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Appels à contribution

Débuter une langue à l’université : dispositifs didactiques et expériences vécues – Date limite : 15 avril 2026

Mélanges CRAPEL, numéro spécial 48.1 (juin 2027)

Numéro coordonné par : Catherine Felce, Sülün Aykurt-Buchwalter, Catherine Muller

Au-delà d’un usage de l’anglais comme lingua franca désormais bien établi, les individus vivent des expériences dans une variété de langues qui prennent place dans de nombreux contextes (professionnels, académiques, relationnels, de loisirs, que ce soit en ligne ou en présentiel) et reflètent le caractère plurilingue des interactions caractéristiques du monde d’aujourd’hui (Kalaja & Melo-Pfeifer, 2024). Cette pluralité se retrouve dans de nombreuses offres de formation en langues à l’université. Si ces dispositifs offrent la possibilité de poursuivre une langue apprise dans le secondaire, ils peuvent également, pour beaucoup, représenter une opportunité de débuter des langues encore jamais apprises. Dans certains cas, l’apprentissage d’une nouvelle langue, loin de se limiter à une initiation, répond à un objectif professionnel ou de poursuite d’études supérieures dans la langue – on pense par exemple, en contexte français, au DU Passerelle niveau A1. Plus spécifiquement, dans des cursus de didactique du français langue étrangère, l’opportunité de débuter une langue nouvelle, souvent éloignée des langues déjà maitrisées, prend la forme d’une expérience vécue dans une visée réflexive, à travers par exemple la rédaction de journaux d’apprentissage (Cadet, 2007). On peut observer en effet dès le début des années 1980, un intérêt pour « l’expérience d’un sujet au sein de la classe, qu’il soit à la place de l’enseignant ou de l’apprenant » (Cicurel, 2015, p. 38). D’une façon plus générale, la pluralité linguistique de l’offre de formation en langues à l’université donne lieu à des choix personnels différenciés et à des expériences d’enseignement-apprentissage d’une grande diversité. Ce numéro spécial rassemblera des contributions prenant pour objet ce terrain particulier de l’enseignement- apprentissage d’une langue débutée, et de son usage, explorés à travers le prisme de l’expérience vécue.

L’importance de la dimension expérientielle a pu un temps être occultée par le caractère utilitaire associé aux compétences décrites et mises en avant dans le Cadre européen de références pour les langues (Longuet & Springer, 2021) ; elle est à nouveau mentionnée dans des publications récentes qui rappellent notamment la place de l’expérience vécue dans les modèles didactiques existants (Puren, 2022) et soulignent que « le paradigme de l’expérience est incontournable aujourd’hui en didactique des langues » (Rivière, 2019, p. 106).

L’expérience linguistique peut également être vue comme un moyen et une occasion de considérer l’objet-langue autrement qu’à travers des descriptions formelles ou conceptuelles. L’expérience de la langue est reliée au vécu des apprenants, à travers différentes formes que Puren qualifie de « composantes notionnelles de l’expérientiel » (Puren, 2022, p. 3), citant entre autres l’authentique, le spontané, l’affectif, l’émotionnel, le plaisir, le relationnel, l’interactif, ou encore par le biais des approches pédagogiques mobilisant des approches biographiques (Molinié, 2013) qui mettent en lumière les expériences vécues par le sujet. Ces dimensions font écho à des travaux s’intéressant à la place et au rôle du corps et des émotions (Eschenauer, Tellier & Zapa, 2022). L’expérience langagière comme l’expérience d’apprentissage peuvent en effet susciter des émotions plus ou moins positives (Guedat-Bittighoffer & Dewaele, 2024).

L’intégration du numérique dans l’enseignement-apprentissage des langues et la mise en place de dispositifs mobilisant l’immersion et la télécollaboration permettent également d’interroger le rôle des émotions (Nissen, Cavalari & Aranha, 2025) et l’engagement des acteurs dans l’enseignement-apprentissage (Lee, Yang & Wu, 2024).

Au-delà de l’expérience de l’apprenant, on ne saurait négliger la perspective des enseignants, qui peuvent, eux aussi, vivre une expérience d’enseignement particulière avec un public d’apprenants débutants à l’université. Se posent alors des questions liées aux postures adoptées, à la planification didactique et à l’agir sur le terrain (Cicurel, 2019).

Il s’agira donc, dans le cadre de ce numéro, d’appréhender les débuts d’un apprentissage langagier et la découverte d’une langue sous l’angle du vécu, en explorant différentes facettes de l’expérience qui peut en être faite, aussi bien par les apprenants que les enseignants. Les études pourront s’appuyer sur des corpus variés (entretiens, questionnaires, journaux d’apprentissage, carnets de bord d’enseignants, retours d’expérience, séquences de cours filmées…) et des approches méthodologiques diverses.

L’expérience vécue peut concerner :

● les dispositifs pédagogiques spécifiques aux publics débutants en contexte universitaire,

● les approches pédagogiques visant à susciter une expérience mobilisant le corps,

● les dispositifs susceptibles de faire vivre une expérience aux apprenants par le biais de technologies numériques.

Du point de vue des apprenants, l’expérience vécue peut être associée à :

● la place réservée à des expériences antérieures d’apprentissage ou d’usage (en lien avec la langue apprise ou d’autres langues),

● la matérialité de la langue et son expérience sur le plan corporel, sensoriel et/ou émotionnel.

