Ce colloque s’inscrit dans la foulée de deux éditions précédentes (RUNED 17, Sherbrooke, Québec, mai 2017 ; RUNED 18, Lyon, France, mars 2018) qui avaient pour ambition d’interroger l’état de structuration et les tendances actuelles des perspectives critiques du numérique en éducation et formation, et de réunir les chercheur.e.s s’y intéressant. Une pandémie plus tard, cette troisième édition poursuit la même ambition.
Le colloque se tiendra à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), la même semaine que le 9ème Colloque international en éducation (5 et 6 mai 2022, Montréal: https://colloque2022.crifpe.ca/fr/) et la semaine précédant le Congrès de l’ACFAS (9-13 mai 2022, ville de Québec: https://www.acfas.ca/evenements/congres)
L’objectif principal du colloque RUNED 22 est de mettre en dialogue les tendances et intérêts actuels des perspectives critiques dans le domaine du numérique en éducation et formation, depuis son design jusqu’à ses usages, en interrogeant ce processus sous l’angle des enjeux politiques, sociaux et économiques qui le sous-tendent. Dans cette perspective, ce colloque est avant tout une invitation à aborder le « numérique » (mot-valise qui nécessite d’être ancré dans des traditions épistémologiques, disciplinaires et théoriques) en tant que phénomène hétérogène, au croisement du technique et du social, du matériel et du symbolique, de l’individuel et du collectif, du contemporain et de l’historique. De la même manière, ce colloque souhaite aborder l’éducation et la formation dans la diversité des formes qu’elles peuvent prendre, en mettant à l’étude les différences qui distinguent les ordres et les programmes d’enseignement (école obligatoire, formation universitaire ou professionnelle, etc.), ainsi que les degrés et les contextes de formalisation de l’apprentissage (formel, non formel, informel, etc.).
Sur ces prémisses, RUNED 22 encourage à appréhender le numérique en éducation et formation par le prisme des relations et des rapports de pouvoir, notamment inégaux, entre les act.eur.trice.s industriel.le.s, politiques, institutionnel.le.s, professionnel.le.s et sociaux.les, et au sein de ces différents groupes. Il s’agit donc de considérer la pluralité des act.eur.trice.s qui concourent à configurer le numérique, depuis son design jusqu’à ses usages, incluant celles et ceux qui en sont exclu.e.s. Il s’agit aussi de mettre au jour les valeurs, les finalités et les intérêts divers, et souvent divergents, qui sous-tendent le numérique en éducation et formation, d’identifier ceux d’entre eux qui prédominent, et d’évaluer leur plus ou moins grande compatibilité avec les finalités d’émancipation et de démocratisation de l’éducation et de la formation. De ce point de vue, la pandémie de la COVID-19 constitue un cas d’étude pour les perspectives critiques du numérique en éducation et formation dans la mesure où elle met en exergue la difficile cohérence des politiques, des stratégies et des pratiques mises en œuvre par une multitude d’act.eur.trice.s en fonction de leurs conditions, de leurs ressources, de leurs compétences et de leurs aspirations diverses et inégales.
Dans la mesure où les perspectives critiques du numérique en éducation et formation peuvent être appropriées différemment selon les domaines et les objets d’étude pour lesquels elles sont mobilisées, le colloque RUNED 22 en propose un cadrage souple à partir de quelques balises, afin de mettre en lumière les enjeux politiques, sociaux et économiques qu’il recèle:
Pour préciser davantage le périmètre de ce colloque, trois axes sont proposés. Le premier s’intéresse aux objets d’étude privilégiés par les perspectives critiques du numérique en éducation et formation, alors que les deux autres portent davantage sur la démarche critique, ses conditions et ses processus de réalisation.
