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Au-delà du national. Globalisation, circulations et comparaisons dans l’enseignement supérieur et la recherche

17 décembre - 19 décembre

Conférence du RESUP à Sciences Po, Paris

Jusqu’il y a peu, toutes les contributions afférentes aux transformations de  l’enseignement supérieur et de la recherche rappelaient un fait bien établi : le monde  académique se globalisait ou à tout le moins il devenait plus international. Ces dynamiques  étaient protéiformes et elles avaient des conséquences différentes selon les institutions  d’enseignement supérieur et les aires géographiques. Mais ces dynamiques étaient en cours,  alimentées par la libéralisation des échanges, les coopérations que cela permettait et par la  compétition internationale. Après la période de confinement imposée par le COVID-19, la  seconde élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, la montée des  néonationalismes, la guerre en Ukraine ou encore les conséquences du conflit israélo-  palestinien ont récemment rappelé que l’intensification des échanges n’était pas un phénomène  irrépressible et que le monde académique n’était pas isolé des évènements politiques. Au-delà  de leurs conséquences politiques et humaines, ces évènements ont montré que la globalisation,  l’internationalisation ou encore la transnationalisation devaient être considérées pour ce  qu’elles sont : des processus encore susceptibles de transformations voire de remises en cause,  à mesure de l’évolution du cours du monde.  Ces éléments constituent un point de départ pour interroger les formes des échanges et  des relations académiques qui s’établissent au-delà du national, qu’on les nomme globalisation,  internationalisation ou bien encore transnationalisation. Plutôt que de chercher d’emblée à les  isoler en les distinguant, nous proposons de les rassembler autour de l’idée de dynamiques  supranationales. Sans renoncer à les caractériser, il s’agit d’appréhender ces processus en  interaction, mais aussi à travers les liens qu’ils entretiennent avec des dynamiques plus  nettement nationales ou locales. Il s’agit aussi de restituer leur épaisseur historique : si ces  phénomènes ont une histoire longue, leurs formes, leur intensité, leurs relations varient aussi  considérablement. Il s’agit enfin de comprendre leurs variations spatiales : les dynamiques  supranationales ont des formes variables selon les aires géographiques, selon que l’on parle  d’enseignement ou de recherche et elles sont aussi constitutives d’asymétries notamment  technologiques entre les régions du monde.

Autour de ces pistes analytiques, cinq thématiques sont proposées. Elles concernent les  infrastructures des échanges internationaux, les idées et les modèles, les processus de  désinstitutionnalisation, les relations entre privé et public et les enjeux théoriques et  méthodologiques de la saisie des dynamiques supranationales.

  1. Les infrastructures des dynamiques supranationales

Pour s’établir et se poursuivre, les dynamiques supranationales nécessitent des  infrastructures. Elles peuvent prendre la forme d’organisations ou d’institutions : les réseaux  scientifiques, les associations internationales d’universités ou de disciplines, les organisations  interétatiques ou encore les fondations privées en sont des exemples. Ces infrastructures  peuvent aussi être des instruments de mesure ou de classement : le H Index ou les classements  académiques, pour ne citer que ces deux exemples, permettent la mise en comparaison des  chercheurs et des établissements et alimentent la globalisation des échanges et des espaces de  référence. Les grands équipements scientifiques mondiaux constituent aussi de telles  infrastructures : qu’ils s’agissent de grands équipements de la physique des particules ou de  très grandes bases de données pour les sciences sociales ou les sciences du vivant, ils  constituent aussi des supports matériels des échanges savants à l’échelle mondiale. Ces  infrastructures peuvent être aussi des politiques publiques : chacun à leur manière, le processus  de Bologne, l’European Research Council ou la constitution de l’espace européen de  l’enseignement supérieur et de la recherche participent des dynamiques supranationales.  Les communications proposées pourront envisager plusieurs dimensions relatives à ces  infrastructures.
• Elles pourront questionner leur genèse. Ces infrastructures ont déjà une histoire longue,  à l’exemple du CERN. Qui sont les réformateurs qui ont œuvré à leur mise en place ?  Quelles étaient leurs intentions ? Quelles difficultés ont-ils dû surmonter ?  • Les contributions pourront aussi envisager la manière dont ces infrastructures cadrent les échanges, en favorisent certaines formes et en contraignent d’autres. Il s’agira ici de  comprendre quels types de circulations, de globalisations ou de comparaisons, ces  infrastructures mettent en place. Y a-t-il des spécificités disciplinaires dans ces  échanges ? On questionnera également les effets liés aux inégalités d’accès à des  infrastructures matérielles et des ressources numériques (bases de données, etc.), selon  les pays ou les régions du monde.

