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Le Programme d’accueil pour les étudiants réfugiés, à l’École des Ponts ParisTech : co-construire pour répondre à un enjeu sociétal

Sandrine COURCHINOUX, Isabelle SALENGROS-IGUENANE

École des Ponts ParisTech, ERDLI (Études et recherches en didactique des langues pour un public d’ingénieurs)

Léna LE DOLÉDEC

AL2E (Amicale laïque Évreux Est)

Analyse de dispositif

Texte publié sur le site de QPES dans le cadre du colloque « (S’) engager et pouvoir (d’)agir ».

Résumé

Un programme d’accueil pour étudiants en exil, visant à accompagner le développement de compétences nécessaires pour construire un projet de professionnalisation ou de reprise d’études, a été élaboré à l’École des Ponts ParisTech. Ce dispositif constitue une réponse pédagogique pluridisciplinaire à l’enjeu sociétal que représentent l’accueil et l’inclusion d’étudiants en exil.

Cette contribution décrit le programme et son adossement théorique. Une analyse du dispositif et de ses facteurs d’émergence sera ensuite proposée. Les données collectées permettent d’identifier des impacts positifs à l’échelle sociétale, de délimiter des perspectives de transférabilité à d’autres établissements.

Mots-clés

dispositif d’accompagnement, étudiants en exil, enjeu sociétal

Introduction

Comme d’autres établissements d’enseignement supérieur, l’École des Ponts ParisTech a mis en place un dispositif d’accueil pour les étudiants en exil, le programme d’accueil pour étudiants réfugiés[1] (PER), visant à accompagner le développement de compétences nécessaires pour construire un projet de professionnalisation ou de reprise d’études. Ce dispositif constitue une réponse pédagogique pluridisciplinaire à l’enjeu sociétal que représentent l’accueil et l’inclusion d’étudiants en exil.

Cette contribution décrit le programme et son adossement théorique : ingénierie de la formation, accompagnement personnalisé, approche pluridisciplinaire. Une analyse du dispositif et de ses facteurs d’émergence sera ensuite proposée. Les données d’insertion collectées permettent d’identifier des impacts positifs à l’échelle sociétale, nous en analysons des facteurs afin de délimiter des perspectives de transférabilité.

1. Contexte d’émergence et dispositif

En 2016, des élèves de l’École, membres de l’association Dévelop’Ponts, ont initié un programme basé sur l’engagement d’un effectif réduit de bénévoles. Le PER est maintenant soutenu par un panel de plus de 90 acteurs de l’École. Ce programme, non diplômant, fait partie des formations de l’École (formation d’ingénieur, masters, mastères spécialisés). Cette formation dédiée à l’accueil d’étudiants scientifiques exilés vise à accompagner la professionnalisation via la reprise d’études et à faciliter l’insertion sociale et culturelle. L’enseignement du français langue étrangère (FLE) et l’accompagnement personnalisé y sont centraux.

Les orientations du PER sont en écho avec celles de l’écosystème national : autres établissements de l’enseignement supérieur, MEnS (association Migrants dans l’enseignement supérieur), Resome (Réseau études supérieures et orientation des migrant.e.s et exilé.e.s), CPU (Conférence des Présidents d’Université), Délégation interministérielle à l’accueil et à l’intégration des réfugiés (DIAIR)…

Par ailleurs, l’existence même de ce type de programme à l’École des Ponts ParisTech s’explique par l’importante implication des élèves-ingénieurs, historiquement leviers d’évolution.

L’École accueille une centaine d’élèves internationaux par an et offre un panel de cours de français langue étrangère au sein du Département Langues et cultures (DLC). Cette expertise en interne a été réinvestie dans la conception du PER.

Les élèves-ingénieurs souhaitaient au départ prendre en charge l’accompagnement du projet de reprise d’études de ces étudiants. Toutefois cet accompagnement implique une présence régulière et leur emploi du temps n’était pas compatible avec la disponibilité nécessaire. Les étudiants du PER s’adressaient, par ailleurs, préférentiellement à leurs enseignants de FLE. Une équipe dédiée aux élèves du PER a alors été constituée.

Les élèves-ingénieurs bénévoles ne peuvent se consacrer qu’un an à leurs activités associatives. C’est donc le DLC qui a, tout d’abord, coordonné le programme pour en assurer la pérennité.

