49ème Congrès de l’Uplegess à l‘École supérieure des techniques aéronautiques et de construction automobile (ESTACA)
Justification et objectifs du 49ème Congrès
‘Innover’ vient du latin ‘innovare’ (« revenir à », « renouveler »), composé de la racine ‘novus’ (« nouveau », « neuf ») et du préfixe ‘in’ qui indique un mouvement vers l’intérieur, nous dit le Littré. Ainsi, l’innovation semble-t-elle être en premier lieu un mouvement, un processus dynamique, ce qui évoque d’emblée tout un programme, ainsi qu’une évidente polysémie. Cela fait émerger des questionnements qui concernent les enseignant.es des langues et cultures de l’enseignement supérieur.
Polysémie sous-entend variations de signification d’un terme selon le contexte (politique, économique, social, idéaliste, technologique, pédagogique, et bien d’autres) dans lequel nous l’employons. Cet appel à communication invite à considérer plus précisément l’innovation pédagogique dans les domaines dans lesquels nous sommes acteurs et actrices : la formation des ingénieur.es, des manager.euses et des scientifiques dans les grandes écoles et les universités.
Selon le philosophe Michel Serres « L’innovation c’est sortir du cadre, de ses propres frontières, être en capacité de collaborer avec d’autres domaines d’expertises que le sien, car l’interdisciplinarité favorise l’imprévu, l’innovant, la sérendipité. »
Former un.e étudiant.e de l’ESTACA par exemple, qui aspire à devenir un.e ingénieur.e, manager.euse, décideur.euse de demain dans le domaine des mobilités, implique la recherche permanente de processus innovants. L’objectif est de lui apprendre et de l’amener à résoudre des problèmes, à réagir de façon souple et créative pour répondre aux défis technologiques et environnementaux auxquels nous sommes confrontés. Dans tous nos établissements, les enjeux sont majeurs car les futur.es décideur.euses façonneront le monde du travail de demain. Comment alors naviguer entre les générations, les langues et les cultures, tout en proposant un mode de management profondément humain répondant à un contexte incertain et à ses besoins ? La réflexion et l’ouverture vers de nouveaux horizons et visions sont dans nos écoles, hauts lieux de brassage d’idées, de savoirs, d’analyse, de compréhension, d’étude et de recherche de différentes perspectives et postures, bien évidemment primordiales.
Et quid de l’innovation pédagogique, le centre de nos investigations ? Le monde de l’enseignement se trouve face à l’injonction du changement, de l’amélioration. Mais comment être sûr que l’innovation apporte une amélioration ? Par rapport à quoi, à qui ?
Il est avant tout important de bien distinguer l’innovation technologique de l’innovation pédagogique. L’enquête récente de la Conférence des Grandes écoles relate que « 80% [des Grandes écoles] croient que les technologies émergentes constituent une opportunité d’améliorer leur impact sur la société et qu’elles sont un levier pour enrichir la pédagogie » (CGE, 2022, p. 21). Notons ici, comme le soulignent les chercheurs en sciences de l’éducation Dazy-Mulot et Audran (cités dans F. Bernard et C. Fluckiger, 2019), que « ce n’est pas parce qu’on introduit une technologie qualifiée d’innovante dans un contexte d’éducation ou de formation que la pratique se renouvelle et devient forcément innovante […]. ». Les progrès de la traduction automatique nous livrent ici un bel exemple. Comment gérer les effets de cette technologie – ancienne en soi, mais fort innovante du fait de ses performances qui ont progressé de façon exponentielle ces dernières années – sur notre travail pédagogique ? Avons-nous affaire à une innovation pédagogique nécessaire, et si oui, est-elle bien réfléchie ? Comment le corps enseignant peut-il et doit-il y réagir ? On rejoint ici le philosophe et ingénieur Dominique Poitevin, selon lequel l’innovation pédagogique est « ce mouvement réflexif qui, par un retour à l’intérieur de la pratique en s’appropriant théoriquement des méthodes autres, permet de réinventer l’acte d’enseigner pour un enseignant donné » (D. Poitevin, 2019).
