Volume 45 n°2 de la revue en ligne Recherche et pratiques pédagogiques en langues (RPPL)
La transition se définit comme le “passage d’un état à un autre” impliquant un avant et un après, ainsi qu’un évènement déclencheur. Pouvant être fluide ou brutale, la transition est un processus dynamique qui peut s’apparenter à une rupture et être plus ou moins acceptable. Toutefois, d’un point de vue philosophique, “la transition est d’abord l’imagination d’autres possibles” (Chabot, 2015).
Dans le champ de la didactique des langues, il peut s’agir de s’intéresser aux dispositifs pédagogiques propices à une transition vers de nouvelles opportunités d’enseignement- apprentissage des langues, aux accompagnements possibles dans la transition et aux stratégies de bricolage des enseignants (à l’instar de ce qui a été vécu à l’école durant la pandémie, cf. Boudokhane-Lima et al., 2021) comme des apprenants, avec le développement de nouvelles pratiques. Il sera également intéressant d’aborder l’acceptation (Tricot et al. 2003) et la gestion de l’urgence face à des déclencheurs subis en raison de la temporalité du changement et/ou de l’écart entre les caractéristiques de la situation passée et celle de la situation à accepter. Cela peut concerner les situations où les apprenants de langue se trouvent empêchés géographiquement ou par des contraintes techniques. De récentes publications abordent les conséquences des adaptations rendues nécessaires par les pandémies COVID, tant sur le contenu des cours que sur les modalités d’enseignement-apprentissage (de Céglie : 2021, Guillaume, 2021).
En revanche, la question des caractéristiques de la transition entre les situations d’enseignement-apprentissage avant et après la pandémie est moins analysée. Il s’agirait de se concentrer sur ce que cette situation-problème a fait émerger et qui a généré des pratiques devenues pérennes (recours à des outils numériques, par exemple). Plus généralement, il serait intéressant d’étudier l’évolution des pratiques enseignantes imposées par les décisions et directives institutionnelles ou ministérielles (organisation temporelle et matérielle, public à accueillir, création de contenus spécifiques, mise en place de partenariat, etc.).
Vers le renforcement et l’émergence de formats d’enseignement
La transition pourra être abordée sur le plan de l’ingénierie pédagogique en tant qu’adaptation nécessaire face à l’évolution des curricula, aux contraintes propres à l’offre de formation ou aux caractéristiques des apprenants/publics (travailleurs, DU disciplinaires, DU Passerelles, etc.), aux nouveaux temps de présence à l’université, à l’organisation des activités d’apprentissage et l’impact sur les emplois du temps et la gestion des locaux, etc. En découle la remise en question de nos valeurs et représentations face à des éléments déclencheurs qui bousculent nos repères habituels et nous amènent aussi à élargir nos pratiques de classe pour favoriser l’apprentissage. Ces préconisations données par l’enseignant peuvent être au niveau de l’investissement de l’environnement universitaire et social (Grassin, 2020) et du recours aux dispositifs complémentaires à disposition (ateliers de conversation, enquêtes, etc.) qui vont élargir l’espace d’apprentissage. Cela soulève d’une part la question de la porosité entre le formel et l’informel (Babault et al., 2022). D’autre part, cela met en évidence la nécessité d’accompagner l’apprenant dans ses usages du numérique, par le biais d’une ingénierie “non prescriptive” (Peraya et Peltier, 2020), “dispositive” (Caron, 2020) afin de lui laisser une voie possible pour une appropriation créative, inspirée et agentive. L’action de l’enseignant de langue s’inscrit également dans une transition entre le monde universitaire et le monde du travail cible avec un développement de l’agir professionnel, tant sur le plan linguistique que pragmatique en introduisant les compétences socio-langagières appropriées et le développement des connaissances et compétences propres au domaine.
