Colloque international
Le discours grammatical scolaire a été élaboré à partir de l’observation de l’écrit et d’une visée essentiellement orthographique de la pédagogie du français (Chervel 1977). Le poids de cet écrit se fait encore sentir aujourd’hui, eu égard à la place laissée à l’enseignement des orthographes grammaticale et d’usage. La grammaire dite – toujours après plus de 50 ans maintenant – « rénovée », qui s’est développée à partir notamment du Plan Rouchette de 1970, a sonné le glas du sens et du notionnel pour, par un effet de balancier historiquement déjà observé en matière de grammaire, basculer vers le tout morphosyntaxique, sans référence à la signification. Sous l’influence attractive de la linguistique américaine, fruit d’une hybridation entre grammaires distributionnelle et transformationnelle, la proposition du Plan de rénovation de l’enseignement du français à l’école élémentaire instillait une perspective essentiellement mécaniste, faite de décomposition en constituants, de transformations de phrases de base et de manipulations syntaxiques. Le recours au sens et à la signification semble banni, qui a tant indisposé les enseignants en ne leur permettant pas de constituer des natures et fonctions clairement définies et délimitées : la rigueur scientifique n’avait en effet pas toujours présidé à leur élaboration. Avec la Rénovation, l’observation mécaniste et les manipulations syntaxiques allaient restaurer un peu de la scientificité sacrifiée auparavant. Développée, à des degrés divers d’intensité selon les pays, d’abord en France, puis en Suisse et en Belgique dans les années 80, avant enfin le Québec, plus récemment, cette approche s’est installée dans les textes officiels et institutionnels, référentiels, programmes et autres codes de terminologie. Qu’en est-il plus de cinquante ans après le Plan ? Où en sommes-nous des améliorations tant attendues des performances des élèves ? À la lumière des dernières enquêtes Pisa et Pirls 1 , les performances des francophones en matière de lecture se révèlent assez désastreuses. La grammaire réapparait dès lors, et s’invite dans l’espace politico-pédagogique comme une question fondamentale – sinon la question fondamentale – posée à l’enseignement-apprentissage des langues. Le discours grammatical explicite, la manière de rendre compte du code qu’est la grammaire, parfois enseignée pour elle-même, ainsi que la terminologie sont à nouveau reconnus comme des outils essentiels à l’appropriation réflexive d’une langue. Surgit une Réaction à bannière trinitaire « grammaire-orthographe-dictée », qui prône une amélie-poulinisation de la grammaire, cache-poussière gris et chant des Choristes inclus : sus au prédicat et à la « nouvelle » orthographe, il faut sauver les soldats COD et PP. Mais de quelle grammaire parle-t-on ? Quels outils convoque-t-on ? Qu’ils ne soient pas adaptés à leur objet, et c’est tout le processus qui est hypothéqué. De fait, pratiques et discours grammaticaux peuvent parfois constituer un frein à l’élaboration et à la mise en pratique de plans qui viseraient à promouvoir la lecture et le travail sur la (dé)construction du sens dans des productions longues, textes et discours. Comment en effet travailler le sens de ces productions quand les outils mis à disposition ont été forgés pour l’orthographe du mot et des constituants dans la phrase et ne permettent donc pas, quand ils ne l’empêchent pas, le passage au niveau supérieur de la compréhension ?
Objectifs
C’est donc sur cette question du savoir à transmettre – et, ipso facto, sur celle des modalités spécifiques de la transmission de ce savoir et de la progression dessinée tout au long de la scolarité – qu’il nous faut nous interroger afin de vérifier si le savoir pris comme point de départ permet ou non d’accomplir la mission que l’on s’est assignée. Il faut dès lors interroger le savoir à transmettre, évaluer et réviser le discours sur la langue, s’assurer de sa justesse – le discours sur la langue ayant été constitué en savoir presque en soi –, de sa cohérence et de son appropriabilité, de son effectivité en classe – il y a parfois loin de la coupe de ce savoir institué aux lèvres de sa transposition en classe –, proposer une « linguistique applicable », construire une progression curriculaire qui envisage les apprentissages sur le temps long.
Les contributions à ce colloque tenteront d’apporter des réponses à ces interrogations. Seront privilégiées celles qui proposent des points de vue et perspectives systémiques sur les discours grammaticaux et les progressions curriculaires proposés en francophonie du Nord. Les domaines visés concernent l’épistémologie et l’histoire de la discipline, la didactique de la grammaire française, la critique systémique des discours et progressions institués, la proposition de modèles amendés ou alternatifs, le retour d’expérimentations innovantes.
Modalités de soumission
Les propositions de communication (de deux pages maximum, bibliographie comprise) devront être renvoyées avant le 15 décembre 2022 aux adresses suivantes : dan.van.raemdonck@ulb.be et antoine.gautier@sorbonne-universite.fr .
Notification d’acceptation : 31 janvier 2023.
Critères de sélection
Toute proposition doit être un travail original et non publié, en français. Chaque soumission fera l’objet d’une évaluation anonyme, en fonction de critères tels que la conformité à la thématique, l’originalité de la proposition, la précision de son contenu et sa cl