Dans ce contexte, les enseignant.es de langues et cultures se situent à la croisée des chemins : entre savoir (les connaissances), savoir-faire (la capacité d’atteindre par l’action certains résultats) et le savoir-être (la capacité de comportement), ayant ainsi la possibilité de faire s’entrecroiser les compétences. L’enseignement des langues et cultures étrangères est un terrain d’expérimentation et d’innovation pédagogique par excellence. Toute situation de communication a lieu dans un contexte unique et nouveau. L’incertitude permanente de l’évolution d’un cours implique une posture hautement réflexive et adaptative. Nous jonglons continuellement avec des sujets, des méthodes et des outils plus ou moins nouveaux, et des individus toujours nouveaux, afin d’optimiser ensemble leur performance et la nôtre dans leurs processus d’apprentissage. N’est-ce pas par exemple aussi au domaine des langues et cultures de poser, thématiser et discuter les questions cruciales évoquées plus haut qui émergent de l’évolution souvent disruptive de notre monde, et ceci chaque jour de façon nouvelle ? À la recherche de nouveaux espaces de résonance à définir, l’enseignement s’y renouvelle ainsi sans cesse en remettant ses stratégies en question et en proposant de nouvelles approches, telles que p.ex. l’approche actionnelle du CECR, aujourd’hui dépassée par d’autres perspectives innovatrices telles que l’enaction (cf. J. Aden, 2017, S. Eschenauer, 2018). Et cela ne va-t-il pas de soi, puisque, pour reprendre les mots de Reynaud Laurent, Professeur de SVT et membre du Comité de rédaction des Cahiers pédagogiques, « l’innovation c’est l’inverse de la certitude : l’humilité audacieuse » (R. Laurent, 2022) ?
Le 49e congrès de l’UPLEGESS invite à réfléchir, et pourquoi pas de façon innovante, aux différents moyens d’innover, et à la finalité de l’innovation pédagogique dans l’enseignement des langues et cultures dans l’enseignement supérieur, tout en considérant les difficultés et frictions, inhérentes à toute innovation.
Les contributions attendues pour le congrès peuvent toucher aux outils, aux technologies ou aux méthodes d’innovation pédagogique dans l’enseignement des langues et cultures, dans le but d’une réflexion au sujet de la question fondamentale de toute pédagogie : « Quelles compétences voulons-nous développer ainsi ? Et comment pouvons-nous les transmettre ? ».
Ceci ouvre la porte à un grand nombre de questionnements, tels que les suivants (sans, bien évidemment, que cette liste ne se veuille exhaustive) :
– Quels sont les effets de la ‘révolution numérique’ sur l’innovation pédagogique et notre rapport au savoir ?
– Quelles responsabilités portent les enseignant.es dans leur propre pratique, les équipes, les établissements par rapport à l’innovation ?
– Faut-il, et peut-on parfois résister à l’innovation ?
– Comment utiliser à bonne fin (pédagogique) d’une part les outils et techniques, et d’autre part les pratiques pédagogiques qui engagent les rapports humains ?
– Comment innover et faire innover les apprenant.es ? Un cours de langue n’est-il pas en soi un processus innovant ?
– Comment gérer les réticences et frictions si souvent étroitement liées à l’innovation, aussi bien du côté des enseignant.es que de celui des apprenant.es ?
– Quelles sont les relations entre l’innovation, la résolution de problèmes, l’expérimentation ? Et comment les allier au mieux ? En quoi l’innovation et la créativité se différencient-elles ? Quelles en sont les limites, la complémentarité ?
– Quels processus et méthodes peuvent nous aider à encore plus innover (innovation et irritation – ‘irnover’ ? –, apprentissage par l’erreur, stimulation de la créativité, déstabilisation et mouvement, casse et/ou (re)construction…) ?