Axe 1. Enjeux politiques, sociaux et économiques du numérique en éducation et formation
Cet axe sera l’occasion de faire un état de lieux des questions vives et des objets d’étude privilégiés par les perspectives critiques du numérique en éducation et formation sur la base du cadrage critique fourni plus haut. En reprenant à notre compte le notion de « script » (Akrich, 1987), les valeurs, finalités et intérêts inscrits dans le numérique et les discours qui l’accompagnent, puis prescrits par eux, et auxquels les act.eur.trice.s souscrivent à divers degrés, génèrent des négociations, des subversions et des conflits dont l’issue peut contribuer à maintenir, renforcer ou modifier les relations et les rapports éducatifs, formatifs et sociaux. Sur cette base, cet axe encourage, d’une part, à croiser des catégories d’analyse complémentaires telles que les politiques, les stratégies et les pratiques mises en œuvre par les act.eur.trice.s; d’autre part, à rendre compte de la variation de ces politiques, stratégies et pratiques en fonction du positionnement des act.eur.trice.s. Pour structurer davantage ce vaste axe, nous le déclinons en trois sous-axes, tout en gardant en tête que leurs frontières sont poreuses et que les propositions pourront se situer à leur intersection:
sous-axe 1.1: enjeux politiques du numérique en éducation et formation, p. ex., intérêts et valeurs priorisés par les politiques publiques; injonctions qu’elles prescrivent aux act.eur.trice.s éducati.f.ve.s et formati.f.ve.s et écarts avec les pratiques effectives de ces derni.er.ère.s; contrôle et surveillance des act.eur.trice.s; représentation et implication des act.eur.trice.s dans la conception des technologies éducatives et dans l’élaboration des politiques; hégémonie culturelle et transfert technologique vers les systèmes éducatifs et formatifs des pays en voie de développement; traduction et singularisation des politiques nationales ou régionales en fonction des territoires auxquels elles s’appliquent;
sous-axe 1.2: enjeux sociaux du numérique en éducation et formation, p. ex., inégalités et injustices socionumériques; biais et impensés issus des données et des choix de conception des technologies éducatives; rhétoriques, imaginaires et idéologies; bien-être et risques psychosociaux [cyberintimidation, sexting, addiction, etc.]; éducation aux médias, au numérique et aux littératies; articulations présence-distance de l’apprentissage et redistribution des tâches et des responsabilités qu’elles impliquent entre les enseignant.e.s, les apprenant.e.s, et les autres act.eur.trice.s, notamment les parent.e.s;
sous-axe 1.3: enjeux économiques du numérique en éducation et formation, p. ex., configuration réciproque de l’offre et de la demande en technologie éducative; logiques d’industrialisation et de marchandisation; standardisation et automatisation des tâches et des services; économie de l’attention; stratégies de monopolisation des marchés éducatifs et formatifs; marchandisation des données personnelles.
Axe 2. Épistémologie
Cet axe interrogera les implications des perspectives critiques sur l’activité de recherche et sur le métier de chercheur.e dans le domaine d’étude pluridisciplinaire qu’est le numérique en éducation et formation, à commencer par la gestion des dimensions épistémique, axiologique et praxéologique qu’implique la démarche critique. Il permettra d’envisager la force heuristique, les limites et les évolutions actuelles ou souhaitées de concepts mobilisés depuis longtemps ou plus récemment par les perspectives critiques du numérique en éducation et formation (p. ex., domination, émancipation, inégalités, capabilités, intersectionnalité, privilèges, design technique, usages, appropriation, etc.). Il sera aussi l’occasion de questionner la transversalité et la singularité des perspectives critiques selon les disciplines, les ancrages théoriques et les aires culturelles où elles se déploient. Finalement, cet axe abordera aussi l’histoire, les enjeux actuels et le devenir des perspectives critiques du numérique en éducation et formation.
Axe 3. Méthodologie
Cet axe explorera les différentes méthodes mobilisées par les perspectives critiques du numérique en éducation et formation. Il abordera leur potentiel, leur complémentarité et leurs limites, ainsi que leur distribution actuelle dans les disciplines qui concourent à ce domaine d’étude. Il donnera l’occasion de discuter de la portée des recherches longitudinales, ethnographiques, mixtes, ainsi que les instruments de collecte et d’analyse nécessaires à leur mise en œuvre. Pourront aussi être abordées les forces et les limites, ainsi que les enjeux éthiques, des données massives, du data-mining et des traces numériques de l’activité humaine, notamment en termes de capacité à représenter le réel et à soutenir de façon valide son interprétation. La numérisation et l’enrichissement des pratiques et des méthodes de recherche traditionnelles, ainsi que leur transformation potentielle pour l’étude du numérique en éducation et formation font également partie de cet axe.
À l’image de l’interdisciplinarité constitutive du domaine d’étude du numérique en éducation et formation, ce colloque encourage la participation de chercheur.e.s de toutes les disciplines qui y concourent (p. ex., sciences de l’éducation, sciences de l’information et de la communication, sociologie, anthropologie, psychologie, philosophie, géographie, didactique des disciplines, informatique, ingénierie, sciences cognitives, etc.). Il accueille les propositions qui se situent dans un ou plusieurs des (sous-)axes ci-dessus et qui indiquent de manière explicite en quoi elles les abordent de manière critique.