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Éducation, mutations mondiales et langues vivantes. Pratiques enseignantes, politiques linguistiques et avancées numériques

2 octobre - 4 octobre

Ce colloque international coorganisé par l’Université de Carthage, l’INSAT, Le DVV International et l’ATEDiST se tiendra à l’Institut National des Sciences Appliquées et des Technologies (INSAT, Université de Carthage : Tunis). Les actes du colloque seront publiés dans une revue impactée et Indexés classe B (Langues et Cultures)

 

Extrait de l’argumentaire

L’éducation a de tout temps été le théâtre des mutations mondiales qui traduisent les mécanismes des changements mondiaux politiques, socio-économiques et actuellement numériques. En effet, toute réflexion à propos de l’éducation, ne saurait se réaliser sans prise en compte des paramètres de la mondialisation avec ses impératifs socio-économiques, des avancées numériques vertigineuses de nos jours et des enjeux environnementaux et sanitaires telle que la crise de la Covid-19.

Le monde après la Covid 19 voit chaque seconde ses repères s’évanouir et d’autres repères se dessiner. À la suite de ces bouleversements, le monde de l’éducation a dû s’adapter rapidement à une nécessité de flexibilité accrue et à une adaptabilité urgente aux nouvelles conditions du confinement. L’école s’est transportée de la classe traditionnelle à la maison grâce à l’enseignement à distance (Issaieva, Odacre, Lollia, Joseph-Théodore, 2020 ; Vilches, Detroz, Hausman, et Verpoorten, 2020). Cette mutation d’un mode présentiel à un mode entièrement distanciel (Detroz, Tessaro et Younes, 2020) s’est effectuée sans préparation préalable. Les contenus pédagogiques, ad hoc, ont été ajustés suivant les exigences astreignantes du nouveau contexte du confinement (Karsenti, Poellhuber, Roy et Parent ; 2020). Ce bouleversement des pratiques éducatives a fait remonter à la surface d’anciens problèmes par rapport à la disparité d’accès aux ressources numériques (Bibeau, 2005 ; Collin et Karsenti 2013 ; Amadieu et Tricot, 2014) et a déclenché impétueusement des questionnements concernant les modalités d’évaluation (Barras et Dayer, 2020). Cet état des lieux se complexifie avec, bien avant la pandémie, le système néolibéral.  Fondé sur l’intensification de la production et l’accumulation des finances (Ramel, 2023 ; De Tinguy, 2011 ; Renault et Tinel, 2010), le néolibéralisme a mis en place un « mode de gouvernement des hommes selon le principe universel de la concurrence » (Dardot et Laval, 2009). Ainsi, les systèmes scolaire et universitaire se trouvent pris dans le courant de la compétitivité, la rivalité et l’exclusion à cause de « la recherche effrénée de productivité [qui a] graduellement gangrené les systèmes d’éducation » (Achard, Cordeau et Trudelle, 2021). En sus de cela, l’Ecole fut/est touchée et ébranlée et est confrontée à plusieurs défis : rénover ses outils, méthodes, stratégies et finalités afin d’être en mesure de former son public (Pachod, 2015), répondre aux attentes de ses apprenants et les préparer au marché du travail et à l’intégration dans la mondialisation (Puren, 2002).

Il est à signaler que si dans plusieurs contextes francophones : la France, la Suisse, la Belgique, et le Québec, le français reste toujours une langue d’intégration malgré les enjeux didactique, politique et interculturel (Pradeau, 2021), en Afrique, le français reste une langue de scolarisation qui crée non seulement des polémiques mais aussi il fait face à des difficultés comme la pénurie des enseignants, l’infrastructure déficiente (Djibo et Gauthier, 2017) et le manque de professionnalisme à cause de l’insuffisance au niveau de la formation des enseignants (Dembélé, Sirois et Abdoulaye, 2017 ; Hmissi, 2024). Au Maghreb et spécialement en Tunisie, un recul de la compétence linguistique en langue est constaté (Touati, 2011). Des recherches expliquent cela par l’impact des représentations négatives remontant à un facteur historique : la colonisation (Hmissi, 2022 ; Sraeib, 1974) et constituant, par là-même, un facteur de résistance et de blocage (Boukhari, 2006 ; Hmissi, 2022). Néanmoins, la question du Vivre-ensemble dans un même espace géographique (Abdallah-Pretceille, 2003, Hmissi, 2023, Grégoire-Labrecque, 2015 et Guilbert, 2005) urge dans un monde où les cris de guerres résonnent. Il s’agit d’amener l’apprenant à une expérience où les frontières de l’adversité s’estompent au profit d’« une expérience transculturelle et altéritaire » ( Borgé, 2021). Cela soulève un autre défi au niveau de la politique linguistique.