Contributions attendues
L’ensemble des questionnements évoqués dans cet appel concerne aussi bien les expériences et les pratiques d’enseignement, les problématiques de recherche que les pratiques managériales et institutionnelles, et il vise à permettre un dialogue et une réflexion concertée entre les acteurs et actrices impliqué.es dans leur diversité.
Conformément aux objectifs thématiques, les contributions attendues sont de six types s’inscrivant dans l’une des catégories suivantes :
2.Recherche en didactique de langues-cultures et sciences de l’éducation : problématique, cadre théorique, contexte, questions/hypothèses, synthèse de la littérature, méthodologie, résultats, perspectives ;
Soumission et sélection des contributions et déroulement des communications
Les auteur.es s’engagent à présenter des propositions de communication inédites. Le champ disciplinaire doit être explicite et les concepts et termes-clés associés doivent être bien définis.
Certaines corrections ou modifications pourront être demandées par le Comité Scientifique du congrès, dans le but de respecter les consignes thématiques de l’appel à communications. Dans ce cas, l’acceptation définitive sera soumise au comité, en fonction du respect de ces demandes.
Les articles issus des communications du congrès peuvent faire l’objet de publication dans un livre consacré à la thématique sous réserve d’acceptation par son Comité Scientifique.
CALENDRIER
3 avril 2023 : Date limite de réception des propositions de contribution à envoyer à l’adresse suivante : uplegess.congres@gmail.com
3 mai 2023 : Réponses du Comité Scientifique
19 mai 2023 : Date limite de réception des résumés définitifs
Références bibliographiques
Aden J. 2017, « Langues et langage dans un paradigme enactif », in Recherches en didactique des langues et des cultures [En ligne], 14-1 | 2017, mis en ligne le 19 décembre 2016, URL : http://journals.openedition.org/rdlc/1085 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rdlc.1085
Bernard F. et C. Fluckiger 2019, « Innovation technologique, innovation pédagogique. Éclairage de recherches empiriques en sciences de l’éducation », in Spirale – Revue de recherches en éducation, 2019/1 N° 63 | p. 3-10, https://www.cairn.info/revue-spirale-revue-de-recherches-en-education-2019-1-page-3.htm
Callier J.-C. 2014, « Comment réinventer ses cours ? L’innovation pédagogique par les communautés apprenantes ! » https://blog.educpros.fr/jean-charles-cailliez/files/2014/10/Innovation-p%C3%A9dagogique-par-communaut%C3%A9s-apprenantes.pdf
CGE 2022, « Enquête 2022 – Les stratégies numériques des Grandes écoles. Etude menée du 8 mars au 8 avril 2022 », https://www.cge.asso.fr/publications/2022-les-strategies-numeriques-des-grandes-ecoles/
Eschenauer S. 2018, « Créativité et empathie dans les apprentissages performatifs : vivre et encorporer ses langues », in Recherches & éducations [En ligne], 19 HS | 2018, URL : http://journals.openedition.org/rechercheseducations/6061
Gégout P. 2022, « Hubert Vincent, De l’innovation en pédagogie », Recherches en éducation [en ligne], 47 |2022, mis en ligne le 01 mars 2022, http://journals.openedition.org/ree/10551
Laurent R. 2022, « Innovation pédagogique : où en est-on ? », in Le forum des profs innovants, 24/11/2022, https://www.liberation.fr/forums/innovation-pedagogique-ou-en-est-on-20221114_ UPVKQERVFRCIFFA3L6NMSSBM2Y/.
Poitevin D. 2019, « L’innovation pédagogique – une première approche », in L’innovation en question« , 24/01/2019, https://atelierlagon.hypotheses.org/1645.
Serres M. 2018, 02/05/2018, https://twitter.com/ctrmichelserres/status/991603399769673729.
Wegener, E. 2000, « Communities of Practice