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Penser la complexité : quelles approches et quels outils en contexte pluriel ou plurilingue ? / Reflections on Complexity: Which tools and approaches in plural or multilingual contexts?

13 octobre 2021 - 15 octobre 2021

Site : https://complexites2021.sciencesconf.org/

 

Ce colloque international se tiendra en présentiel et/ou en distanciel.

 

La complexité est considérée, de nos jours, comme une notion théorique fédérant de très nombreux domaines de recherche scientifiques aussi différents que divergents, des sciences naturelles aux sciences de l’information en passant par les sciences humaines et sociales et les sciences de l’éducation. Si cette notion est présente dans la quasi-totalité des disciplines, elle reste toutefois très difficile à appréhender. On peut la caractériser de prime abord par son opposition à la notion de simplicité avec laquelle elle est étymologiquement liée, comme en témoigne l’extrait suivant :

Tandis que le terme de complexité vient d’un terme signifiant plié avec, entrelacé, serré, attaché, plié en plusieurs fois, le mot simplicité dérive des mots latins simplex, simplicis adjectif et substantif, qui signifie : ‘ce qui ne fait qu’un pli’, ‘ce qui n’a qu’une manière d’être’, ‘ce qui n’a que telle ou telle manière d’être, et rien de plus’ (Mukungu Kakangu, 2007 : 174, cité d’après Glaudert 2011 : 20).

Selon Glaudert (2011 : 22), il convient de ne pas confondre, comme cela est souvent le cas, la notion de complexité et celle de complication. Celles-ci ne renvoient pas en effet au même concept, même si elles s’opposent toutes les deux à celle de simplicité.

La complexité se caractérise notamment par (i) la prolifération des éléments, de leurs relations, de leurs interactions, et de leurs interprétations, et (ii) par l’impossibilité de réduire cette interprétation à un système d’interprétation unique (Dahl, 2004 ; Miestamo, 2008 ; Sampson, et al. 2009 ; Fraisopi ; 2012). Si la complexité est une propriété d’ordre épistémique en ce sens qu’elle concerne la connaissance d’un système construit par un observateur, la complication, quant à elle, est une propriété d’ordre pragmatique ressentie par l’usager confronté à un environnement complexe en matière de prise de décision, d’orientation, et d’exécution de l’action. En d’autres termes, une pédagogie complexe, décrite comme telle par les didacticiens, peut être vécue comme simple ou compliquée dans la pratique par ses usagers apprenants (Bottineau, 2015).

Le présent colloque se propose de réunir les chercheuses et chercheurs qui interrogent la notion de complexité dans divers domaines. Il cible en particulier trois axes thématiques :

Axe 1 : Langages, Langue, Traduction

Depuis une vingtaine d’années, le thème de la complexité est largement étudié en sciences du langage, en particulier en linguistique typologique et comparative, mais aussi dans des domaines comme l’acquisition du langage. Il a fait l’objet de plusieurs colloques en France (Complexités linguistiques, 2012, Paris, MoDyCo-CRL ; Simplicité et complexité des langues dans l’histoire des théories linguistiques, Paris, SHESL-HTL, 2020), en Bulgarie (Complexité des structures et des systèmes linguistiques : le cas des langues romanes, Sofia, 2018), et d’un grand nombre de publications en français (La complexité. Ses formes, ses traitements, ses effets, 2005, PUC ; La complexité en langue et son acquisition, 2012, Lublin ; Sur le thème : linguistique et complexité, 2013, NPSS ; La complexité et la comparaison des langues, 2017, ELA ; Complexité des structures et des systèmes linguistiques : le cas des langues romanes, 2019, CU Romanistika, Sofia). Il convient de souligner que les travaux anglo-saxons sur ce thème (p.ex. Dahl, 2004 ; Kusters, 2008 ; Miestamo, 2008, 2017) sont particulièrement abondants.

Les experts distinguent plusieurs types de complexité, comme complexité relative vs. complexité absolue ; complexité globale vs. complexité locale ; complexité algorithmique vs. complexité effective. Le fonctionnement de ces types de complexité a été récemment synthétisé dans le texte introductif de l’ouvrage collectif de Burov et Fiorentino (2019). Par ailleurs, déjà Miestamo (2008 : 24-26) précisait que la complexité absolue relève de la théorie et de la position objective, tandis que la complexité relative dépend de la position subjective de l’apprenant.