  • Il s’agira aussi de s’interroger sur les régimes historiques d’échanges que ces infrastructures dessinent. En quoi la période contemporaine est-elle spécifique ? Les  infrastructures sont-elles d’ailleurs des institutions marquées par des formes d’inertie  ou de résistance au changement ? Évoluent-elles pour s’adapter aux « nouveaux »  contextes mondiaux ? Ces infrastructures sont aussi des véhicules des dynamiques supranationales : en quoi permettent-elles de les accélérer ? Que se passe-t-il quand  elles sont menacées ou que des décisions politiques conduisent à les supprimer ?  Quelles sont les conséquences de leur perte de légitimité et des contestations dont elles  peuvent faire l’objet, à l’image de celles qui marquent les institutions onusiennes ?
  1. Idées et modèles : fabrique, diffusion, résistances

Les réformes de l’enseignement supérieur et de la recherche se nourrissent, depuis  longtemps, de modèles et de références étrangères. La Sorbonne ou Bologne au Moyen-Âge,  l’université de Humboldt au XIXe siècle ou encore l’université de recherche états-unienne  constituent les figures historiques de ces modèles. Ils ne concernent d’ailleurs pas que les  universités : la Silicon Valley, la route 128 ou encore le modèle japonais en constituent les  pendants dans le champ de l’innovation.  Les contributions au colloque pourront notamment questionner les points suivants :
• Les conditions d’émergence et de circulation de ces modèles. Pour quelle raison  certains modèles deviennent-ils des références ? Quelles caractéristiques facilitent  l’exportation ou l’importation de certaines formes organisationnelles ou certaines  conceptions de l’enseignement supérieur ? Qui les porte ? Comment se forment-ils au  niveau d’un État ou d’une région du monde ? Comment voyagent-ils d’un espace à un  autre ? Comment ces circulations redéfinissent-elles les modèles, le transfert n’étant  jamais une opération de stricte copie ou de parfaite déclinaison ? En quoi ces modèles  participent-ils à la reproduction ou à la contestation des hégémonies sur la scène  mondiale ? Comment s’inscrivent-ils dans des dynamiques d’échange entre pays du  Nord et Sud global ?
• Les résistances que ces modèles et ces idées génèrent. Les établissements, les réformes  ou les systèmes nationaux peuvent aussi se construire contre certaines idées et certains  modèles qui font alors figure de repoussoirs, de solutions à ne pas mettre en œuvre.  Quelles sont les résistances aux modèles ? Comment s’incarnent-elles dans des  mouvements sociaux ? Quelles incidences ont ces contestations sur les modèles eux-  mêmes ?
• La question des modèles pose aussi la question des asymétries : ils sont en effet souvent  liés à des espaces géographiques et deviennent des véhicules de leurs influences.  L’Allemagne au XIXe siècle, l’URSS pour les pays d’Europe centrale et orientale au  cours de la deuxième moitié du XXe siècle, ou les États-Unis jusqu’il y a peu ont  incarné ces références et les asymétries qu’elles engendrent. Comment ces asymétries  sont-elles vécues et comment celles et ceux qui se réfèrent au modèle en font-ils  l’expérience ? Certains espaces perdent aussi leur statut de référence : comment ces  déclassements sont-ils vécus ? Comment les expliquer ? Comment dans des espaces  déjà marqués par la prévalence de certains modèles des contre modèles ou des modèles  alternatifs peuvent-ils émerger ? En quoi les tendances récentes à la fermeture  remettent-elles en cause, ou participent-elles au contraire, de la réaffirmation de la  globalisation scientifique comme du seul horizon scientifique légitime.

