Volume 46, 2 de Recherche et pratiques pédagogiques en langues
Coordonné par Aurélie Bourdais (Université de Montpellier) et Marie-Claire Lemarchand-Chauvin (Université de Lorraine)
Ce numéro entend mettre en lumière une pratique encore peu visible dans la didactique des langues : la coécriture d’articles entre des mastérants et des chercheurs confirmés, dans une logique d’apprentissage partagé, de soutien mutuel et de transmission. Il invite les mastérants ou les étudiants ayant soutenu un mémoire de master à soumettre un article coécrit avec leur encadrant ou tout autre chercheur confirmé, dans un rapport de collaboration horizontale. L’objectif est de rendre visibles les dynamiques d’accompagnement qui permettent aux jeunes chercheurs de trouver leur place dans l’écriture scientifique.
L’étymologie du verbe « accompagner » éclaire le sens que nous souhaitons donner à cette notion. Comme le rappelle Maëla Paul (2009, p. 95) : « accompagner, ac-cum-pagnis, ac (vers), cum (avec), pagnis (pain), dot[e] l’accompagnement d’une double dimension de relation et de cheminement. Ainsi la définition minimale de toute forme d’accompagnement est : être avec et aller vers, sur la base d’une valeur symbolique, celle du partage ». Il s’agit donc d’une relation de proximité, fondée sur l’attention, la disponibilité et la générosité, loin de toute hiérarchie pesante. Dans cette perspective, la coécriture est un espace où la voix du chercheur en devenir peut émerger et se construire, soutenue mais non effacée par celle du chercheur confirmé.
Les travaux récents sur la coécriture et la socialisation scientifique soulignent l’importance de ces pratiques dans la formation des jeunes chercheurs. Wang, Liardet, Lum et Riazi (2024) montrent que la coécriture entre doctorants et encadrants participe à la construction de la légitimité scientifique, à l’acquisition des normes discursives et à la compréhension des attentes du champ. L’auteur développe également, dans une étude complémentaire (Wang, 2025), la notion de zone de développement du scripteur, où l’étudiant progresse grâce à une collaboration étroite avec son encadrant. Dans le domaine du mentorat éditorial, Quynn et Wilusz (2025) mettent en évidence la valeur pédagogique de la coécriture, qui permet de rendre explicites les choix, les hésitations, les reformulations et les négociations inhérentes à toute activité d’écriture scientifique.
Dans le champ francophone de la didactique des langues, les travaux portant sur les littératies universitaires (Scheepers, 2021), l’appropriation des écrits académiques (Ristea, 2020) ou encore l’apprentissage des genres scientifiques (Chabanne et Bucheton, 2008) montrent combien l’entrée dans l’écriture de recherche constitue une étape exigeante, qui nécessite un étayage explicite. La discipline, fondée sur des pratiques d’observation, d’analyse et de mise en mots des situations d’enseignement-apprentissage, offre un terrain particulièrement propice à la coécriture entre chercheursen devenir et chercheurs confirmés. Les mémoires de master, qui articulent expérience de terrain, cadre théorique et analyse, constituent souvent un premier lieu d’expérimentation de cette écriture située, réflexive et analytique. Transformer ce travail en article scientifique, avec l’accompagnement d’un chercheur confirmé, permet d’approfondir cette démarche et de soutenir la construction de l’identité scientifique du jeune auteur.
La coécriture invite également à examiner les questions éthiques liées à la contribution scientifique, discutées par Macfarlane (2017), qui analyse les logiques de don, de partage et de responsabilité en jeu dans les écritures à plusieurs. En ce sens, coécrire n’est pas seulement produire un texte, mais s’engager dans une relation qui porte les valeurs de la transmission, de la réciprocité et de la confiance.
Dans ce numéro, tous les articles devront relever de la didactique des langues et, si possible, proposer une mise en valeur d’un mémoire de master. Pour rendre visible la dynamique de coécriture, chaque article devra être accompagné d’une partie réflexive (chapeau de l’article, paragraphe intégré dans le corps du texte, partie indépendante post-article) rédigée conjointement par les auteurs. Ce court texte permettra de revenir sur les étapes du travail, les difficultés rencontrées, les choix effectués, les apprentissages réalisés et les moments de bascule ou d’enthousiasme qui ont marqué le processus. L’enjeu est de rendre visible ce qui, dans la plupart des publications, demeure invisible : le travail relationnel, l’effort partagé, les gestes d’accompagnement et les conditions dans lesquelles la voix du jeune chercheur a pu éclore.
Seront accueillis des travaux de recherche en cours ou menés à leur terme, des études de cas, des analyses de dispositifs, ainsi que des textes à deux voix, dès lors qu’ils éclairent la coécriture comme pratique formatrice en didactique des langues.
Ce numéro souhaite rendre hommage aux gestes d’accompagnement, à la transmission, au passage de relais et à la construction commune du savoir qui se déploient lorsque deux chercheurs écrivent ensemble.
Consignes aux auteurs: https://journals.openedition.org/apliut/1524
Les propositions prendront la forme d’un résumé de 350 à 400 mots (hors bibliographie) et être accompagnées d’un titre, de cinq références bibliographiques et de trois à cinq mots-clés. Elles devront être envoyées au plus tard le 1ermars 2026 aux deux adresses suivantes :
aurelie.bourdais@umontpellier.fr
marie-claire.lemarchand-chauvin@univ-lorraine.fr
Calendrier :
Date limite d’envoi des propositions : 1er mars 2026
Notification d’acceptation des propositions : fin mars 2026
Envoi des publications (1ère version) : 30 septembre 2026
Retour aux auteurs : décembre 2026
Parution : octobre 2027
Références
Chabanne, J.-C., & Bucheton, D. (2008). Parler, lire, écrire dans toutes les disciplines. Retz.
Cros, L. (2021). La didactique des langues-cultures à l’aune de l’Acedle. Recherches en didactique des langues et des cultures, 18(3). https://doi.org/10.4000/rdlc.10643
Macfarlane, B. (2017). The ethics of multiple authorship: Power, performativity and the gift economy. Studies in Higher Education, 42(7), 1194–1210. https://doi.org/10.1080/03075079.2015.1072143
Paul M. (2009). Accompagnement, Recherche et formation, 62. https://doi.org/10.4000/rechercheformation.435
Quynn, K., & Wilusz, C. (2025). Faculty who write with their graduate students: A study of non-peer writing collaborations. In J. Wells (Ed.), Faculty writing support: Emerging research from rhetoric and composition studies. WAC Clearinghouse.
Ristea, P. (2020). L’appropriation des écrits académiques en FLE: L’exemple de la problématique. Travaux de didactique du français langue étrangère, 76. https://doi.org/10.5167/uzh-199581
Scheepers, C. (Dir.). (2021). Former à l’écrit, former par l’écrit dans l’enseignement supérieur. De Boeck Supérieur.
Wang, J. (2025). Getting to the upper end of the novice zone: An exploration of doctoral students’ writer identity in coauthoring with supervisors for publication. Journal of Second Language Writing, 61. https://doi.org/10.1016/j.jslw.2025.101087
Wang, J., Liardet, C. L., Lum, J. G., & Riazi, A. M. (2024). Co-authorship between doctoral students and supervisors: Motivations, reservations, and challenges. Higher Education Research & Development, 43(7), 1615–1631. https://doi.org/10.1080/07294360.2023.2192943
Yeo, M., & Lewis, M. (2019). Co-authoring in action: Practice, problems and possibilities. Iranian Journal of Language Teaching Research, 7(3), 15–32. https://ijltr.urmia.ac.ir/article_120286.html