La complexité touche non seulement l’analyse intralinguistique, mais aussi la comparaison interlinguistique. Cette dernière nous renvoie au problème de la traduction, mais également à celui de l’utilisation de la traduction dans l’apprentissage des langues. En effet, l’exercice scolaire de traduction présente des textes isolés et autonomes, masquant ainsi les corrélations entre l’environnement du texte mais aussi la subjectivité des traducteurs. Ces derniers illustrent la notion de complexité en traductologie de par leur identité de traducteur, aussi bien individuellement qu’en tant que groupe de traducteurs, comme le montre la relation entre traduction et genre (Tymoczko, 2019). Ils doivent également utiliser leurs connaissances non seulement linguistiques et culturelles mais aussi de spécialité, tout en prenant en compte la situation de communication, ce qui rend l’opération de traduction singulièrement complexe.

En traductologie, même si la notion de complexité est rarement évoquée et gagnerait à être thématisée explicitement, on observe un courant de recherche visant à refonder le processus de traduction comme système complexe holistique entrelaçant des domaines de pratiques, de sémiotisation et de théorisations disciplinaires hétérogènes, et à faire prendre en compte ses propositions par les pratiques d’enseignement de la traduction et de la traductologie, encore souvent limitée à des processus simplifiés avec une visée normative (Lautel-Ribstein, 2013).

Le colloque se propose d’être un lieu de débats autour de ce type de questions en confrontant une diversité de regards portés sur le langage et /ou des langues spécifiques. Les propositions attendues porteront :

  • sur le problème de théorisation du concept ;
  • sur le rapport entre la notion de complexité et celle de simplexité (Berthoz, 2009)
  • sur les questions méthodologiques soulevées par la complexité ;  et/ou
  • sur des analyses concrètes et originales de réalisations effectives, qu’il s’agisse d’analyses de corpus monolingues ou multilingues, d’analyses de traductions, ou d’analyse de données issues d’enquêtes originales.

Axe 2 : « Appropriation des langues et des cultures : approches pour une problématique complexe »

La notion d’appropriation invite à réfléchir au développement de nouvelles compétences langagières plurielles en prenant en compte la diversité des contextes linguistiques et culturels et des dispositifs et supports divers et variés de l’enseignement/apprentissage des langues et des cultures. Elle a suscité un grand intérêt dans divers champs disciplinaires des sciences humaines et sociales (sciences de l’éducation, sciences du langage, didactique, sociologie, sciences de l’information et de la communication, sociolinguistique). Elle s’est, entre autres, développée pour penser les apprentissages scolaires et les pratiques professionnelles liées aux contextes formels et non formels (Krashen, 1981 et Besse & Porquier, 1984). Force est de constater que ces domaines connexes participent de plus en plus à mieux comprendre, décrire et analyser le processus d’appropriation langagière chez l’apprenant, ainsi qu’à l’évolution de ce processus complexe qui s’impose aujourd’hui comme réflexion fondamentale qui (ré)interroge nos écoles contemporaines, culturellement hétérogènes. Partant, l’appropriation langagière se trouve étroitement liée au développement de compétences (linguistiques/culturelles/disciplinaires) dans des situations de communication interculturelle (Abdallah-Pretceille, 2017).

Cet axe du colloque se donne comme objet de questionnement ce qui relève de l’appropriation langagière dans l’enseignement-apprentissage des langues et des cultures, tant sur le plan théorique que sur le plan pratique. Il sera consacré à l’appropriation des langues et des cultures non maternelles : langue première, langue d’origine, langue seconde, langue de scolarisation (Vigner, 2009 ; Verdelhan, 2002), langue d’enseignement (Chiss, 2018), langue de référence, langue parentes, langue-pivot (Maurer & Puren, 2019) et réunira des thématiques, habituellement dispersées dans les champs des recherches (linguistiques ; didactiques ; sociolinguistiques ; psycholinguistiques) sur la complexité du processus de l’appropriation langagière. L’objectif majeur, ici, est de faire émerger une réflexion pluridisciplinaire à partir d’études de terrain récentes, prenant en compte la complexité et la diversité des contextes linguistiques et culturels avec une visée praxéologique.

Les propositions de communications porteront sur des travaux récents ou en cours et se focaliseront sur des questionnements autour

  • des valeurs, statuts et représentations des langues et des cultures non maternelles ;
  • des acteurs éducatifs (enseignant/formateur/pédagogue) ;
  • des fondements didactiques de l’appropriation des langues en contexte plurilingue ;
  • des pratiques et agir professionnels.

