Pour son édition 2023, le Colloque scientifique Ludovia, lieu d’échanges et de réflexions, poursuit son exploration des problématiques posées par le numérique dans les pratiques éducatives et/ou ludiques en convoquant des approches pluridisciplinaires (sciences de l’éducation, sciences cognitives, sciences de l’information et de la communication, arts, informatique, etc.).
Le Colloque scientifique Ludovia est organisé par Culture numérique, association de chercheurs, dans le cadre de Ludovia, Université d’été de la e-éducation.
Après les problématiques de l’immersion (2006), de la convivialité (2007), du faire soi-même (2008), espace(s) et mémoire(s) (2009), interactivité et interactions (2010), de la mobilité (2011), du plaisir (2012), de l’imaginaire (2013), de la création et de la consommation (2014), des appropriations et détournements (2015), des formes d’attention, de présence et d’engagement (2016), du partage, de l’échange, de la contribution et de la participation (2017), des institutions (2018), des représentations (2019), des injonctions (2020), du social (2021), de l’éthique (2022), nous proposons pour l’année 2023 la thématique Bien-être et numérique
Le bien-être – dont on sait depuis Tocqueville (1835-1840/1981) qu’il constitue une passion démocratique par excellence – a suscité nombre de publications et de conférences. Les médias et les supports scientifiques questionnement régulièrement cette thématique dont les représentations ont évolué au fil du temps et selon les disciplines. La philosophie en a décodé nombre de clés qu’elle livre depuis l’Antiquité en proposant une mosaïque de définitions et de regards, jusqu’à en faire la notion clé d’un des principaux courants historiques de la philosophie politique et morale, à savoir l’utilitarisme (Mill, 1863/2018). La théologie l’associe aux fins dernières et tente d’échapper aux approches descriptives. La psychologie perçoit une dimension thérapeutique et une réduction du mal-être. Une majorité de travaux de sciences humaines et sociales, d’information communication et d’éducation distinguent le well-being de l’happiness, le bonheur.
Le numérique, porteur de promesses, de sollicitations et d’excitations, ne pouvait ignorer ce marché. L’évolution des interfaces utilisateur, dans les desseins, ses designs éditoriaux et d’usages (Pignier, 2014 : 51), a pris des directions qui intègrent systématiquement un gain d’agrément. Cette approche user-friendly propose notamment l’automatisation de tâches répétitives, le recours à des masques de saisie qui suppriment la réflexion technique dans la création ou le partage de contenus, l’encouragement personnel lié à la facilité d’emploi qu’Hunyadi a proposé d’appeler le principe de commodité (2019). L’interface participe d’un bien-être, tel qu’il est perçu, à ce niveau, par les concepteurs, avant même d’évoquer des fonctionnalités logicielles.
Ces fonctionnalités visent globalement un soulagement des tâches cognitives, physiques, d’élévation sociale et d’individuation. Ainsi, outre les programmes informatiques traditionnels, des apps concernent désormais la gestion du temps, la méditation, la prévention en santé, la domotique, le divertissement, etc. Ces applications peuvent être considérées comme associées à une vision du bien-être, sinon du bonheur, dans les productions technologiques. Elles concernent l’ensemble des champs de l’existence en incluant l’éducation, le divertissement, l’apprentissage, la production bureautique, graphique et musicale, le jeu. Le jeu, par exemple, est traversé par la question du bien-être. Les wholesome games, cozy games (Waszkiewicz & Bakun, 2020) et empathy games (Pozo, 2018) sont l’expression directe de l’importance de la bienveillance et du care. Ils les placent au centre de leurs thématiques. Un expert médical a notamment été consulté dès la phase de conception du jeu Hellblade : Senua’s Sacrifice (Ninja Theory, 2017), afin de pouvoir y traiter la psychose de manière exhaustive. Celeste (Maddy Makes Games, 2018) aborde la dépression sans que cela n’ait été la volonté consciente de son créateur (Grayson, 2018). Pour les concepteurs (Genvo, 2020) et les joueurs (Kowert, 2020 ; Giner, 2022), le jeu procure des espaces d’expression et d’expérimentation propices à des réflexions centrées sur le bien-être.
De telles approches peuvent prendre des voies détournées et moins explicites en éducation, divertissement, gestion pédagogique. Dans chacun des domaines touchés par l’informatique et l’intelligence artificielle s’étend le règne du plaire et toucher (Lipovetsky, 2017). Il s’est insinué peu à peu en forme de position dominante qui attire d’ailleurs son lot de critiques (Cabanas et Illouz, 2018 ; Sloterdijk, 2009/2011). Les dispositifs et les logiciels qui les animent font, entre autres, reculer les frontières de l’intime et de la vie privée pour favoriser une « institution du soi » (Ehrenberg, 1998) voire « une institutionnalisation de soi » (Gobert, 2022 : 161) en ligne dont l’une des vertus serait la satisfaction d’un désir de communication d’image positive. Il y a donc un enjeu fort, pour Ludovia, qui interroge les rapports au numérique depuis plus de 17 ans, à concentrer le regard de la communauté universitaire sur les liens entre le bien-être et le mal-être avec la technologie.
Ludovia, colloque scientifique et université d’été, souhaite interroger les manifestations et les processus émergents du bien-être et du numérique dans leur diversité et leurs enjeux sous-jacents. Ces questionnements rassembleront des intervenants issus des communautés de chercheurs de diverses disciplines et des gens de métier en éducation, art, information, communication, etc. Les propositions de communication, sans être exhaustif, peuvent concerner les domaines suivants :
Ces questionnements sont des pistes non exclusives de réflexion. Toutes les propositions questionnant la notion de bien-être ou de mal-être des applications du monde numérique seront bienvenues.
