15e colloque de l’AIRDF
Depuis qu’ils se sont constitués en association, les chercheurs en didactique du français n’ont cessé de s’interroger sur la spécificité et la finalité des recherches au sein de leur discipline. En 2007, c’est l’inscription sociale de leurs travaux qui était ainsi questionnée, en 2010, leur ancrage dans la dimension curriculaire des enseignements et des apprentissages, en 2013, leur devenir dans un environnement de plus en plus numérique, en 2016, leur diffusion et leur utilité, et en 2019, leurs assises conceptuelles et épistémologiques.
Pour le colloque de Louvain-la-Neuve en 2022, le moment est peut-être venu de s’interroger sur les fruits de ces recherches, sur ce qu’elles cherchent à produire, à révéler, à faire progresser. Qu’est-ce qu’un résultat de recherche en didactique du français ? La question est importante, si l’on admet que la recherche scientifique a pour visée principale de contribuer à l’avancement des savoirs, entendus comme les résultats des travaux d’une communauté scientifique, ces résultats pouvant prendre la forme de « constats », mais aussi de concepts, de lois, de théories ou de modèles institués et dépersonnalisés (Thouin, 2014). Plus précisément, pour se constituer en tant que telle, une discipline de recherche ne peut se constituer que dans la mesure où elle « se dote tout à la fois d’un ensemble de questions spécifiques, d’un corps théorique propre, de méthodes de recherche contrôlables qui permettent de produire des résultats différenciés des opinions et des croyances, et de procédures réflexives et évaluatives qui autorisent un retour critique non seulement sur les recherches effectuées et leurs résultats, mais encore sur le questionnement, les méthodes et l’appareil conceptuel qui les fondent » (Reuter, 2007 : 5).
S’interroger sur les résultats de nos recherches revient par ailleurs à poser deux questions distinctes : 1° En amont, comment aboutit-on à un résultat ? Comment s’y prend-on pour le construire ? 2° En aval, comment interpréter un résultat, vers qui/quoi l’orienter, le communiquer ? À quels effets peut-il prétendre ? Ces questions sont cruciales pour notre champ où se multiplient les interactions entre recherche, expertise, formation et enseignement, les frontières entre ces domaines étant ainsi rendues poreuses.
Qui plus est, sous ses dehors d’évidence, la notion de résultat est en réalité éminemment polysémique et peut se déployer dans plusieurs directions différentes.
1-Une première direction concerne les acteurs qui sont légitimés à élaborer, à formaliser, à interpréter, à discuter, à évaluer, à transposer et à utiliser un résultat de recherche, et on identifie d’emblée ici une tension possible entre (i) les chercheurs eux-mêmes, qui peuvent sembler à priori les plus aptes à dégager les fruits de leur propre travail, (ii) les commanditaires ou les institutions qui emploient ces chercheurs et leur demandent régulièrement des comptes ou évaluent leurs travaux, et enfin (iii) les bénéficiaires supposés de ces travaux que sont dans le cas de notre discipline les enseignants et les formateurs.
Quelles conceptions ces différents acteurs ont-ils d’un résultat de recherche, quelles attentes éventuellement contrastées nourrissent-ils à cet égard, quelles postures adoptent-ils dès lors 2 pour les commenter et à quelles relations (de tensions, de malentendus…) ces différentes conceptions donnent-elles lieux ? Quel dialogue en résulte-t-il entre les commanditaires qui nourrissent des attentes à propos de « bonnes pratiques » qu’il s’agirait de prescrire et les chercheurs, généralement plus soucieux de descriptions que de prescriptions ? Que nous apprennent à ce propos les recherches sur les dispositifs dits efficaces (evidence based research) ? Et que dire par ailleurs des liens étroits qui existent entre certaines recherches et l’élaboration ou la mise en œuvre de manuels ? Enfin, quel regard les divers acteurs en présence posent-ils sur les critères d’évaluation de nos travaux ?
C’est l’occasion aussi, partant, de se demander si les résultats sont perçus de la même manière en fonction des différentes disciplines contributoires dont ils émanent, et si le seul fait de « migrer » d’un cadre disciplinaire vers un cadre interdisciplinaire n’en modifie pas à la fois l’enjeu et l’impact.
Les acteurs, les méthodes, les échelles, les finalités, la capitalisation : cinq axes qui permettent de décliner la notion de résultat, et qui, bien entendu, doivent eux-mêmes être déclinés à propos des différents objets de la didactique du français, à savoir les « domaines » de la langue et de la littérature dans leurs différentes dimensions (grammaticale, lexicale, discursive pour l’une, générique, patrimoniale, institutionnelle, subjective pour l’autre) d’une part, et les grandes « compétences » que sont l’écriture, la lecture, la prise de parole et l’écoute d’autre part.
Enfin, les résultats des recherches sont-ils convoqués et traités différemment selon les contextes d’enseignement que sont le français langue première, le français transversal 4 (langue « de scolarisation ») et les différentes variantes du français langue étrangère ou seconde (FLE, FLS, FOS, FOU…) ? Les mobilise-t-on et les interroge-t-on de la même façon au maternel, au primaire, au secondaire, dans le supérieur ou dans l’enseignement aux adultes ? De façon plus générale, peut-on identifier des spécificités quant aux résultats issus de la recherche en didactique du français (sur le plan des acteurs concernés, des visées poursuivies, de leur processus de constitution et de validation) et ceux qui sont issus des autres didactiques disciplinaires, des sciences de l’éducation, voire des recherches en sciences humaines en général ? On se souviendra par exemple que, dès 1996, Joshua posait la question : « Qu’est-ce qu’un résultat en didactique des mathématiques ? »
Tout l’enjeu du 15e colloque de l’AIRDF sera de déployer ces questions, de les mettre en débat, en privilégiant autant que possible le dialogue entre des chercheurs ou des équipes qui ont adopté des postures ou des cadres de travail différents en matière de résultats de recherche. On attend de chaque contribution qu’elle s’inscrive dans une perspective méthodologique et réflexive à propos des questions développées ci-dessus. Autrement dit, il ne s’agit pas seulement d’exposer des résultats de recherche mais de les mettre explicitement et centralement en questions.
Deux modalités d’interventions sont envisagées : les communications en ateliers (25 minutes + 15 minutes de discussion) et les symposiums réunissant au moins trois interventions issues d’équipes différentes autour d’une même question.
De plus, le colloque laissera aussi une place à des sessions de varias rassemblant des interventions hors thème. r
Adresse de contact colloqueairdf2022@uclouvain.be
Échéancier
30 septembre 2021 Dépôt des projets de communications (2000 signes tout compris) sur le site du colloque : préciser le titre, l’axe envisagé, le résumé et trois références bibliographiques
30 novembre 2021 Envoi aux auteurs des évaluations de leur projet et des éventuelles demandes de révision
15 janvier 2022 Envoi des résumés revus au comité scientifique
15 février 2022 Approbation ou refus des projets de communication
15 mars 2022 Diffusion du programme
15 avril 2022 Diffusion du programme et ouverture des inscriptions en ligne