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Egalisup3 : Du secondaire au supérieur : égalité pour toutes et tous ?

22 juin 2026 - 24 juin 2026

Dans le prolongement des premières éditions du colloque international « Égalité des chances ou égalité des réussites dans l’enseignement supérieur ? » à l’Université de Montpellier en mars 2020 et « Égalité(s) vers et dans l’enseignement supérieur » à l’Université de Rennes 2 en juillet 2023, nous poursuivrons la réflexion à l’Université Rouen Normandie du 22 au 24 juin 2026. Toujours dans la perspective d’une analyse collaborative de l’égalité des chances et des réussites dans l’enseignement supérieur (Annoot et Étienne, 2020), c’est-à-dire des inégalités qui s’y poursuivent, s’y développent ou y prennent naissance, ce colloque international entend interroger l’égalité pour toutes et tous, du secondaire au supérieur.

Les politiques d’éducation et de formation ont pris une place nouvelle dans l’Union européenne (UE) depuis la stratégie de Lisbonne, définie par le Conseil européen de mars 2000 ; celle-ci avait pour ambition de faire de l’UE en 2010 « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde », les institutions de recherche et d’enseignement supérieur devant aider au développement de la compétitivité de l’économie européenne. Après la stratégie dite « Europe 2020 », qui visait quant à elle « une croissance intelligente, durable et inclusive », l’Union européenne s’est fixée de nouveaux objectifs à l’horizon 2030, dont la possession d’un diplôme de l’enseignement supérieur par au moins 45% des 25-34 ans. En 2023, 51,9% des individus âgés de 25 à 34 ans avaient d’ores et déjà un diplôme d’enseignement supérieur en France, la moyenne de l’UE s’élevant à 43,1% ; ils n’étaient que de 40,9% au Portugal, 38,4% en Allemagne et 30,6% en Italie (DEPP, 2024).

Au-delà de ce cadre européen qui incite à une convergence des systèmes nationaux d’enseignement supérieur, chaque système national est spécifique : « certains pays organisent une égalité des chances en amont, d’autres pays favorisent les retours en formation ; certains s’accommodent de structures d’enseignement très hiérarchisées, d’autres présentent des systèmes plus unifiés ou horizontaux ; certains pays fondent leur admission sur le mérite scolaire des individus, d’autres reconnaissent ses lacunes et prennent en compte des dimensions alternatives du mérite personnel » (Charles et Delès, 2020, p. 331), la France combinant égalité des chances d’accès et valorisation du mérite scolaire. La déclinaison concrète des grandes réformes des universités en Europe dépend de particularités des contextes nationaux et « c’est moins dans leur esprit que dans leur mise en pratique que se joue leur réel impact » (Musselin, 2009, p. 88).

La stratégie de Lisbonne ne doit pas être confondue avec le processus de Bologne (Musselin et al., 2007), officialisé à Vienne en 2010, et qui comptait 29 pays signataires à l’origine (Charlier et Croché, 2023). Ce dernier vise la création d’un espace européen d’enseignement supérieur (EEES), dont les motivations sont économiques et sociales, car il entend notamment favoriser la mobilité des étudiantes et étudiants, des enseignantes et enseignants, des diplômées et diplômés, sans traiter spécifiquement de la question des inégalités laissée à la souveraineté nationale de chaque pays signataire. Quatre ans après la conférence ministérielle à Rome en 2020, la conférence ministérielle à Tirana (Albanie) en 2024 réaffirmait l’importance de construire un EEES plus inclusif, innovant et interconnecté. Il s’agit notamment de soutenir les étudiantes et étudiants, à chaque étape de leurs parcours de formation, par des politiques d’accès à l’enseignement supérieur et de réussite ; de renforcer les transitions vertes et numérique ; de permettre la mobilité des étudiantes, des étudiants et du personnel, etc.

