« Qui a eu cette idée folle un jour d’inventer l’école ? » Eh non, ce n’est pas Charlemagne. Et ce n’est pas Jules Ferry qui l’a rendue obligatoire – il n’a pas non plus défendu le « lire, écrire, compter », au contraire…
Bousculant les images d’Épinal et les certitudes partagées mais mal fondées, Claude Lelièvre remet les points sur les « i » de nos idées sur l’école et son histoire.
Car la passion française pour les débats sur la question scolaire se nourrit d’approximations et de contre-vérités : l’auteur prend un malin plaisir à les démystifier. Son livre propose des explorations brèves à partir des références – convenues, erronées ou fallacieuses – à l’histoire de l’éducation dans les discours actuels.
Les sujets abordés sont ceux qui nourrissent les polémiques d’aujourd’hui : la laïcité, l’égalité des chances et la sélection, les réformes scolaires, l’égalité des sexes, l’opposition entre instruire et éduquer, les « fondamentaux », l’école unique, le « roman national », le bac, etc.
Un entretien de François Jarraud avec l’auteur sur le Café Pédagogique
Extraits
« Le livre parle de l’École d’aujourd’hui à la lumière de l’histoire. Il est donc bien question d’actualité. Mais ce n’est pas un livre de combat. Il éclaire les débats actuels en prenant de la profondeur historique.
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je ne pense pas que l’École fasse du surplace. (…) La question de l’égalité des filles est probablement celle où il y a eu le plus d’évolution, même si des inégalités existent toujours. Donc on ne peut pas dire qu’il n’y a pas de changement ou qu’il y a un éternel retour.
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Une des contrevérités c’est cette opposition [entre républicains et pédagogues]. C’est une pure invention qui ne tient pas la route
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dire que l’école républicaine était centrée, en particulier par Jules Ferry, sur les fondamentaux est une contre vérité. Ferry n’arrête pas de dire que l’école républicaine se distingue par tout ce qui est ajouté au lire, écrire, compter. Il s’est intéressé à la pédagogie. Se focaliser sur les fondamentaux c’est revenir à l’école ante républicaine. C’est le cas de certaines politiques mises en avant ces dernières années.
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La dictée comme exercice très important est apparue sous Guizot, sous la Monarchie de juillet, 50 ans avant Ferry. La période ferryste est pas du tout favorable à cette focalisation sur la dictée. Ferry lui-même s’en prend à sa place dans le recrutement des instituteurs. Son successeur essaie d’affaiblir la position centrale de la dictée dans le certificat d’étude. Mais il n’y arrive pas.
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Jamais Ferry n’a considéré que l’École ne devait pas faire de politique. Elle devait au contraire imposer dans les têtes les idées républicaines qui n’étaient partagées à l’époque que par la moitié des Français. La question de la laïcité était avant tout une question politique.
Ferry (…) est contre le catholicisme politique. Il est anti-clérical, pas anti religieux. C’est une position dont on devrait bien s’inspirer aujourd’hui. J Ferry ne voulait pas contrarier les religions : il envisageait même le catéchisme dans les locaux scolaires. Mais la religion n’est plus dans les programmes et le personnel n’a pas à faire de profession de foi religieuse ou d’éducation religieuse. Les lecteurs auront des surprises sur cette question car je donne dans le livre de nombreux textes pour juger sur pièces…
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la lutte contre les stéréotypes sexistes n’a pas vraiment été menée par l’école. On est passé à la mixité pour des raisons administratives. Mais sans revenir sur cette base idéologique. Cela se paye aujourd’hui.
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de nombreux politiques mettent l’adjectif « républicain » là où il ne faut pas. À les entendre le bac est républicain, l’agrégation républicaine. La République n’a rien à voir avec ça. »