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L’intelligence artificielle générative pour l’enseignement du FLE

Didactique du FLES. Recherches et pratiques, 2025, vol. 4, n° 1

Extrait de l’introduction des responsables du numéro

« L’introduction de ChatGPT en novembre 2022 a été un développement significatif, un véritable un bouleversement majeur dans le monde de l’éducation. Soudainement, n’importe quel individu pouvait interagir avec un chatbot afin de produire du contenu relativement pertinent. Nul besoin de maitriser des codes complexes, une simple requête écrite de quelques mots ou phrases permet de recevoir des propositions de toute nature en quelques secondes : une synthèse de documents, une dissertation sur un sujet, un support de présentation orale, des images, de la musique, des poèmes, des codes informatiques, des exerciseurs, des formules, etc., bref, un ensemble de produits variés que l’on pensait uniquement réalisables par l’être humain. Dès lors, les enseignants se sont interrogés sur comment utiliser cette nouvelle technologie en classe de FLE et sur les nouvelles modalités d’évaluation à mobiliser afin de s’assurer que les productions soumises soient bien celles d’élèves/d’étudiants et non pas simplement une proposition de l’intelligence artificielle générative (IAG). En effet, des sondages rapides ont permis de pointer que les enseignants ne disposaient pas des ressources nécessaires pour détecter les cas d’utilisation de l’IAG dans les productions de leurs élèves ou étudiants (Fleckenstein & coll., 2024).

Puis, la presse révélait progressivement que l’intelligence artificielle générative, loin d’être totalement autonome, repose sur une importante intervention humaine. Des équipes de programmateurs conçoivent et affinent les algorithmes, tandis que d’autres travailleurs, souvent mal payés dans des pays en voie de développement (Chagnon, 2024), participent à l’étiquetage et à la classification des données nécessaires à l’entrainement des modèles. À ceci, s’ajoutaient des révélations sur les consommations d’énergie élevées requises pour alimenter et refroidir les centres de données (Piquard, 2024) entrainant d’importantes émissions de CO2 par les entreprises du secteur numérique (Open AI, Google, Microsoft…). Des organisations comme l’UNESCO (Fengchun & Holmes, 2024) commençaient aussi à questionner les sources utilisées pour alimenter les intelligences artificielles génératives soulignant l’absence de consentement et le manque de traçabilité ou de transparence. Elles s’interrogeaient aussi sur les réponses fournies par les intelligences artificielles génératives (biais culturel, réduction de la diversité) et sur leur utilisation pour générer du contenu discriminatoire, haineux et intrusif sur Internet. Ce qui avait été perçu initialement comme une avancée technologique fascinante commençait à soulever des préoccupations croissantes quant à ses impacts sur la société et l’humanité. Afin de limiter les risques de dérapages, plusieurs cadres réglementaires ont été mis en place avec parfois des sanctions annoncées (IA Act pour l’UE : Commission européenne, 2021). Dans le domaine de l’éducation, le Consensus de Beijing (UNESCO, 2019) puis le Guide pour les décideurs politiques (UNESCO, 2021) esquissaient déjà des recommandations pour garantir l’utilisation éthique, inclusive et équitable de l’IA dans l’éducation. Des propositions plus récentes intègrent aussi le volet durabilité pour les utilisations des IAG (Kasneci & coll., 2023). Dans ce contexte entouré de défis et avec des pratiques spontanées qui peuvent être parfois en décalage par rapport aux théories d’apprentissage (retour en force des exerciseurs, solo-apprentissage personnalisé), comment imaginer des usages raisonnés de l’intelligence artificielle générative en didactique du FLES en plaçant l’humain au cœur des préoccupations des enseignants pour éviter que cette intelligence artificielle générative ne devienne « dégénérative » (De La Higuera & Iyer, 2024 ; Direction du numérique pour l’éducation, 2024 ; Herft, 2023) ? »