L’expérience pourra également être appréhendée du point de vue des enseignants et porter sur :

● le regard des enseignants sur l’apprentissage et la langue à un niveau débutant (par rapport à d’autres niveaux de compétence), la façon dont ils vivent l’expérience d’enseignement à des apprenants débutants et adaptent leur action à ce public,

● la manière dont les enseignants façonnent ou cherchent à façonner l’expérience vécue d’apprenants débutants,

● l’impact des expériences vécues des enseignants, y compris leur formation, sur leurs postures et pratiques dans le contexte des débuts de l’apprentissage.

Les articles pourront s’inscrire dans un ou plusieurs des thèmes évoqués, la liste n’étant pas exhaustive. Le numéro aspire à être un lieu de réflexion et d’échanges à partir de travaux de recherche ancrés dans le terrain et les pratiques. A ce titre, les contributions fondées sur des approches participatives ou collaboratives (Miguel Addisu & Thamin, 2020) sont encouragées.

Les articles pourront relever de la rubrique “Recherches” ou “Pratiques”. Ils pourront concerner toute langue apprise et enseignée à l’université et être rédigés dans les langues suivantes : français, anglais, espagnol.

Rubrique « Recherche »

Cette rubrique accueille des articles longs (20 à 25 pages) portant sur les résultats d’une recherche originale s’appuyant sur un protocole de recherche et un cadre théorique définis ainsi qu’une réflexion argumentée à partir de données produites. Les articles représentant un « état de l’art » inscrit dans une perspective originale sont également acceptés, à condition qu’ils soient identifiés en tant que tels et que la méthodologie de recherche soit clairement exposée.

Rubrique « Pratiques »

Cette rubrique comprend des articles courts (10 à 15 pages) qui mettent en lumière des pratiques pédagogiques comme des comptes rendus d’expériences et pratiques de terrain, éclairés par des lectures scientifiques.

Références bibliographiques

Cadet, L. (2007). La genèse des « journaux de bord d’apprentissage ». Le français aujourd’hui, 159(4), 39-46. https://doi.org/10.3917/lfa.159.0039

Cicurel, F. (2015). De l’interaction à la réflexivité : inventivité des pratiques et ressources pour l’action. Dans Defays, J.-M. (dir.). Faits et gestes de la didactique du français langue étrangère et seconde de 1995 à 2015 (pp. 37-52). EME éditions.

Cicurel, F. (2019). Pour une archéologie des pratiques enseignantes. Éducation et didactique, 13(1), 117-121. https://doi.org/10.4000/educationdidactique.3913

Eschenauer, S., Tellier, M., & Zappa, A. (2022). Encorporer les langues vivantes : reconnaître la place du corps pour enseigner et pour apprendre. TIPA. Travaux interdisciplinaires sur la parole et le langage, 38. https://doi.org/10.4000/tipa.4790

Guedat-Bittighoffer, D. & Dewaele, J.-M. (2024). Fluctuations des émotions éprouvées par des apprenants débutants dans cinq cours de Français Langue Étrangère : Une étude de cas multiples. Language, Interaction, and Acquisition, 14(2), 279-305. https://doi.org/10.1075/lia.22025.gue

Lee, S. M., Yang, Z., & Wu, J. G. (2024). Live, play, and learn: Language learner engagement in the immersive VR environment. Education and Information Technologies, 29(9), 10529- 10550. https://doi.org/10.1007/s10639-023-12215-4

Longuet, F. & Springer, C. (2021). Autour du CECR – Volume complémentaire (2018) : médiation et collaboration. Une didactique de la relation écologique et sociosémiotique. Paris : Éditions des Archives Contemporaines.

Kalaja, P. & Melo-Pfeifer, S. (dir.) (2024). Visualising Language Students and Teachers as Multilinguals: Advancing Social Justice in Education. Multilingual Matters. https://www.jstor.org/stable/jj.20558241

Miguel Addisu, V. & Thamin, N. (dir.) (2020). Recherches collaboratives en didactique des langues. Enjeux, savoirs, méthodes. Recherches en didactique des langues et des cultures, 17(2). https://doi.org/10.4000/rdlc.7272

Molinié, M. (2013). Une didactique des langues à l’épreuve de l’expérience mobilitaire, plurilingue, (trans)formative. (Habilitation à diriger des recherches). Université Sorbonne Nouvelle. https://hal.science/tel-02561109

Nissen, E., Cavalari, S. M., & Aranha, S. (2025). Anxiety in virtual exchange and its relationship with social presence. Language Learning and Technology, 29(1), 1-18. https://doi.org/10.64152/10125/73641

Puren, C. (2022). L’« expérientiel » en didactique des langues-cultures. Essai de modélisation. [En ligne]. https://www.christianpuren.com/mes-travaux/2021c

Rivière, V. (2019). Le champ de l’interaction en didactique des langues : discours, pratiques, formation. Explicitation d’un cadre d’analyse et illustration par une recherche-formation. (Habilitation à diriger des recherches). Université de Cergy-Pontoise. https://hal.science/tel- 02411358

Les contributions seront soumises à une évaluation en double-aveugle. Les contributeurs sont invités à prendre connaissance des modalités de soumission dans la rubrique « Consignes aux auteurs » sur le site https://www.atilf.fr/publications/revues-atilf/melanges-crapel/

Les contributions seront à envoyer en version anonyme et version non-anonyme au format .doc ou docx aux adresses suivantes : catherine.felce@univ-grenoble-alpes.fr, saykurtb@parisnanterre.fr et catherine.muller@univ-grenoble-alpes.fr

Planning prévisionnel

• Publication de l’appel : décembre 2025

• Réception des articles complets : 15 avril 2026

• Retour des évaluations : juillet 2026

• Publication : juin 2027