LUDOVIA 2023 – ORGANISATION SCIENTIFIQUE
Modalités de soumission
Les propositions doivent être soumises jusqu’au 10 mai 2023 sur le site Sciencesconf.org.
La proposition livrée comportera entre 2 000 et 3 500 caractères maximum. Outre le résumé de la communication, elle indiquera le statut et les titres du ou des auteurs(s) et la section scientifique de rattachement. Le résumé explicitera la méthode appliquée, le terrain d’expérimentation (s’il y a lieu) et les références.
La réception de chaque proposition donnera lieu à un accusé de réception par courriel.
Organisation de la sélection
La lecture des propositions se fera en double aveugle (deux lecteurs, ne disposant que du texte de la communication, sans les mentions liées à son auteur), l’un des lecteurs étant issu du champ de recherche correspondant à l’article, l’autre éventuellement extérieur.
Chaque auteur recevra un avis circonstancié qui indiquera l’acceptation (conditionnée ou non), ou le refus de l’article. Les propositions acceptées sous condition devront être modifiées en fonction des remarques des lecteurs.
Modalités techniques
L’article définitif devra respecter les conventions typographiques et de mise en page qui seront envoyées dans une feuille de style type lors de l’acceptation de la proposition. La taille de l’article sera comprise entre 25 000 et 30 000 signes, espaces comprises. Il sera envoyé par voie électronique sous la forme d’un fichier au format.doc, docx, . rtf ou.odt, contenant le titre, le résumé, le texte et, le cas échéant, ses illustrations, numérotées de façon incrémentielle (figure 1, figure 2, etc.).
Participation au colloque
Les auteurs retenus seront conviés à venir présenter leurs travaux à Ax-les-Thermes dans le cadre d’une communication orale de 20 minutes. Ludovia ne prend pas en charge les frais de transport et d’hébergement des communicants. La publication dans les actes est conditionnée à la participation au colloque.
Publication
Calendrier (dates importantes)
En savoir plus – contacts
Pour de plus amples renseignements sur l’appel à communications, vous pouvez nous contacter par l’adresse de réception des communications : ludovia2023@sciencesconf.org
Les informations ultérieures concernant le colloque, seront diffusées :
Présidents du Colloque Scientifique Ludovia 2023 :
Thierry Gobert (Université de Perpignan), Michel Lavigne (Université de Toulouse), Camille Roelens (Université de Lausanne)
L’organisation scientifique du colloque est coordonnée par l’association Culture numérique, réseau scientifique pluridisciplinaire dans le domaine des technologies, applications et pratiques liées au numérique.
SUGGESTIONS BIBLIOGRAPHIQUES
Cabanas E., Illouz, E. (2018). Happycratie. Comment l’industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies. Paris : Premier Parallèle.
Cassou-Noguès P. (2022). La bienveillance des machines. Comment le numérique nous transforme à notre insu. Paris : Seuil.
Chardel P.-A. (2020). L’empire du signal. De l’écrit aux écrans. Paris : CNRS Éditions.
Doueihi M. (2013). Qu’est-ce que le numérique ? Paris : Presses Universitaires de France.
Ehrenberg A. (1998). La fatigue d’être soi : dépression et société, Paris : Odile Jacob.
Genvo S. (2020). Faire jouer la vie d’autrui. Cahiers de Narratologie n° 38. https://journals.openedition.org/narratologie/11711
Germain É. et Tessier, C.(dir.). (2022). Une éthique du numérique : pour quoi faire ? Paris : PUF
Giner E. (2022). Coping by Playing : Framing Play as a Coping Strategy. Pandemic and Games Essay Jam Arizona State University. https://pandemics-and-games-essayjam. pubpub.org/pub/aescwgjx/release/3
Gobert T. (2022). Hubs sociaux et hubs sociaux éducatifs : des solutions émergentes, Médiation & médiatisations, Québec, n° 11, pp. 155-162. https://revuemediations. teluq.ca/index.php/Distances/article/view/324/255
Grayson N. (2018) Celeste Taught Fans And Its Own Creator To Take Better Care Of Themselves.
Kotaku, https://kotaku.com/celeste-taught-fans-and-its-own-creator-to-take-better-1825305692
Hunyadi M. (2019). Du sujet de droit au sujet libidinal. L’emprise du numérique sur nos sociétés. Esprit, 114-128.
Kowert R. (2020). Concluding Comments, Video Games and Well-being. Londres : Palgrave Macmillan, pp. 159-164.
Lipovetsky G. (2017). Plaire et toucher. Paris : Gallimard.
Mill J.-S. (1863/2018). L’utilitarisme. Paris : Flammarion.
Pignier N. (2014). Questionner le sens du lien entre supports numériques des textes, dispositifs d’information-communication et styles d’usages, Former ou formater ? les enjeux de l’éducation aux médias, dir. par Eleni Mitropolou et Nicole Pignier, Limoges : Solilangue.
Pozo T. (2018) Queer Games After Empathy : Feminism and Haptic Game Design Aesthetics from Consent to Cuteness to the Radically Soft. Game Studies vol. 18 iss. 3. http://gamestudies.org/1803/articles/pozo
Sloterdijk P. (2009/2011). Tu dois changer ta vie. Paris : Libella.
Tocqueville A. d. (1835-1840/1981). De la Démocratie en Amérique (tome II). Paris : Garnier- Flammarion.
Waszkiewicz A & Bakun M. (2020). Towards the aesthetics of cozy video games. Journal of Gaming and Virtual Worlds, vol. 12 iss. 3.