Organisateur(s) : RESUP : Réseau d’étude sur l’enseignement supérieur
Problématique : Partant du constat d’une déconnexion entre les débats politiques et professionnels sur l’état de l’université et de la recherche et de nombreux travaux récents ou en cours, ce colloque entend informer et interroger les métamorphoses à l’œuvre et leurs temporalités, entre changements et permanences, ruptures et continuités. Prenant l’enseignement supérieur et la recherche pour objet, il s’adresse à l’ensemble des disciplines des sciences sociales (sociologie, histoire, géographie, science politique, sciences de l’éducation, économie…) et entend réunir des contributions sur des aires géographiques et des périodes temporelles variées sur les thématiques suivantes : ce qui change, ce qui fait changer ou non l’enseignement supérieur et la recherche, et pour quels effets.
Tour à tour jugé irréformable, poussiéreux, déconnecté des réalités communes, ou au contraire considéré comme aux avant-postes des mutations contemporaines des mondes du travail et du rôle régulateur de l’État quand il n’est pas jugé comme trop perméable à certains courants idéologiques, le monde de l’enseignement et de la recherche académique contemporain est l’objet de nombreux débats passionnés. Ces débats s’invitent régulièrement dans la sphère publique mais sont aussi très vifs au sein des institutions de recherche et d’enseignement supérieur, entre personnels de ces institutions, entre enseignant·es et étudiant·es et au sein des populations étudiantes. Si l’on s’en tient à la grande majorité des discours publics, l’université et la recherche académique apparaissent à la fois comme des espaces tenus à part des réalités économiques et politiques contemporaines ou, au contraire, comme des lieux d’expérimentation, où se dessine le monde de demain – pour le meilleur et pour le pire.
La prégnance de ces deux stéréotypes constitue un véritable frein à l’analyse des dynamiques actuelles de l’espace de l’enseignement supérieur et la recherche (ESR), et à l’appréhension de sa diversité, en termes d’institutions, d’attentes, de vécus, de publics… pour le grand public, le personnel politique mais également nombre de praticien·nes. Les travaux empiriques et analytiques – qu’ils prennent la forme d’articles, de livres, de thèses, de mémoires, de rapports ou de notes d’information – ne manquent pourtant pas. Comme le soulignait récemment C. Charle1, « tout se passe comme si cette immense littérature […] ne servait qu’à encombrer rayonnages ou à susciter d’éphémères tribunes de presse aussitôt oubliées que lues », laissant court à une relative « légèreté des comportements des décideurs » en la matière, signe pour l’auteur d’une stratégie d’évitement des « problèmes de fond » dont la prise en charge serait trop coûteuse sur le plan politique. On peut aussi voir dans cette situation apparemment paradoxale un effet des désaccords entre les acteurs de l’ESR, dont certains peuvent promouvoir les réformes successives alors que d’autres s’y opposent.
Partant de ce constat d’une déconnexion entre, d’une part, les débats politiques ou professionnels sur l’état de l’université et de la recherche et, d’autre part, de nombreux travaux récents ou en cours, ce 5e colloque du RESUP vise à mettre en valeur et en dialogue les recherches empiriques, pour informer et interroger les métamorphoses à l’œuvre et leurs temporalités, entre changements et permanences, ruptures et continuités. Le colloque s’adresse à l’ensemble disciplines des sciences sociales (sociologie, histoire, géographie, science politique, sciences de l’éducation, économie…) prenant l’enseignement supérieur et la recherche pour objet. Il a également vocation à réunir des contributions portant sur des aires géographiques et des périodes temporelles variées.
À l’heure où la multiplication des étiquettes, des statuts, des modes de financement et l’accumulation des réformes rendent de moins en moins lisible le fonctionnement des institutions universitaires aux yeux des citoyen·nes comme de nombre de praticien·nes, nous voudrions également proposer un espace pour reconstituer un panorama large mais synthétique du monde universitaire actuel en explorant conjointement trois axes – et esquisser à partir de là des perspectives pour le futur de nos institutions.
Dans un premier temps, il s’agira de susciter des états des lieux, pour objectiver les transformations, leur nature et leur ampleur. Les politiques publiques et les instruments du changement universitaire ont fait l’objet de plusieurs manifestations précédentes du RESUP. Néanmoins la question des conséquences concrètes pour les agent·es et les usager·ères des institutions d’enseignement supérieur et de recherche est encore trop peu analysée systématiquement.
Dans un contexte de réformes successives en France ces vingt dernières années, il s’agira de mettre en perspective les métamorphoses actuelles en les resituant sur le temps long et en suscitant des comparaisons entre contextes nationaux et locaux, entre institutions, et au sein des établissements (entre disciplines, unités d’enseignement et de recherche, types de personnels et usagers…). Dans quelle mesure les transformations récentes qui ont touché l’enseignement supérieur et la recherche – injonction à l’internationalisation, concurrence accrue entre les établissements et les personnels, instauration de plus en plus généralisée de la logique de la reddition de compte, différenciation des établissements et déstandardisation des carrières, évolution de l’offre de formation et de la morphologie des publics, privatisation d’une partie croissante des acteur·ices – ont-elles affecté l’ensemble des organisations et de leurs membres ?
Il s’agira d’investiguer comment ces changements – ou permanences – se manifestent en termes de structure d’ensemble du système, de contenus d’activités menées, de conditions concrètes de travail et d’études ainsi que de vécus et représentations au sein des différents groupes sociaux (enseignant·es/chercheur·ses, agent·es administratif·ves, étudiant·es) qui font vivre les institutions de l’ESR.