  1. Démondialisation, altermondialisation et mise à distance de la mondialisation

La seconde élection de Donald Trump et ses suites politiques s’inscrivent dans un  mouvement plus large et profond de réactions à la mondialisation. Mais elles font aussi la  démonstration que l’intensification des échanges supranationaux peut connaître de puissants et  spectaculaires retournements. Au-delà de ce rappel, ces évènements posent plusieurs questions  importantes pour les sciences sociales.
• La première est celle de la remise en cause d’un ordre mondial construit après la  Seconde Guerre mondiale et amplifié après la chute du mur de Berlin, basé sur la libre  circulation des savoirs, des personnes et le développement des coopérations  académiques internationales. Il s’agit d’abord de saisir les dynamiques et les  temporalités de ce mouvement. Par qui le supranational est-il attaqué ? Quelles formes  ces critiques prennent-elles ? Quelles sont leurs modalités et leurs limites ? Il faut aussi  s’intéresser aux tentatives qui se développent pour endiguer cette évolution. Faut-il  d’ores et déjà considérer que toute résistance à ces charges est vouée à l’échec et que  l’ordre mondial que nous connaissions ne peut que disparaître ?  • Il s’agit aussi d’appréhender les alternatives qui se construisent dans ces contestations :  la remise en cause de l’ordre international n’exprime pas seulement un repli national,  mais peut aussi pousser à la constitution d’un ordre ou d’un système alternatif. Si c’est  le cas, au nom de quels principes la contestation est-elle menée ? En quoi dessinent-ils  une alternative ?
• La question de la distance vis-à-vis des dynamiques supranationales se pose également.  Le repli états-unien est particulièrement spectaculaire parce que les États-Unis  revendiquaient être le cœur du système international, mais il prend aussi sans doute des  formes plus discrètes et plus subies. Des zones régionales, nationales ou locales, y  compris au sein des pays de l’OCDE, restent-elles à distance des dynamiques  supranationales ? Cette distance est-elle subie ? Peut-elle être revendiquée ? Peut-elle  devenir le creuset de nouvelles formes d’échanges et de revendications ? Comment ce  travail de mise à distance des dynamiques supranationales s’opère-t-il ? Et comment  est-il légitimé ?

  1. Public/privé 

La question des dynamiques supranationales pose aussi la question des relations entre  les sphères publiques et privées. Les acteurs privés jouent en effet un rôle important dans ces  phénomènes. Leur implication est ancienne, à l’image du soutien de la fondation Rockefeller  pendant l’entre-deux-guerres ou de la fondation Ford dans l’après-Seconde Guerre mondiale,  mais elle se renouvelle : des groupes privés multinationaux de formation se constituent et ils  développent une offre mondiale d’enseignement. L’action des fondations elle-même se  transforme : la fondation Bill et Mélinda Gates est devenue, par exemple, un acteur de la  gouvernance mondiale par le développement de ses programmes ou encore par la place qu’elle  occupe dans certaines organisations internationales, comme l’Organisation mondiale de la  santé. Ce rôle du privé dans les dynamiques supranationales pose une série de questions.  • Quelles sont les évolutions de la participation des acteurs privés à la globalisation ? En  quoi contribuent-ils à la globalisation ou à la mondialisation des échanges ? En quoi  participent-ils à sa gouvernance ? En quoi contribuent-ils à façonner les échanges  mondiaux et la circulation des connaissances ? Par leur participation intensive à la  constitution, à l’archivage et à l’exploitation de gigantesques bases de données, des  entreprises telles que les GAFAM ne vont-elles pas produire demain plus de recherches  que les établissements d’enseignement supérieur et devenir les acteurs centraux et des  points de contrôle de la production scientifique, voire de la formation ?
• Parmi les acteurs privés, on ne peut ignorer le rôle des familles dans la circulation des  étudiants et notamment les stratégies que développent les parents de milieux socio-  économiques favorisés pour envoyer leurs enfants dans des universités internationales  qui leur semblent plus attractives que leurs institutions nationales, qui se trouvent en  retour affaiblies. Quelles sont les incidences et la portée de ces stratégies familiales ?  Comment modèlent-elles les circulations étudiantes à l’échelle supranationale ?