Aujourd’hui, l’EEES poursuit sa politique d’une « plus grande démocratisation de l’enseignement supérieur, en termes d’accès et de réussite » (EEES 2030), interrogeant chacun des systèmes sur ses capacités à accueillir et faire réussir une nouvelle population toujours plus hétérogène du fait même de sa diversité. Ainsi, l’ouverture de l’accès à l’enseignement supérieur, qui constitue un enjeu social et politique (Goastellec, 2020), s’accompagne de deux principes. Le premier est un accès régulé à l’enseignement supérieur qui repose sur un processus d’orientation fortement influencé par les politiques nationales d’accompagnement et de régulation des flux (Dutercq et Michaut, 2020) ; l’origine sociale, le contexte de scolarisation (Daverne-Bailly et Bobineau, 2020 ; Draelants, 2013 ; Nakhili, 2005) ou encore les acteurs professionnels (van Zanten, 2015). Si, en France, la loi orientation et réussite des étudiants (loi ORE) généralise la sélection à l’entrée à l’enseignement supérieur (Chauvel et al., 2020 ; Frouillou, 2021 ; Masy et Étienne, 2024), celle-ci prend différentes formes selon les établissements, les filières ou encore les formations (Dirani et Piquée, 2024 ; Frouillou et al., 2020 ; Hoareau et Masy, 2025). Ce processus conditionne in fine la manière dont les jeunes vivent Parcoursup (Geuring, 2024 ; Mizzi, 2021 ; Couto et Valarcher, 2022). Le second est l’accueil d’un public toujours plus diversifié, tant en matière de besoins éducatifs particuliers que de conditions de vie, d’identité, de mode d’expression. Cette diversité implique non seulement de proposer un accompagnement personnalisé de la réussite et des parcours étudiants, mais aussi de considérer la variabilité des expériences étudiantes selon les facteurs les plus discriminants tels que l’âge, la culture, la scolarité, le genre, le handicap, l’orientation sexuelle, l’histoire migratoire familiale, le lieu de résidence, la langue, la religion, etc. (Doutreloux et Auclair, 2021). Selon Nicolas Charles et Romain Delès (2018, 2020), chaque système national sélectionne et individualise les parcours à sa manière, les modèles sociaux anglais, allemand et suédois semblant plus spontanément compatibles avec les principes de sélection des étudiantes et des étudiants et d’individualisation de leurs parcours, tandis que ces deux principes font débat en France.

Toutefois, l’expérience étudiante ne saurait se limiter à l’accès, à la réussite académique ou à un ensemble de dispositifs visant ces objectifs. Entendue comme une socialisation secondaire, c’est-à-dire un « processus qui permet d’incorporer un individu déjà socialisé dans des nouveaux secteurs du monde objectif de la société » (Berger et Luckmann, 2006, p. 225) qui « tiendrait aussi bien aux caractéristiques sociales et scolaires des étudiants qu’au cadre institutionnel et aux pratiques pédagogiques qui s’y déploient » (Jellab, 2011, p. 131), elle est le produit d’un ensemble complexe qui s’articule autour de nombreuses variables socio-démographiques, politiques, contextuelles et pédagogiques. Cela conduit, à l’instar des parcours scolaires, à des expériences inégalement rentables et inégalement valorisées (Le Pape et van Zanten, 2009). Ces constats invitent la communauté scientifique à analyser autant les effets de ces inégalités sur l’expérience étudiante, que les conséquences sociales de ces inégales expériences dans l’enseignement supérieur. L’enjeu est d’autant plus important aujourd’hui que les établissements d’enseignement supérieur, laboratoires de la société de demain dédiés aux savoirs et à la transformation sociale (Amboulé Abath, 2022), verront leur « responsabilité institutionnelle » (McNair et al., 2020) renforcée par la massification et la diversité qui l’accompagne.

La question de l’égalité pour toutes et tous du secondaire au supérieur constitue le fil directeur de cette troisième édition d’Egalisup. Celle-ci s’articule autour de trois axes complémentaires et en interaction :

– La diversité et l’inclusion des nouveaux publics de l’enseignement supérieur

–  L’orientation du secondaire au supérieur

– Les pratiques d’évaluation, la sélection et les dispositifs de remédiation

 

Axe 1. La diversité et l’inclusion des nouveaux publics de l’enseignement supérieur

Il y a près de 30 ans, Valérie Erlich (1998) soutenait sa thèse sur les nouveaux étudiants en soulignant la diversification du recrutement et des modes de vie étudiants qu’avait impliquée la massification croissante des effectifs. Cette tendance, marquée dans la plupart des pays de l’OCDE, n’a depuis pas faibli, devenant même un objectif de l’EEES qui ambitionne « une plus grande démocratisation de l’enseignement supérieur, en termes d’accès et de réussite » (MESRI, 2020). En France, elle s’est même renforcée avec la loi de 2005, qui a marqué un tournant en matière d’inclusion des étudiantes et étudiants à besoins éducatifs particuliers, ou avec les politiques d’ouverture sociale des filières élitistes qui visaient la diversification sociale, scolaire et genrée du recrutement – la démocratisation de l’enseignement supérieur n’en restant pas moins ségrégative (Dutercq et Masy, 2018) – ou encore avec la réforme du baccalauréat professionnel qui a vu les effectifs de bacheliers professionnels augmenter dans l’enseignement supérieur (Troger et al., 2016).