Une transition vers l’élargissement des pratiques d’apprentissage
Approcher la notion de transition en lien avec une didactique des langues et cultures ancrée dans son temps, implique de trouver ou examiner des pratiques qui « élargissent l’espace d’apprentissage à des situations qui se trouvent hors de la salle de classe ou ne se déroulent pas nécessairement en face à face avec un enseignant » (Babault et al., 2022). Il pourra alors s’agir de questionner l’investissement de certains lieux (tiers-lieux à l’université, centre de ressources en langues, environnement homoglotte, etc.) et/ou de certains outils numériques (plateformes, applications, etc.) ou non à l’initiative de l’apprenant. Par ailleurs, il serait intéressant d’aborder l’accompagnement de l’apprentissage en lien avec l’individualisation / la différenciation et les aides que l’institution peut proposer selon les parcours, projets et trajectoires des apprenants « dont les rythmes sont de plus en plus individuels et déphasés les uns des autres » (Pierre & Sauquet, 2022).
Nous pourrions par ailleurs examiner la transition entre les langues au service de la construction plurilingue des individus, avec l’intégration de modules d’intercompréhension et la place accordée à la langue maternelle comme langue de médiation dans les textes officiels.
Transition en didactique des langues au regard de la transition écologique
Considérer l’enseignement-apprentissage des langues et des cultures au sein d’une société en mutation, c’est introduire des questions vives au sein des contenus pédagogiques, mais également dans le format même des cours. C’est ainsi que la sensibilisation aux enjeux de la transition écologique, souhaitée par la Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (2023), trouve sa place au sein des cours de langues (au travers de scénarios pédagogiques thématiques par exemple), mais aussi dans l’offre de formation comme cours à part entière impliquant parfois un co-enseignement entre un enseignant du domaine et un enseignant de langue, la langue étant alors outil de communication (ex. INSA Lyon). La transition écologique amène tout un chacun à questionner les modalités d’enseignement-apprentissage avec l’utilisation de documents papiers et numériques. Sur ce point, l’expérience de formation hybride à distance renvoie à une responsabilité à la fois environnementale et sociétale. Appréhendés comme leviers de transformation, les outils numériques peuvent contribuer directement à cette démarche de transformation des pratiques et de développement de dispositifs centrés sur les apprenants dans lesquelles les universités se sont engagées. Il s’agit toutefois d’en identifier les limites au-delà des représentations et d’essayer d’en avoir une utilisation raisonnée, compte tenu de l’impact environnemental que peut avoir le recours au numérique.
Les contributions pourront porter sur un des axes suivants :
– Axe 1 : Dans quelles mesures l’évolution du cadre de travail amène les enseignants en centre de (ressources en) langues à renforcer/diversifier leurs formats d’enseignement ou/et à laisser place à l’émergence d’autres formats ? Comment les enseignements dispensés sur ces terrains s’inscrivent dans une transition vers l’autonomie de l’apprenant et la vie professionnelle ?
Comment l’institution accompagne les enseignants dans leur travail de formateurs en langues face à des besoins graduellement nouveaux ?
– Axe 2 : Dans quelle(s) transition(s) les apprenants de langues se trouvent-ils ? Ces transitions sont-elles à leur initiative ou induites par l’action de l’enseignant ? Vont-elles vers un élargissement des pratiques d’apprentissage, un enrichissement linguistique et/ou une approche de leur environnement socio-culturel ?
– Axe 3 : Comment les enjeux pédagogiques et écologiques donnent lieu à une ou des transition(s) en didactique des langues tant au niveau du contenu des cours qu’au niveau des formats ? Enseignants et apprenants sont-ils devenus co-acteurs de cette transition pédagogique ?
– Axe 4 : Cet axe permettra d’accueillir des propositions originales concernant la/les transition(s) dans les pratiques au sein des Centre de Langues et Centre de Ressources en Langues.
Modalités de soumissions
Principes de soumission de votre contribution : https://journals.openedition.org/apliut/5153
Consignes aux auteurs : https://journals.openedition.org/apliut/1524
Calendrier prévisionnel :
– envoi des articles complets : 7 mai 2025
– retours des évaluations : 15 juillet 2025
– renvoi des modifications éventuelles : 20 septembre 2025
– publication prévue pour fin 2025
Envoyer votre proposition (en précisant l’axe et le type de contribution [article ou note de
recherche, par exemple]) à :
sophie.dufour@univ-lyon2.fr ; elise.gandon@univ-lyon2.fr ; emilie.magnat@univ-lyon2.fr