En outre, en didactique des langues étrangères, de nouvelles réalités s’imposent de par les flux migratoires qui ont atteint un record considérable d’après le rapport sur l’état de la migration dans le monde 2024. Ainsi, la mobilité des personnes avec une diversité de langues et cultures représente un défi pour les acteurs éducatifs, sollicitant un travail d’actualisation des stratégies, dispositifs et ressources pédagogiques afin de favoriser la réussite éducative des nouveaux arrivants (Davin-Chnane, 2008 ; Auger et Le Pichon-Vortsman, 2021 ; Azaoui, Gouaïch et Roubaud, 2019) sur les plans de l’éducation, de la socialisation et de la qualification. Actuellement, comme les contacts se réalisent aussi dans un espace numérique virtuel, le développement des compétences socio-culturelle, langagière, interculturelle au sein du dispositif d’apprentissage sont des sujets qui invitent à la réflexion. Autrement dit, puisque les interactions socioculturelles sont assurées par la récente génération des enseignés ou les « digital natives » ou les « lettré[s] du digital » (Cormerais, Le Deuff, Lakel et Pucheu, 2017) par l’intermédiaire des espaces virtuels, la didactique des langues est appelée à repenser ses approches et méthodes eu égard à des compétences numériques informationnelles et sociales des apprenants dans la construction des compétences langagières et interactionnelles (Chikhi, 2019; Abendroth-Timmer, Río, Brudermann, Miras et Schneider, 2021). Des études didactiques ont souligné le défi de la praxis enseignante dans des classes hétérogènes qui requièrent notamment une réflexion approfondie sur l’intérêt de la multimodalité (Azaoui et Denizci, 2022). Si la migration impacte les pratiques littéraciques multimodales (Canagarajah, 2017), il y a lieu de parler d’une « littératie mobilitaire multimodale », qui recouvrirait la capacité d’un individu à construire du sens dans un nouvel environnement, à interpréter celui-ci en prenant en compte les degrés d’étrangeté qu’il comporte, à sémiotiser les déplacements identitaires qu’il occasionne et à mobiliser les ressources culturelles, numériques et langagières multimodales aux moments opportuns (Azaoui et Guichon, 2025). A vrai dire, dans la mesure où d’une part la migration et le langage ont de tout temps été fondamentalement liés (Blommaert, 2010) et que, d’autre part, les outils numériques amènent à repenser l’expérience migratoire (Diminescu et Loveluck, 2014), chacun s’empare des ressources multimodales (modalités posturo-mimo-gestuelles, vocales, picturales, au format numérique ou non) pour faire sens de son nouvel environnement.

Par ailleurs, l’émergence de l’intelligence artificielle (IA) a complètement redéfini les contours de l’enseignement et de l’apprentissage nécessitant la formation des enseignants aux nouvelles technologies et leurs applications. Lors du Forum sous-régional de l’UNESCO sur l’intelligence artificielle en Afrique de l’Est, tenu du 24 au 26 juin 2024 à Nairobi, Gabriela Ramos, Sous-Directrice générale de l’UNESCO pour les sciences humaines et sociales, a souligné que « l’intégration de l’intelligence artificielle dans l’éducation n’est pas seulement une opportunité, c’est un impératif. À l’aube de cette nouvelle ère, nous devons travailler en collaboration avec les décideurs politiques, les éducateurs, les technologues et l’ensemble de la communauté pour faire en sorte que l’IA soit au service d’une éducation de qualité » (UNESCO, 2024). Ainsi, des formations à l’intelligence artificielle (IA) doivent être intégrées dans l’enseignement des adultes, en particulier dans des cadres non formels afin de rendre l’apprentissage plus interactif et plus personnalisé. Ces formations permettront de mieux répondre aux besoins individuels en adaptant les contenus et les méthodes pédagogiques en temps réel, grâce à l’analyse des données d’apprentissage et à des modèles prédictifs qui optimisent les parcours éducatifs (Peñalvo et Conde, 2023). Dans cette perspective, la réalité augmentée (RA) et la réalité virtuelle (RV) par exemple, s’imposent de nos jours comme des outils puissants pour engager les apprenants, en leur offrant des expériences d’apprentissage dynamiques et réelles (Guichon et al., 2022) qui stimulent la curiosité et favorisent la collaboration. Ces technologies transforment non seulement la manière dont le contenu est présenté, mais elles permettent également de personnaliser l’apprentissage suivant les besoins, les attentes et le rythme des apprenants (Suryanarayana, Kandi, Pavani, Rao, Rout, et Siva, 2024).

La problématique de cette rencontre s’inscrit dans l’initiative de défricher le terrain afin d’éclairer les visions concernant les relations à établir entre les mutations mondiales et la situation éducative actuelle. Ce colloque a pour objectifs essentiels de définir, décrire et analyser comment les mutations mondiales ont redéfini l’éducation et essentiellement l’enseignement/apprentissage des langues vivantes.