La 7ème édition des Assises européennes du plurilinguisme aura lieu à Paris, après plus de vingt ans de la première édition (Paris, octobre 2005).
Dans L’économie du 20e siècle, l’économiste, historien et philosophe français François Perroux déclarait que « nous ne possédons pas une théorie d’ensemble, cohérente et utilisable, de ce que je propose de nommer l’« effet de domination » » (Perroux, 1961 : 27).
Pourquoi parler des rapports de domination alors qu’il s’agit de traiter de la circulation des savoirs, des imaginaires et des compétences en rapport avec la diversité des langues ? Quand il y a circulation, déplacement, transfert, il y a des différences de niveau, ce qui signifie que les savoirs, les imaginaires, les compétences n’émergent pas partout en même temps et de la même façon, ce qui engendre différences, déséquilibres et conflits potentiels.
Ainsi, plutôt que de considérer la domination comme un mal, et de se lancer dans une quête à l’égalité sans issue, mieux vaut la considérer comme un fait qui conditionne toute vie personnelle et sociale et qui trouve sa régulation dans la vie sociale. Dès lors, la circulation des savoirs, des imaginaires et des compétences devient intelligible.
Une autre dimension fondamentale pour comprendre la circulation des savoirs, des imaginaires et des compétences, est la dimension linguistique. Elle est généralement négligée en raison du préjugé monolingue.
Dans une optique monolingue, on imagine l’information véhiculée par une langue unique. C’est la vision théorique du marché et de la concurrence pure et parfaite dans laquelle la langue est juste « ce qui sert à communiquer »1, et ce que l’on communique, c’est de l’information. Donc plus la langue est homogène et comprise par tous, mieux circule l’information. Dès lors que la culture est elle-même ramenée à de l’information, il n’est d’aucun intérêt d’avoir, d’utiliser, de travailler avec plusieurs langues.
À cette vision marchande, on peut opposer celle du terroir, de la communauté et des différences irréductibles car considérées comme relevant de l’essence d’un contexte, d’un lieu. Dans cette optique, il n’y a pas d’échange ; il n’y a que de l’entre-soi, une auto-identification dans la non-reconnaissance de l’autre, négation de l’altérité, la diversité étant perçue comme menace et cet individualisme identitaire ou identitariste conduisant à la reproduction à l’infini du même. Cette vision est un monolingue différent, mais un monolinguisme quand même.
Entre ces opposés, il y a l’identité dynamique qui se construit dans le rapport à l’autre et à son environnement. La diversité est vécue comme richesse et non comme danger, le monde est perçu comme infinité à découvrir et non comme une limite à circonscrire. C’est mieux connaître sa langue en découvrant d’autres langues. C’est la vision du plurilinguisme.
La domination n’est pas un phénomène univoque. La supériorité par la force, militaire, ne donne pas forcément la supériorité culturelle.
S’agissant du champ géographique, celui-ci n’a pas de limite. Quand Heinz Wismann voit dans Nietzsche le plus français des philosophes allemands, on est dans le champ.
Qui dit domination, dit fatalement vulnérabilité. D’un point de vue synchronique, la voie est totalement ouverte aux phénomènes tournant autour de l’insécurité linguistique, des identités en question et de la cohésion sociale, de plus en plus menacée.
Un élève qui entre au collège sans avoir acquis à l’école primaire les fondamentaux qui lui permettront de suivre une scolarité normale est placé dans une situation d’insécurité linguistique ou de fragilité qui risque de lui peser toute sa vie. Cela met en évidence la « centralité de la langue », au sens que donne à ce concept Tullio De Mauro (De Mauro, 1975), à savoir que si tout ne se réduit pas au langage, l’acquisition du langage est néanmoins au cœur du système, ce qu’a méconnu toute une génération de pédagogues. On grandit avec la langue et l’on se construit très largement par la langue.
Le champ est très ouvert. L’éducation plurilingue et interculturelle est selon nous un facteur décisif de réduction de l’insécurité linguistique et de renforcement de la cohésion sociale.
La dimension éducative, de la maternelle à l’enseignement supérieur, est fondamentale à plus d’un titre parce que l’Ecole est un lieu de transmission, de socialisation, d’ouverture à l’autre et d’émancipation. L’enseignement supérieur n’est pas en reste en tant que lieu d’approfondissement des connaissances, de spécialisation, de professionnalisation, de recherche, d’élaboration et de circulation des savoirs et des idées et d’internationalisation, en même temps que d’enracinement dans un territoire.
Une attention particulière doit être attachée aux alliances interuniversitaires que l’on désigne aujourd’hui comme « universités européennes ».
D’autres dimensions sont à prendre en considération sans qu’il soit nécessaire de les développer ici, par exemple les dimensions technologique, géopolitique et géolinguistique. Une attention toute particulière est néanmoins à consacrer à la mobilité des individus, des cultures et des compétences.
Lors de ces Assises, il nous semble souhaitable de déployer la réflexion sur plusieurs axes, liste non limitative :
– L’éducation
– La recherche
– Les médias et l’édition
– Le numérique éducatif
– La formation des formateurs
– Le développement durable
– La conscience européenne
– La relation Europe-Afrique
– Les espaces linguistiques
– Les mobilités des individus et des compétences
Sur ces axes peuvent être déployées diverses problématiques données ici à titre indicatif :
Économie des connaissances et économie des langues :
Psycholinguistique, didactique et pédagogie
Dates clés
Lancement de l’appel : août 2025
Date limite de dépôt de propositions : 20 décembre 2025
Notification des propositions retenues : 15 février 2026
Inscription des intervenants et participants non intervenants : 15 février 2026
Publication du pré-programme : 30 avril 2026
Date limite de remise des textes intégraux des communications : 31 juillet 2026, maximum 10 pages format A5 ou 20 000 caractères espaces compris. (un modèle est fourni en ligne en annexe aux normes de publication)
assises@observatoireplurilinguisme.eu
Indications pratiques
Les communications orales seront limitées à 15 mn. Des présentations sous forme de diaporama seront possibles.
Les résumés des propositions de communication (note d’une demi-page maximum ou 2000 caractères espaces compris) devront être déposés sur la plate-forme avant le 20 décembre 2025.
Ces résumés seront utilisés pour la sélection des candidatures et pour la publication des pré-actes dans le dossier du participant.