Si 60 années de politiques volontaristes ont contribué à diversifier les publics accueillis, tout en renforçant les hiérarchies socio-scolaires et contribuant à une segmentation entre les établissements de premier cycle (Rossignol-Brunet et al., 2022), la question de la diversité reste aujourd’hui sans réponse globale et efficace (Perret et De Clercq, 2022). Malgré les nombreux dispositifs dans l’enseignement supérieur comme ailleurs (Barrère, 2013), s’agissant de remédiation à l’entrée (tutorat, oui si, etc.), ou encore d’accompagnement individualisé (plan étudiants, plan d’accompagnement des étudiantes et étudiants en situation de handicap, service d’orientation, direction des études, etc.), la situation pour ces étudiantes et étudiants jugés atypiques, du fait de leur origine socio-scolaire, leur situation sociale, leur handicap, leur nationalité, etc., reste plus compliquée que pour leurs pairs, tant en matière de conditions matérielles agissant sur la réussite (Girès, 2024), que d’expérience (Marquis et Dal, 2024), d’aspiration (Convert, 2010) ou d’insertion professionnelle (Ebersold et Santos Amâncio Cabral, 2016). Alors que des travaux sur le sujet sont depuis longtemps engagés outre-Atlantique (Bauer et Borri-Anadon, 2021), les études européennes restent plus rares et souvent orientées vers le handicap (Vérétout, 2019 ; Milon, 2022) ; cela souligne la nécessité de s’intéresser aujourd’hui autant à la diversité des expériences qu’à l’expérience de la diversité dans l’enseignement supérieur.

Dans le prolongement de ces travaux, les communications proposées visent à apporter des éléments de réponses à ces questions : quelles politiques d’ouverture sociale, pour quels effets ? Quelle diversité et dans quel(s) espace(s) de l’enseignement supérieur ? Quelle reconnaissance des spécificités individuelles ? Quelles pratiques de régulation des flux, de sélection, dans les différentes filières, disciplines (Parcoursup, Mon Master, etc.) ? Quelle reconnaissance de quels besoins particuliers ? Quelle mise en œuvre locale des politiques nationales concernant la réussite des étudiantes et étudiants (dispositifs, services, etc.) ? Quelles politiques locales en faveur d’un climat inclusif dans les établissements du supérieur ? Quelles trajectoires des nouveaux étudiants ? Outre les catégories sociales qui se dégagent traditionnellement comme le genre, l’appartenance à un groupe racisé, la reconnaissance de la situation de handicap, l’origine socio-scolaire ou la classe, l’intersectionnalité en tant que point d’intersection des appartenances identitaires d’un individu (Lépinard et Mazouz, 2021) pourra apporter un nouvel éclairage sur les multiples réalités et expériences étudiantes.

 

Axe 2. L’orientation du secondaire au supérieur

Au-delà de l’objectif de démocratisation en termes d’accès et de réussite de l’EEES, l’harmonisation des systèmes européens (architecture commune des systèmes d’enseignement supérieur fondés sur 3 cycles, avec des formations validées par des ECTS) ne doit pas faire oublier la spécificité des contextes nationaux et la déclinaison locale des grandes orientations européennes. En France, dans le cadre de la loi orientation et réussite des étudiants (loi ORE), l’État a en partie délégué la mise en œuvre des dispositifs d’orientation à l’échelon local et renforcé l’engagement des établissements d’enseignement secondaire et supérieur. De nombreux travaux portent d’ores et déjà sur les effets – notamment en termes d’inégalités et de ségrégation – de Parcoursup (Couto et al., 2021 ; Giret et al., 2022). D’autres se concentrent sur le rôle central des établissements (Daverne-Bailly et al., 2025 ; Lehoux, 2025) et des équipes éducatives du secondaire – et notamment des professeurs principaux (Lehner et Pin, 2024) -, en lien non seulement avec le renforcement humain et temporel de l’accompagnement à l’orientation, mais aussi le manque de temps, de formation, de reconnaissance, d’information sur les conséquences des choix opérés dans le secondaire (Daverne-Bailly, 2023 ; Lehoux, 2024 ; Pannier et Michaut, 2024). D’autres encore s’intéressent aux lycéennes et lycéens, aux étudiantes et étudiants (Daverne-Bailly et al., 2024 ; Geuring, 2024 ; Mizzi, 2022).