Depuis 2018, la Direction de l’École a précisé ces modalités de pilotage : la Direction de l’enseignement coordonne maintenant le PER, en co-pilotage avec les élèves-ingénieurs. Cette structuration s’est formalisée par l’inscription de cette mission dans celles de la coordinatrice, puis par la création d’un poste de responsable du programme. À notre connaissance, aucun autre programme conçu en école d’ingénieurs ne propose un copilotage aussi formalisé entre élèves et personnels de l’institution, et, depuis 2020, les anciens élèves.

2. Positionnement théorique et démarche pédagogique

Depuis l’impulsion du programme, le questionnement reste de savoir comment apporter une réponse pédagogique pluridisciplinaire à un enjeu sociétal. Le PER se veut une réponse co-construite, développée dans un environnement capacitant (Fernagu-Oudet, 2012) : engagement associatif, émergence d’une forte responsabilité sociétale des personnels et des élèves, valorisation de cet engagement par l’École et coordination renforcée pour assurer une continuité et encourager une démarche d’amélioration continue.

2.1. Positionnement théorique

Le PER s’appuie sur des choix didactiques précis : autonomisation, responsabilisation, centration sur l’apprenant et individualisation des parcours. Animé par une équipe pluridisciplinaire, ce programme global est conçu dans une approche d’ingénierie de la formation, autour de tâches sociales de référence.

2.1.1. Formation pour adultes

Ce dispositif de formation vise à favoriser l’émergence de conditions propices à l’engagement des apprenants (Carré & Mayen, 2019 : 240). Pour ce faire, il est essentiel que ceux-ci perçoivent le dispositif comme une communauté dont ils font partie et dans laquelle ils se sentent bien, afin de rendre possibles le développement de l’autonomie et la persistance dans l’apprentissage. Il s’appuie également sur l’autoproduction des savoirs (plutôt que la transmission), l’ouverture pour garantir la liberté de choix et la collaboration/coopération (Carré, Moisan et Poisson, 2010 : 216). Accompagnement souple, individualisation des parcours : les compétences sont travaillées de manière située, au sein des tâches suscitant et justifiant leur utilisation (Lions-Oliveri et Liria, 2009 ; Courchinoux, 2012).

Les modalités d’enseignement choisies s’appuient sur les compétences des apprenants (leur faire confiance, mobiliser les expériences vécues pour alimenter le contenu des formations…). L’enseignant intervient donc en tant que facilitateur de l’accès au savoir et aux ressources, il accompagne le développement des compétences langagières.

2.1.2. Approche par tâche sociale

Compte tenu de ses objectifs, le PER a été pensé en appui sur la méthodologie d’ingénierie de la formation en français sur objectif spécifique / universitaire (FOS/FOU), telle que définie par Mangiante et Parpette (2004, 2011…). Nous avons procédé à une analyse du contexte et des besoins, collecté des données et supports authentiques permettant une analyse des contenus pour concevoir un référentiel de formation, organisé par tâches sociales. Ces étapes d’ingénierie de la formation ont été menées dès la création du PER. Les évolutions du programme permettent de proposer maintenant des entrées illustrant la diversité des compétences à développer ou acquérir pour reprendre des études supérieures en France (langagières, académiques, techniques, personnelles…), mobilisées dans le cadre de tâches sociales.

Envisager la langue dans la perspective des tâches sociales permet de mettre en exergue leur tension avec les pratiques (donc les attendus et le degré d’acceptabilité de variation à la norme pour les interlocuteurs, Avril, Cartier & Serre, 2010). Cette approche de type ethnographique semble transposable à l’analyse de tâches réalisées dans d’autres domaines que le domaine professionnel. Les contenus, les modalités de travail ou l’approche globale de co-construction pluridisciplinaire sont définis par cette approche didactique.

2.2. Démarche méthodologique

La conception de ce dispositif s’est appuyée sur une compréhension fine du contexte et du public d’étudiants exilés en reprise d’études en France, mobilisant des outils d’analyse de type ethnographique, pour les conceptualiser de manière décentrée (Berchoud, 2012). L’objectif est d’identifier des tâches sociales, les défis pour ces apprenants dans leur quotidien (domaines public, privé, académique et professionnel), et de comprendre la logique d’exercice de leur métier d’étudiant et d’acteur social (Mourlhon Dallies, 2010).

