Colloque international du DILTEC – 20 ans du DILTEC
Au regard des avancées technologiques (Ganascia, 2019) et de l’impact de la crise sanitaire qui ont transformé en profondeur, voire bouleversé, les modalités d’apprentissage et le rapport au savoir, il nous semble pertinent d’interroger le mot « relation » dans un contexte d’enseignement des langues. Celui-ci est au cœur des questionnements épistémologiques soulevés dans un grand nombre de champs disciplinaires en sciences humaines et peut se lire comme un acte de résistance face à la désagrégation des liens humains et au manque de résonance (Rosa, 2018, Suchet, 2021). D’autres termes lui sont associés, tels que « échanges », « dialogue », « accueil » (Cassin, 2020), « rencontre » (Jullien, 2023), « interaction ».
Lorsqu’il est explicité en didactique des langues, il renvoie à des conceptions singulières de l’apprentissage des langues et est introduit à partir d’ancrages théoriques variés. Certains travaux de recherche mettent l’accent sur l’importance de repenser la relation comme « l’acte dynamique de reliance à soi, aux autres et à l’environnement par lequel émergent en permanence des sens partagés entre les humains » (Aden 2013 § 9). Cette relation est historicisée dans la perspective des approches sociobiographiques qui placent la fonction d’historicité du sujet apprenant (Molinié, 2023, à paraître) au cœur de processus de (re)construction des répertoires plurilingues, dans une perspective décoloniale (Fillol & Razafimandimbimanana, 2022,). Un cheminement poétique dans l’expérience relationnelle peut être pensé à travers une didactique relationnelle (Castellotti, 2017) substituant « la personne au cognitif, l’art à la technique, la relation à la communication, la réception à la production » (ibid. : 315). ll est donc question autant de relation aux autres dans un contexte pédagogique que de mise en relation du sujet apprenant aux langues et aux cultures qui l’habitent.
S’agissant de la relation pédagogique, on peut se demander comment celle-ci est façonnée par le choix des objets langagiers, par celui des modalités de travail, des méthodologies préconisées. Quelle(s) implication(s) pour l’enseignant, pour les apprenants ? Dans quelle mesure la prise en compte de cette relation et la manière dont elle s’instaure influencent-elles la mise en œuvre des activités ? V. Laurens (2020) met en lumière l’importance de la posture éthique de l’enseignant vis-à-vis de l’apprenant. Il est pertinent de s’interroger sur les rapports de domination que cette relation induit, sur les représentations associées au rôle de l’autorité éducative et sur les émotions qui émergent dans la relation pédagogique (Aguilar, 2017, Cavalla et al., 2023, à paraître), questions clés dans le domaine de la formation des futurs professeurs de langue.
Les supports didactiques introduits par les enseignants jouent également un rôle important dans le croisement des histoires, des cultures et des langues des apprenants. Plusieurs travaux scientifiques (Godard, 2021, Martin, 2017, Viart, 2019) mettent ainsi l’accent sur une approche « relationnelle » de la littérature mobilisant des expériences diverses et variées de mise en relation des textes littéraires et des sujets récepteurs. En didactique des langues, « l’expérience littéraire de la langue enrichit non seulement notre connaissance et notre pratique de la langue, mais aussi notre capacité de penser la/les langues et notre relation à elles » (Godard, 2015 : 271). Il est intéressant d’envisager aussi l’« esthétique relationnelle » (Bourriaud, 2019) développée à partir d’œuvres d’art (Borgé, 2020), lorsque celles-ci sont introduites dans des cours de langues dans lesquels les apprenants sont amenés à vivre des expériences intersubjectives de nature esthétique.
Par ailleurs, peut-on concevoir la langue sans considérer son actualisation comme le fruit d’une interaction (Guerin, 2017) ? La langue n’est de fait pas dissociable de son usage et donc de ses usagers. Comment devient-on acteur de la dynamique d’une nouvelle langue ? Cette question met en jeu la relation des locuteurs aux langues et leur charge plus ou moins normative et/ou idéologique : comment s’en saisit-on (David & Weber, 2021) ? Cette question appelle la suivante : comment former des locuteurs à entrer en relation avec d’autres dans une langue étrangère ? Cet aspect de la notion fait également intervenir des niveaux de regard d’ordre socio/anthropo-linguistique.
Ce sont toutes ces visions du mot « relation » qu’il nous semble pertinent d’examiner lors du colloque. Il s’agira au cours de ces journées de développer des points de vue ou facettes variés sur ce terme, en les mettant en relation de manière « indisciplinée » (Suchet, 2016), dans un champ qui traverse bien des disciplines. Différents volets peuvent être ainsi explorés, parmi lesquels :
Thématique 1 – La relation apprenant et enseignant dans un cadre d’enseignement des langues. Comment s’instaure-t-elle et s’épanouit-elle ? Quelles sont ses répercussions pour l’apprentissage ? Que veulent dire les mots « relation pédagogique » ?
Thématique 2 – La prise en compte de la relation aux langues et aux cultures des apprenants qui se noue dans des parcours familiaux, sociaux, historiques. Quels enjeux (interculturels, d’émancipation, de domination, etc.) dans le champ de l’éducation aux langues ? Que se produit-il dans la relation des apprenants entre eux, à leur enseignant, dans des contextes plurilingues et pluriculturels contrastés ?
Thématique 3 – La mise en relation déclenchée par les supports didactiques dits artistiques (littérature, arts visuels, etc.) qui ne constituent pas seulement des vecteurs de savoir, mais qui déclenchent des formes de « reliance » et de résonance, en mobilisant les univers sensibles et sensoriels des apprenants ;
Thématique 4 – Les enjeux de formation à la relation : comment sont formés aujourd’hui des futurs enseignants de langues à la relation ? Peut-on parler de « didactique relationnelle » ?
Thématique 5 – Comment devient-on un interactant dans une langue nouvelle au-delà du contexte d’apprentissage ? Doit-on/Comment former aux représentations et aux attitudes propres à une culture ?
Les propositions de communication (individuelles ou en binômes), de performance, d’atelier, de table ronde ou de symposium indiquant un des volets choisis prendront la forme de résumés de 250 mots à 300 mots et seront à déposer avant le 5 janvier 2024.
Pour toute information complémentaire, vous pouvez écrire à nathalie.borge@sorbonne-nouvelle.fr