Dans le prolongement de ces travaux, les communications proposées visent à apporter des éléments de réponses à ces questions : quelles manières de penser et mettre en œuvre le continuum bac-3, bac+3, voire bac-5, bac+5, au niveau de l’établissement (politique d’établissement, dispositifs) et de ses actrices et acteurs (pratiques professionnelles), et avec quels effets ? Quelles manières de s’en saisir par les lycéennes et lycéens, étudiantes et étudiants, et avec quels effets ? Quelles différences territoriales, voire nationales, observées et quel impact sur le processus d’orientation du secondaire au supérieur ? Quelles « nouvelles » pratiques professionnelles des enseignantes et enseignants du secondaire (cf. professeurs principaux ou référents) et du supérieur (cf. directrices et directeurs des études, membres des commissions d’examen des vœux), entre transmission des savoirs (éventuellement recherche) et accompagnement à l’orientation ? Quelle contribution des compétences transversales au processus d’orientation ? Quelle prise en compte de la diversité des publics scolaires et de leurs attentes en termes de parcours ?

 

Axe 3. Les pratiques d’évaluation, la sélection et les dispositifs de remédiation

Depuis la réforme du lycée général et technologique en France, le baccalauréat évalue le niveau atteint selon deux modalités : des épreuves terminales (60% de la note finale) et du contrôle continu en classes de première et terminale (40% de la note finale). En lien avec la place dorénavant accordée au contrôle continu et les procédures d’affectation dans l’enseignement supérieur qui combinent une « intervention humaine » et un traitement algorithmique des candidatures opaque (Geers et al., 2024), les notes constituent un élément déterminant de la sélection alors même que l’estimation des compétences des élèves relève d’une loterie (Merle, 2018). Pratiques de sur-notation, stress des élèves, revendications des familles, évaluations certificatives au détriment des évaluations formatives, moindre valeur du baccalauréat, etc., sont régulièrement pointés du doigt. Les commissions d’examen des vœux, mises en œuvre localement (Frouillou et al., 2020) et qui disposent d’une plus ou moins grande latitude pour déterminer les critères de classement des candidates et candidats (Grenet, 2022), peuvent proposer aux étudiantes et étudiants les plus fragiles scolairement une remise à niveau ou un renforcement disciplinaire, dans le cadre du dispositif « oui si ». Quant à l’arrêté du 30 juillet 2018 relatif au diplôme national de licence, il se fait lui aussi le relai de préoccupations autour de la réussite de toutes et tous, de l’individualisation des parcours et de l’évaluation : «  Dans l’objectif de réussite de tous les étudiants […], la licence favorise la personnalisation des parcours de formation et offre des dispositifs d’accompagnement pédagogique, en tenant compte de la diversité et des spécificités des publics étudiants accueillis en formation initiale et en formation continue » (article 2) et « les modalités de contrôle des connaissances et des compétences privilégient une évaluation continue qui permet une acquisition progressive tout au long de la formation » (article 12).

Dans le prolongement de ces travaux, les communications proposées visent à apporter des éléments de réponses à ces questions : quelle place accordée aux notes et importance effective dans le processus de sélection à l’entrée à l’enseignement supérieur ? Quels effets des évaluations sur les lycéennes et lycéens, étudiantes et étudiants, leurs parcours de formation, apprentissages et expérience scolaire ou universitaire ? Quel financement et mise en œuvre des dispositifs d’accompagnement, par quels actrices et acteurs, et avec quels effets sur les usagers ? Quelle contribution des compétences transversales à la réussite universitaire ?

 

Détails

Début :
22 juin 2026
Fin :
24 juin 2026
Catégorie d’Évènement:
Site :
https://egalisup3.sciencesconf.org/?lang=fr

Lieu

Mont-Saint-Aignan