Etant donné que l’appropriation langagière dépend grandement du contexte socio-culturel et se construit grâce aux interactions de l’individu avec son environnement langagier, on peut aussi s’interroger sur la manière dont les nouveaux contextes migratoires et la spécificité des publics allophones ont influencé les approches didactiques plurielles. Ces éléments de réflexion proposent de revisiter la question et permettront de renouveler la discussion autour de l’appropriation langagière appréhendée en tant que processus double impliquant soit l’apprentissage d’une langue en milieu scolaire, soit l’acquisition non guidée dans un contexte informel, l’apprentissage et l’acquisition pouvant se construire simultanément ou successivement (Porquier, 1995).

Axe 3 : Outils théoriques et méthodologiques pour appréhender la complexité des pratiques éducatives 

D’après le sociologue allemand Max Weber, le réel serait par essence « inépuisable » (1904 : 138). Presqu’un siècle plus tard, Edgar Morin (1990) propose une approche particulière du réel qu’il considère dans sa « complexité », à travers une perspective systémique qui vise à relier et à tisser des liens plutôt qu’à séparer. Quelles sont les différentes démarches et postures à travers lesquelles les chercheurs, actuellement, appréhendent la complexité du réel ?

Contrairement aux sciences de la nature, les chercheurs en sciences de l’éducation et de la formation au sein des sciences humaines et sociales s’intéressent aux pratiques éducatives prises dans leurs contextes naturels et situés. Dès lors, « les phénomènes (…) sont toujours donnés dans le devenir du monde historique qui n’offre ni répétition spontanée, ni possibilité d’isoler des variables en laboratoire » (Passeron, 2006 : 81). Le chercheur ne peut pas, ou alors très difficilement, isoler artificiellement les facteurs dont il souhaite identifier et mesurer les effets respectifs. De plus, ces données ne sont pas obtenues dans un vide social ; elles sont reliées à des contextes singuliers.

De quels outils théoriques et méthodologiques le chercheur dispose-t-il alors pour penser la complexité ? Les communications de ce colloque chercheront à apporter des éléments de réflexion aux questions suivantes :

  • les approches de la complexité dans les objets d’enseignement et dans le contexte de l’éducation au regard de l’évolution des demandes sociales et institutionnelles. Quels impacts sur les objets d’étude et sur les outils du chercheur ?
  • les relations entre les disciplines au sein des sciences de l’éducation et de la formation. Le chercheur peut-il envisager des enrichissements pluridisciplinaires et interdisciplinaires pour affronter la complexité ? Quels apports et quelles limites ?
  • le recueil, le traitement et la mise en relation de données de natures différentes (observations, entretiens, statistiques, questionnaires, images, notes, etc.), la variation des échelles d’analyse (macro/méso/micro) spatiales et/ou temporelles. À quelles conditions les articulations sont-elles possibles ?
  • la subjectivité du chercheur et sa relation avec les acteurs de terrain. Comment le chercheur peut-il assurer la validité des recherches, dans la mesure où la connaissance du réel est marquée par l’individu qui la pense ? Comment collaborer avec les acteurs de terrain ?

 

Le colloque réunira des chercheurs qui interrogent la notion de complexité dans l’un des domaines discutés ci-dessus. Les communications retenues seront présentées sous forme d’exposés oraux de 20 minutes (suivis de 10 minutes d’échange) ou sous forme de posters. L’événement aura lieu dans les locaux de l’Université de Franche-Comté du 13 au 15 octobre 2021.

 

Références bibliographiques

Abdallah-Pretceille Martine, 2017, L’éducation interculturelle, Paris, PUF.

Berthoz Alain, 2009, La Simplexité, Paris, Odile Jacob.

Besse Henri et Porquier Rémy, 1984, Grammaire et didactique des langues, Paris, Hatier-Crédif.

Bourguignon Lucien, 1998, Histoire et didactique : les défis de la complexité, Futuroscope (Poitier), CNDP.

Bottineau Didier, 2015, « Les langues naturelles, objets complexes, systèmes simplexes : le cas du basque », in Begioni et Placella (dir.), Problématiques de langues romanes, Linguistique, politique des langues, didactique, culture, Hommages à Alvaro Rocchetti, Linguistica 69, Fasano, Schena Editore, pp. 55-85.

Burov Ivaylo et Fiorentino Giuliana (dir.), 2019, Complexité des structures et des systèmes linguistiques : le cas des langues romanes, Sofia, CU Romanistika.

Chiss Jean-Louis, 2018, « La langue française et le plurilinguisme : en même temps ? », Recherches et applications 64, pp. 189-192.

Dahl Östen, 2004, The growth and maintenance of linguistic complexity, Amsterdam/Philadelphia, Benjamins.