Par quels leviers ces transformations sont-elles mises en œuvre ? Le terme de « levier » peut être ici entendu au sens large. Il désigne tout autant les politiques publiques structurelles, les prises d’initiative plus locales que les conséquences de l’introduction d’acteurs relativement extérieurs au champ académique (fondations, agences de communication, entreprises…) ou les circonstances exceptionnelles (développement des outils numériques à tous les niveaux des institutions d’enseignement et de recherche, pandémie de Covid-19, etc.) qui facilitent et accélérèrent en partie ces changements. L’idée serait ici de questionner ce qui fait changer l’ESR : où se situent les éléments qui permettent de faire changer ou au contraire de faire persister voire de préserver ce que différents acteur·ices considèrent devoir être l’ESR ?
On pense en premier lieu aux acteur·ices de la politique institutionnelle des établissements (ministères de tutelle et leurs représentant·es, équipes dirigeantes des établissements, syndicats, membres des différentes instances de financement, évaluation, représentation, variables selon les contextes nationaux). On pense également aux agent·es ordinaires de ces institutions (personnels académiques, personnels administratifs, personnels techniques) qui, de par leur action quotidienne, leurs stratégies professionnelles, leurs interactions contribuent aussi à faire l’Université. Mais on pense aussi aux usager·ères des institutions d’enseignement supérieur – et en premier lieu aux étudiant·es et à leur famille qui, par leurs stratégies d’orientation, leur investissement, leurs attentes participent également grandement à changer l’enseignement supérieur, public ou privé, universitaire ou non.
Au-delà d’une analyse par acteurs, la question des leviers rassemble également d’autres vecteurs, plus matériels, tels que des logiciels, procédures, redéfinition de périmètres et instruments d’action publique, etc. ; mais aussi des valeurs ou croyances et mythes rationnels2ainsi que les grandes transformations globales (anthropocène, crise épidémique, société du numérique et réseaux sociaux) qui contribuent à informer fortement l’activité au jour le jour au sein des établissements d’enseignement supérieur et de recherche.
Des contributions concernant les défis méthodologiques liés aux techniques d’enquête empirique ou liés aux enjeux de positionnalité face à l’objet seront bienvenues. Ici aussi, une perspective historique et/ou comparative serait particulièrement intéressante en ce qu’elle permettrait de relativiser le caractère inédit de certaines dynamiques ou de l’incidence de l’action de certains types d’acteurs.
Quels sont les effets de ces recompositions des systèmes d’ESR, variés selon les temporalités, contextes et acteurs concernés ? Qu’est-ce que cette concomitance entre transformation, évolution, réformes d’une part et continuité, permanences, invariants d’autre part nous dit de l’ESR ? Quels sont les impacts sur les institutions, organisations et professions, et les relations entre ces trois dernières ?
Une première entrée consiste à analyser la manière dont différents acteurs se positionnent face et dans ces transformations. Un certain nombre de travaux ont étudié les équipes présidentielles, les participant·es aux agences d’évaluation et les jurys de sélection des appels à projets ou encore des enseignants-chercheurs. Ce travail pourrait être approfondi et étendu à la variété des situations professionnelles, géographiques et institutionnelles : I.U.T., classes préparatoires, universités privées (à but lucratif ou non), écoles d’ingénieur ou de commerce, instituts de recherche… Quelles politiques d’établissement et quelles stratégies, tactiques, positionnements au sein des établissements de l’ESR dans un contexte perçu (ou non) comme mouvant ? Une idée serait ici de susciter des communications permettant de documenter la dimension politique de certaines activités ordinaires, banales, quotidienne dans une perspective d’analyse de « l’infrapolitics » proche de celle défendue par J. Scott3 permettant d’interroger des perspectives de réappropriation de notre activité quotidienne au sein d’institutions qui semblent en mouvement et réformes permanentes.
Dans quelle mesure les recompositions à l’œuvre changent les modalités de conflictualité au sein de l’ESR ? Est-ce que l’association de changements permanents et de permanence dans le changement crée des tensions spécifiques, des réactions d’engagement ou de désengagement : où, qui, comment et pourquoi ? Quelles formes de tensions, divisions, réappropriations, recompositions, résistances ? Loin d’opposer États et établissements, profession et organisation, pour ou contre les réformes mises en œuvre dans différents pays, une attention particulière pourra être portée à la variété et la complexité des positionnements des différents acteurs et actrices de l’ESR.
Peut-on percevoir les effets de ces évolutions dans des analyses empiriques qualitatives ou quantifiées de la population enseignante et étudiante, dans les productions scientifiques, dans les relations entre l’ESR et d’autres sphères d’activité ?
1 Charle C., « Crises universitaires et réformes en France », La Vie des idées , 16 février 2021. ISSN : 2105-3030. URL : https://laviedesidees.fr/Crises-universitaires-et-reformes-en-France.html.
2 Meyer J.W., Rowan B. (1977), « Institutionalized organizations: formal structure as myth and ceremony », american journal of sociology, 83, 2, p. 340‑363.
3 Scott, J. C. (1990). Domination and the arts of resistance: Hidden transcripts. Yale university press.
Modalités de dépôt des propositions
Le texte des propositions de communication doit être compris entre 800 et 1200 mots.
De façon à faciliter le processus d’évaluation, les propositions devront faire apparaître les éléments suivants :
Calendrier
21 avril 2023 : Clôture de l’appel
Début juin 2023 : Retour des évaluateur·ices
Début juillet 2023 : Diffusion du programme