2.3. Conception de la formation

Cette approche, associée à une analyse des besoins au niveau langagier, a permis de déterminer les axes de cette formation, les choix de contenus abordés dans les différents cours du programme et les modalités de travail associées (cours de FLE, d’anglais ; ateliers Sciences, Conversation, Informatique, Orientation, Interculturel ; activités sportives ; immersion dans des cours de la formation d’ingénieur). L’importance de l’hétérogénéité des interlocuteurs de ces étudiants a été intégrée dans la réflexion et le dispositif rend possibles des interactions régulières (binôme avec un élève-ingénieur et avec un professionnel de l’association des anciens élèves, bénévoles impliqués dans les ateliers) ou plus ponctuelles (personnels et élèves). En appui sur ces analyses, les contenus à sélectionner prioritairement puis à scénariser en FLE ainsi que dans les différents cours et ateliers ont été délimités :

  • Trouver sa place dans un environnement social (créer de nouveaux liens sociaux, partager ses référents culturels…)
  • Se positionner en tant qu’étudiant (définir des techniques et stratégies de travail, développer ses compétences d’autonomie…)
  • Stabiliser sa vie en France (se loger, effectuer des démarches administratives, prendre soin de sa santé…)
  • Préparer son retour dans l’enseignement supérieur (se situer dans son parcours académique, définir un projet professionnel, compléter ses connaissances et compétences scientifiques…).


3. Recueil de données par questionnaire

Cette étude s’appuie sur les données quantitatives collectées dans le cadre du mémoire de master en Didactique des langues de Le Dolédec (2020) procédant par enquête par questionnaire (à l’échelle nationale) auprès de responsables, d’enseignants/intervenants et d’étudiants ou anciens étudiants de programmes d’accueil pour des étudiants exilés. Pour les deux promotions du PER enquêtées (2017-2018 et 2018-2019, soit 35 personnes hors étudiants démissionnaires), 18 réponses complètes ont été collectées. Nous présentons ici les éléments pertinents pour rendre compte de l’évaluation par les étudiants du dispositif mis en place à l’École des Ponts ParisTech.

3.1. Les répondants

17 répondants faisaient partie de la promotion de 2018-2019 (sur 19 inscrits), et un est issu de la promotion 2017-2018. Cet effectif forme donc un échantillon très représentatif à l’échelle de la promotion 2018-2019. Deux étudiants déclarent être arrivés en France en 2013 et 2015, tous les autres répondants indiquent être venus entre 2016 et 2018, la moitié d’entre eux étant entrée en 2016.

Lors du questionnaire (6 mois après la fin du PER pour 17 répondants, et un an et demi après pour un répondant) :

  • huit répondants disent avoir repris des études supérieures : diplôme d’ingénieur en maintenance industrielle (1), formation professionnelle dans l’informatique (1), licence (6, dont 2 en génie électrique, 2 en génie civil, 1 en topographie, 1 en informatique), master sciences de la terre et environnement (1) ;
  • deux répondants avaient repris des études, avant d’abandonner (respectivement mécanicien vélo et à la recherche d’une autre formation).

Toutes les études entreprises correspondaient au domaine de spécialité initial des apprenants.

Trois autres répondants continuent à étudier le FLE. Les cinq autres répondants travaillent en tant qu’agent d’accueil, surveillant au collège, cuisinier, gestionnaire des stocks, agent en hôtellerie.

3.2. Retours des apprenants sur le programme

Dans le questionnaire, une série d’items pouvant être présents dans des programmes de ce type était proposée, les répondants indiquant les contenus intégrés dans le programme qu’ils avaient suivi. Pour chaque contenu sélectionné, les répondants devaient déclarer si cela leur avait semblé « pas du tout utile, un peu utile, très utile » (ou « je n’ai pas fait ça »). Pour le PER, on obtient 18 réponses, à l’exception des items portant sur l’apprentissage du FLE, un étudiant, francophone, n’étant pas concerné. Ces questions étaient facultatives, et on note aussi que les répondants ont distingué ce que le programme proposait et ce que, personnellement, ils avaient fait. Le nombre de réponses sur l’utilité des contenus est donc variable d’un item à l’autre et, pour pouvoir traiter et comparer les données, elles ont été mises en pourcentage (dénominateur commun le plus lisible).