Do-Hurinville Danh-Thành et Dao Huy-Linh (dir.), 2017, La complexité et la comparaison des langues, ÉLA. Études de linguistique appliquée, n°185.

Do-Hurinville Danh-Thành, 2020, « Quand la transcatégorialité peut devenir source de complexité. Exemple de limite en français », in  Burov & Fiorentino (dir.), Complexité des strucutres et des systèmes linguistiques : le cas des langues romanes, Sofia, CU Romanistika, pp. 241-264.

Do-Hurinville Danh-Thành et Dao Huy-Linh, 2017, « La complexité du verbe de mouvement centrifuge đi en vietnamien », in ÉLA, Études de linguistique appliquée n° 185, La complexité et la comparaison des langues, pp. 21-34.

Fraisopi Fausto, 2012, La complexité et les phénomènes, Nouvelles ouvertures entre science et philosophie, Paris, Hermann.

Glaudert Nathalie, 2011, La complexité linguistique : essai de théorisation et d’application dans un cadre comparatiste, thèse de doctorat soutenue à l’Université de la Réunion.

Krashen Stephen D. (dir.), 1981, Second language acquisition and second language learning, Oxford/New York, Pergamon Press.

Kusters Wouter, 2008, « Complexity in linguistic theory, language learning and language change », in Matti Miestamo, Kaius Sinnemäki, Fred Karlsson (dir), Language complexity: typology, contact, change, Amsterdam/Philadelphia, Benjamins, pp. 3-22.

Lautel-Ribstein Florence, 2013, « For a clear definition of Translation Studies, or why the earth is not flat », The European English Messenger, vol. 22.2, Winter 2013, pp. 50-54.

Martinot Claire, 2013, « La complexité d’un phénomène linguistique est-elle toujours source de difficulté ? Cas de l’acquisition des relatives en langue première (français et allemand) »,  Nouvelles Perspectives en Sciences Sociales, vol. 9, n°1, Sudbury, Ontario, Canada, Editions Prise de parole, pp. 123-169.

Maurer Bruno et Puren Christian, 2019, CECR : par ici la sortie ! Paris, Éditions archives contemporaines.

Miestamo Matti, 2017, « Linguistic diversity and complexity », Lingue a Linguaggio 16 (2), pp. 227-253.

Miestamo Matti, 2008, « Grammatical complexity in cross-linguistic perspective », in Matti Miestamo, Kaius Sinnemäki, Fred Karlsson (dir.), Language complexity: typology, contact, change, Amsterdam/Philadelphia, Benjamins, pp. 23-41.

Morin Edgar, 1990, Introduction à la pensée complexe, Paris, Le Seuil.

Mukungu Kakangu Marius, 2007, Vocabulaire de la complexité : Post-scriptum à La Méthode d’Edgar Morin, Paris, L’Harmattan.

Passeron Jean-Claude, [1991] 2006, Le raisonnement sociologique, un espace non-poppérien de l’argumentation, Paris, Albin Michel.

Porquier Rémy, 1995, « Trajectoires d’apprentissage des langues : diversité et multiplicité des parcours », Études de linguistique appliquée 98, pp. 92-102.

Sampson Geoffrey, Gil David, Trudgill Peter (dir.), 2009, Language Complexity as an Evolving Variable, Oxford Linguistics.

Tymoczko Maria, 2019, “Translation as Organized Complexity, Implications for Translation Theory” in Complexity Thinking in Translation Studies: Methodological Considerations, Marais&Meylaerts (eds). Routledge: New-York.

Verdelhan-Bourgade Michèle, 2002, Le français de scolarisation. Pour une didactique réaliste, Paris, PUF.

Vigner Gérard, 2009, Le Français langue seconde. Comment apprendre le français aux élèves nouvellement arrivés ? Paris, Hachette-Éducation.

Weber Max, [1904] 1992, « L’objectivité de la connaissance dans les sciences et la politique sociales », in Essais sur la théorie de la science [1922], Paris, Plon.

 

Langues du colloque : français, anglais

 

Événement scientifique organisé par : 

ELLIADD EA4661 (Université de Franche-Comté)

CRLAO UMR8563 (CNRS-EHESS-INALCO)

 

Contact (uniquement pour demander des infos)  complexite2021@gmail.com

 

 

Lieu : La Maison des sciences de l’homme et de l’environnement (MSHE)

Claude Nicolas Ledoux, Université de Franche-Comté (Besançon)

 

 

Détails

Début :
13 octobre 2021
Fin :
15 octobre 2021
Catégorie d’Évènement:

Organisateur

Elliad