « supposées » hétérotopies qui n’inquiètent plus, car nous avons pris le temps de les aborder de manière réfléchie et détachée, échangeant l’illusion de l’utopie par la confiance de la connaissance.
Axes du colloque
Les questions abordées dans ce colloque s’organisent autour des axes suivants :
Dimensions épistémologiques et théoriques
Pratiques numériques et accessibilité
Quels dispositifs numériques rendent effectivement l’apprentissage (des langues) plus accessible aux publics marginalisés (élèves allophones, jeunes décrocheurs, adultes – en migration ou non – peu ou pas littéraciés, personnes en situation de handicap, etc.) (Sandoz-Guermond & Bobiller, 2007 ; Kormos & Nijakowska, 2017 ; Kormos, 2022 ; Adami et al., 2024 ; Adami et al., 2024 ; Mintz et al., 2024 ; Navas & al., 2025) ?
Comment concevoir des environnements numériques qui ne se contentent pas de « connecter », mais qui favorisent une réelle inclusion pédagogique et sociale via l’éducation critique ?
Compétences numériques et inégalités d’apprentissage
Représentations et subjectivités
Intelligence artificielle
Cette liste de questions n’est pas exhaustive. Toute proposition en lien avec les thématiques du colloque est la bienvenue. Nous encourageons particulièrement les communications croisant recherche empirique, approche critique et réflexion pédagogique toujours en lien avec les contextes d’enseignement-apprentissage des langues et/ou de formation des enseignants de langues.
Formats de présentation
Pour faire une proposition de communication, il faut avoir un compte Sciencesconf ou en créer un (voir ce tutoriel).
Les propositions doivent être déposées en format pdf dans la section « Mes dépôts« . Merci de fournir une version anonymisée nommée ANONYME_abstract_Alsic2026 ainsi qu’une deuxième version non anonymisée, nommée NOM-AUTEUR_abstract_Alsic2026 (p. ex. « DUPONT_abstract_Alsic2026 »).
Communications individuelles
Symposiums
Posters
Prix du meilleur poster
Un prix doté de 300€ sera décerné au meilleur poster, déterminé par un vote effectué par les personnes présentes au colloque.
Ateliers pratiques
Deux ateliers pratiques (l’un portant sur des outils numériques inclusifs et l’autre sur le prompting) seront proposés le 10 juin entre 9 et 12 heures. Il est recommandé de venir avec son propre ordinateur portable.
Dates à retenir
19 octobre 2025 : date-butoir pour le dépôt des propositions sur Sciencesconf
22 décembre 2025 : retour du comité scientifique sur l’acceptation des propositions de communication
15 mars 2026 : ouverture des inscriptions au colloque
Jusqu’au 19 avril 2026 : inscriptions à tarif réduit (au moins un auteur de chaque communication acceptée doit être inscrit à cette date)
20 mai 2026 : date limite des inscriptions
10-12 juin 2026 : tenue du colloque à l’Inspé de Paris, 10 rue Molitor, 75016 Paris
Publication
À la suite du colloque, la publication d’un numéro spécial dans la revue Alsic est prévue.