Parmi les items indiqués comme proposés dans le PER, au moins deux tiers des répondants considèrent les suivants comme « très utiles » :

Les items suivants sont indiqués comme ayant été « très utiles » également, mais par un effectif inférieur à deux tiers, tout en restant supérieur ou égal à 50% des réponses :

 Certains items sélectionnés semblent moins clairement pertinents (quasi-équilibre des réponses « très utile » et « un peu utile ») :

Enfin, certains items apparaissent comme ayant été visiblement moins utiles, nous relevons les items correspondant à au moins 15% des réponses :

Un quart des répondants estiment que le « parrainage par un étudiant francophone » n’est « pas du tout utile ». Ce dispositif n’a effectivement pas fonctionné immédiatement et une majorité de la promotion n’avait jamais rencontré son binôme. Cette explication serait à confirmer avec des données sur les promotions suivantes, lorsque le dispositif « binôme » était plus stabilisé.

Les « sorties culturelles » proposées par l’association Dévelop’Ponts, apparaissent également comme n’étant « pas du tout utiles » pour 20% des répondants. Un contexte de grandes grèves pour la promotion majoritairement représentée par les répondants (aucune visite n’a pu être organisée) peut l’expliquer.

9 répondants sur 18 indiquent des besoins résiduels à l’issue du PER, parmi lesquels 5 étaient en cours d’études diplômantes et 4 autres non (2 poursuivaient leur apprentissage du FLE et l’autre travaillait). Les répondants mentionnent majoritairement des besoins en termes de conseils et renseignements (5), langue (2) et recherche d’une formation (2). Parmi les 9 autres répondants, n’ayant pas indiqué de besoins résiduels, 5 étaient inscrits dans une formation supérieure ou l’avaient été avant d’abandonner, 3 travaillaient et un suivait des cours de FLE.

Au travers de ces évaluations, l’approche autonomisante retenue et le dispositif élaboré semblent conduire à des résultats intéressants. En effet, la moitié des répondants considèrent être autonomes (ne plus avoir besoin d’aide particulière) et la majorité des autres ont pu, malgré tout, entreprendre des études ou intégrer le marché du travail. À titre de comparaison :

  • avant le PER seules deux personnes avaient eu l’occasion de travailler brièvement en France et aucune n’avait intégré l’enseignement supérieur ;
  • pendant le PER, 5 étudiants travaillaient en parallèle ;
  • et 6 mois après le PER (un an et demi pour un répondant), 6 anciens étudiants étaient insérés professionnellement (33,3%), 8 étaient inscrits dans l’enseignement supérieur (44,4%), dont 2 en alternance, trois (16,6%) étudiaient le FLE, et un répondant (5,5%) venait d’abandonner ses études.


4. Retour d’expérience et données qualitatives

Dans le PER, les délégués de la promotion sont conviés chaque semestre (au moins) à des réunions de régulation mobilisant les intervenants des cours et ateliers. Nous présentons ici les éléments issus du retour d’expérience de juin 2020.

Le dispositif est perçu par les étudiants comme portant ses fruits. Ils soulignent notamment qu’il était « rassurant d’être ensemble » et de faire partie d’un groupe de pairs pour faire face à la complexité d’adopter à nouveau la posture d’étudiant et de rester engagé dans son apprentissage. Ils expriment également l’« espoir » d’« apprendre chaque jour » et la « chance » d’avoir la perspective d’intégrer une université française. L’évaluation formative et continue leur semble pertinente pour adapter et personnaliser les parcours. Ils insistent sur l’avantage de bénéficier d’un parcours « à la carte ». « Pouvoir et devoir parler français » est également un point saillant de cet échange. Ce retour d’expérience fait ressortir à la fois la perception de leur progression en français (sentiment d’autonomisation) et de l’environnement facilitant mis en place. La motivation s’enrichit également d’ « un besoin d’autonomie qui peut se définir à la fois comme le besoin d’être à l’origine de son action, de faire une action qu’on a choisie ou dont on se sent responsable » (Deci et Ryan, cités par Carré et Mayen, 2019 : 236). Elle repose de plus sur un besoin de compétence en interaction avec son environnement et d’un besoin de relations sociales, « qui est lié au fait de se sentir connecté aux autres, d’être attentif à autrui et d’avoir un sentiment d’appartenance à des communautés de personnes » (ibid.).