  • Ce versant privé des dynamiques supranationales ne signifie pas que les pouvoirs publics n’y jouent pas un rôle déterminant. Ils continuent au contraire à les façonner. Quel est le rôle des États, des pouvoirs locaux, des institutions internationales dans la  structuration des dynamiques supranationales ? Les exemples passés comme l’actualité  récente ont aussi montré que ce rôle ne prend pas systématiquement la forme d’un  soutien : les États peuvent aussi chercher à entraver la circulation des chercheurs, des  étudiants et des connaissances par leurs politiques. Quelles formes prennent ces  entreprises de dé-globalisation, ou de dés-internationalisation ?  • Les mouvements sociaux jouent enfin un rôle dans ces dynamiques, ce que le conflit  israélo-palestinien a récemment rappelé. Ils peuvent être des soutiens aux dynamiques  d’échange en appelant au développement de coopérations avec certaines aires  géographiques et avec certains pays. Ils peuvent aussi constituer des freins à ces  échanges en appelant au boycott de certaines institutions ou de certains pays. Quel est  alors le rôle de ces mouvements dans la structuration des dynamiques supranationales ?
  1. Conceptualiser et enquêter sur les dynamiques supranationales 

Souvent, les travaux sur la globalisation insistent sur les impasses du nationalisme  méthodologique parce qu’il construit l’exceptionnalité des cas nationaux en minorant leurs  relations et en sous-estimant la dimension mondiale des phénomènes. Au fil du temps, un  vocabulaire scientifique s’est constitué pour dire le caractère mondial des échanges et des  références, voire la société mondiale. La saisie des dynamiques supranationales pose cependant  aussi des questions théoriques et méthodologiques :
• Quels sont les enjeux théoriques impliqués par l’emploi de tel ou tel concept  (globalisation, circulation, transnationalisation, comparaison, société mondiale) ?
• Comment enquêter sur les dynamiques supranationales ? À partir de quelles  sources ? Quels sont les difficultés et les défis posés par de telles enquêtes ?
• La globalisation, la transnationalisation, l’internationalisation, la comparaison  internationale sont aussi des références pour les réformateurs eux-mêmes. Que faire  de ces usages indigènes des concepts et des notions académiques ? Comment  circulent-ils de l’espace académique à l’espace public ? Qui les défend, les conteste  ou les utilise ? Quels sont les chercheurs qui participent à ces transferts ? Comment  faire de ces usages réformateurs des notions académiques des terrains d’enquête ?

Soumission des propositions

Les propositions de communication pour le colloque doivent prendre la forme d’un  document d’au plus 3000 signes spécifiant la question de recherche, l’approche théorique  mobilisée et les sources utilisées pour y répondre. Les propositions doivent aussi spécifier l’axe  ou les axes de l’appel à communication dans lesquels elles s’inscrivent.  Les propositions sont à envoyer avant le 15 septembre 2025 aux adresses suivantes :  jerome.aust@sciencespo.fr et christine.musselin@sciencespo.fr.

 

Le texte en ligne.

Détails

Début :
17 décembre
Fin :
19 décembre
Catégorie d’Évènement:

Lieu

Paris
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