Comment écrire, comment donner à lire, à entendre mais aussi à dire jusque dans la classe le plurilinguisme inhérent à notre monde urbanisé mondialisé (Calvet, 1994) mais aussi celui, moins étudié, des zones rurales (Cobbinah et al., 2016) ? C’est le dialogue entre la langue normée à diffusion internationale comme le français, l’anglais, l’arabe, l’espagnol, etc. et des langues qui leur semblent aux antipodes (à l’instar des langues orientales, africaines, océaniennes enseignées à l’Inalco), mais aussi entre les multiples variétés de langue, sociales (Gadet, 2007) et topiques (Likacheva-Philippe, 2010), que nous nous proposons d’explorer dans les colloques LÉEL (Lire et écrire entre les langues), à la fois dans son expression littéraire et dans ses exploitations pédagogiques. Dialogue qui ne va évidemment pas sans heurts, la littérature portant elle aussi le témoignage des rapports de dominations exercés dans la société (Giordan, Ricard & Balibar, 1976) ou d’histoires familiales ou personnelles mouvementées, tant au sein de la francophonie (Spaëth, 2018) où le français se décline sous des formes variées, trop souvent invisibilisées, que dans d’autres sphères géolinguistiques. Que ce soit dans l’exploration des corpus littéraires ou des expériences pédagogiques de création plurilingue, c’est donc aussi ce « bruissement de la langue » (Barthes, 1984) et ce plurilinguisme interne aux langues, que les colloques LÉEL cherchent à promouvoir. Ce plurilinguisme interne concerne certes le français, dont le singulier masque la diversité géolinguistique des variantes régionales comme nationales, autant de manifestations de l’hétérogénéité langagière (Glissant, 1995) propre à l’espace francophone, auquel aucun locuteur n’échappe (Derrida, 1996), mais aussi toutes les autres langues dominantes.
Chaque colloque LÉEL réunira ainsi des chercheur.e.s. mais aussi des enseignant.e.s et/ou animateurs.rices d’ateliers d’écriture, traducteurs.trices, artistes français et étrangers engagé.e.s dans la recherche, la création, la traduction et la transmission. Ils.elles interviendront sous la forme de conférences plénières, de communications en sessions parallèles et de posters, mais aussi d’ateliers créatifs, de retours d’atelier et de performances. Grâce à ces événements scientifiques, nous espérons construire des collaborations plus étroites entre les universités organisatrices et leurs partenaires, les acteurs locaux, les artistes, autour de la création littéraire plurilingue, en faisant vivre le dialogue entre recherche, création, enseignement et formation
Genèse : du colloque Écrire entre les langues à la convention LÉEL
Une des dimensions de la création littéraire tient à la conscience des langues, qu’il s’agisse de la diversité des langues en contact ou des variétés d’une même langue. Ce « dialogue des langues » est riche d’une immense potentialité poétique et narrative : l’explorer est au cœur du Concours Inalco de la nouvelle plurilingue (concours soutenu par l’Organisation internationale de la francophonie), imposant comme contrainte linguistique d’écrire en plus d’une langue, soit d’employer au moins une autre variété linguistique que le « français normé », entendu comme une variété de français parmi d’autres, élevée au statut de norme par le truchement de « l’idéologie du standard » (Gadet, 2007 : 27-31). En raison de son ouverture au monde (près de cent langues y sont enseignées, dont de nombreuses langues communément désignées comme « rares » pour « rarement enseignées » (Doehler, 2010)), l’Inalco se prêtait mieux qu’aucun autre lieu à accueillir en 2020 un tel concours. Sa première édition a été suivie d’une deuxième sur le thème « Langues en danger » ; puis d’une troisième édition (2022) sur le thème « Langues en germe » (appel en cours jusqu’au 15 septembre) autour des enjeux écologiques et écopoétiques.
Pour inscrire cet événement dans une réflexion scientifique, un premier colloque Écrire entre les langues : littérature, enseignement, traduction a été organisé les 14 et 15 juin 2021 à l’Inalco, sous l’égide de plusieurs laboratoires et services universitaires : le Plidam-EA 4514 à l’Inalco, le Diltec-EA 2288 & Thalim-UMR 7172 à l’Université Sorbonne Nouvelle, le LPL-UMR 7309 & SUPFLES à Aix-Marseille Université ainsi que le Cirpall-EA 7457 à l’Université d’Angers. L’objectif était, et demeure, de questionner plus avant cette hétérogénéité linguistique – qui participe au renouvellement des recherches sur le dialogisme, l’intertextualité et la polyphonie, notamment dans ses prolongements pédagogiques et didactiques (Auger, 2007 ; Blanchet, 2009).
De ce premier événement à la fois scientifique et culturel est née une fructueuse dynamique collective qui a permis d’élargir ce premier cercle à un réseau plus vaste réunissant dans le cadre de la convention LÉEL (Lire et écrire entre les langues) de nouveaux laboratoires de France et de Suisse : le LERMA (Aix-Marseille Université), LITT&ARTS (Université de Grenoble), ELL2 (Université de Lausanne) et LPIC (la Haute école pédagogique du canton de Vaud), tous engagés dans les mêmes problématiques, en confortant l’ouverture à d’autres sphères géolinguistiques. Ils ont décidé de mettre en commun leurs compétences respectives et de formaliser leur collaboration par une convention de collaboration de recherche encadrant le projet intitulé « Lire et écrire entre les langues : littérature, enseignement, traduction, création » (acronyme : « LÉEL »). Ce projet, s’inscrivant dans une durée de cinq ans, vise à développer et partager, dans un cadre interdisciplinaire et international, des dispositifs et des activités de recherche, de recherche-action et de recherche-création autour du plurilinguisme littéraire, de l’enseignement de la littérature en contexte plurilingue ou d’ateliers d’écriture et de traduction créatives dans une démarche transculturelle. Les colloques LÉEL ont une fréquence d’une fois tous les deux ans.
***
La première édition d’Écrire entre les langues : littérature, enseignement et traduction (Inalco, 2021) ayant été entravée par la crise sanitaire et n’ayant pu se tenir qu’à distance avec un nombre d’intervenant.e.s réduit, l’édition 2023 en constituera le deuxième volet, prolongeant la réflexion autour des axes préalablement définis, affinés depuis lors.
Formats d’intervention possibles :
– Communication scientifique (20 minutes + 10 minutes d’échanges) : exposition des résultats d’une recherche
– Retours d’ateliers (20 minutes + 10 minutes d’échanges) : présentation d’un dispositif d’atelier d’écriture
– Poster : présentation en format affiche d’une recherche
– Ateliers (1h30 ou 3h) : animation d’un atelier d’écriture hétérolingue
– Performance (à voir en fonction de la proposition) : carte blanche à partir des thématiques du colloque. Bien préciser les conditions de réalisation de la performance.