Les difficultés mentionnées par les délégués relèvent de la posture d’étudiant (se trouver à nouveau dans un établissement d’enseignement supérieur, interagir avec des personnels et étudiants). Ils reconnaissent un certain « stress » avant de trouver réellement leur place dans les espaces académiques (bibliothèque, espace de co-working, cantine, salle de sport…). Il leur est difficile de se plonger à nouveau dans les matières scientifiques (approches pédagogiques et méthodologiques différentes). Ils perçoivent enfin une certaine hétérogénéité de niveaux dans les cours d’anglais, mathématiques et informatique : des parcours plus différenciés, comme ceux proposés en FLE, auraient été appréciés. Cela révèle l’écart perçu entre les modules assurés par des enseignants ou des intervenants bénévoles : pour ces derniers, la gestion de l’hétérogénéité et, donc, l’aménagement de temps nécessaire à un suivi plus personnalisé sont forcément plus complexes. Suite à cette remarque des étudiants, et pour mieux gérer cette hétérogénéité, l’équipe a fait évoluer le fonctionnement des ateliers bénévoles en créant des groupes à effectifs réduits aux objectifs plus précisément définis.

5. Impact et transférabilité du dispositif

Au regard de cette analyse, des points forts et des pistes d’amélioration émergent.

Le PER se nourrit d’un environnement capacitant à des niveaux micro- et macro-contextuels.

L’ingénierie de la formation s’appuie sur de solides compétences en interne, une excellence scientifique reconnue et la démarche qualité de l’École. Ce programme ajoute, de plus, une dynamique fédératrice animée par l’enjeu sociétal inhérent aux objectifs du dispositif et à l’approche décloisonnée, multidisciplinaire et pluriactorielle choisie.

L’intégration aux réseaux s’est réalisée et consolidée. Le PER entretient désormais un solide partenariat avec les associations et établissements impliqués dans l’accueil d’étudiants en exil. Il met en relation des acteurs de la formation d’ingénieur, du programme et du monde socio-économique.

Une enquête d’insertion sur ces cinq dernières années (Courchinoux, Salengros Iguenane, Le Dolédec, à paraître) montre qu’un suivi des parcours des anciens étudiants sur un plus long terme est éclairant. On constate notamment qu’une large majorité des anciens étudiants ont stabilisé, de manière durable, leur situation en un temps court.

Ce type de programme est donc réalisable (en termes de conception didactique), justifié et porte ses fruits à court et moyen termes.

Cette étude montre qu’un tel dispositif de formation pour adultes (pluriactoriel, co-construit, inscrit dans une démarche qualité, et efficient), pour qu’il puisse exister et soit transférable, nécessite une gouvernance solide et engagée. Les spécificités et besoins des apprenants accueillis, ainsi que des exigences institutionnelles, semblent rendre indispensable un accompagnement global. Dès lors, un défaut de gouvernance (absence de pilotage du projet ou ressources humaines sous-estimées) conduirait à l’usure de l’équipe porteuse, voire à une baisse de la qualité en termes de suivi des étudiants et de la performance du dispositif.

L’analyse de ce dispositif montre qu’il est transférable, au moins en partie, notamment en termes de démarche d’ingénierie de formation pour adultes, d’approche contextualisée (décloisonnée), de mobilisation des réseaux, d’implication des apprenants. L’impact sociétal semble aussi se mesurer grâce aux éléments apportés par le suivi des anciens étudiants qui fournit des pistes d’amélioration du programme.

Penser une réponse pédagogique à cette situation migratoire ne semble donc pas pouvoir être réalisé dans l’« urgence », en termes d’orientations didactiques et de co-construction. La perception par l’établissement conditionne aussi la pérennité d’un tel dispositif : un programme reconnu comme faisant partie de ceux de l’établissement, avec des ressources humaines associées et dédiées.

Conclusion

Le PER a nécessité la constitution d’une équipe pluridisciplinaire dédiée et la mise en place d’un accompagnement spécifique des étudiants. Par ailleurs, l’implication des étudiants et des alumni fournit des indicateurs d’insertion qui font ressortir des pistes d’amélioration. Nous avons tâché de co-construire un programme « catalyseur, amplificateur, facilitateur, attracteur […] [en] adéquation au contexte vécu du sujet social souhaité « apprenant » » (Carré et Mayen, 2019 : 263).

Ce programme de formation pourrait, en ce sens, constituer pour les apprenants un environnement capacitant pour se construire une stabilité durable.

Bibliographie

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Courchinoux, S., Salengros Iguenane, I. & Le Dolédec, L. (2022, à paraitre). Apporter une réponse pédagogique pluridisciplinaire à un enjeu sociétal : Le Programme d’accueil pour les étudiants réfugiés, à l’École des Ponts ParisTech. Journal of International Mobility. Presses Universitaires de France.

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[1] Au sens admis par l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), regroupant les personnes réfugiées politiques, demandeuses d’asile et bénéficiaires d’une protection subsidiaire.