Françoise Demaizière
(Texte paru dans la revue Les Sciences de l’Éducation pour l’ère nouvelle – Médiations éducatives et aides à l’autoformation, volume 29, n° 1-2, 1996, cerse – université de Caen, pp. 67-99.)
1. Autoformation. Qui en parle aujourd’hui ?
2. L’université : au-delà de l’école, à côté du monde du travail, une institution de formation pour (jeunes) adultes
3. Un schéma de dispositif d’apprentissage des langues
4. Le parti-pris didactique : se situer par rapport à l’hétéroformation
5. Didactique, cohérence et adéquation scientifiques et pédagogiques
6. Rôle des nouvelles technologies
7. Les entretiens individuels – principe retenu
8. Définition des objectifs et pédagogie du contrat
9. Évaluations et notations
10. Socialisation, regroupements, travail à l’université
11. Appréciation globale en fin d’année, demandes pour l’année suivante
12. Rythme de travail des étudiants
13. Les produits utilisés – Des panachages cohérents
14. Quelques exemples de parcours
15. Les entretiens individuels – expérimentation
16. Résultats et notes
17. Commentaires des étudiants
18. Pas de demandes d’aide à propos du travail individuel. Pourquoi ?
19. Est-il gênant de ne pas pouvoir se situer par rapport aux autres ?
20. Que conclure ? Où situer l’autonomie et l’autoformation ?
Références
1. Autoformation. Qui en parle aujourd’hui ?
L’autoformation est un concept ou une pratique aux contours variables. On s’y réfère depuis longtemps dans les milieux de Sciences de l’Éducation mais elle est aussi bien, de manière plus récente, le thème de rencontres d’enseignants des disciplines classiques du second degré ou du supérieur. Diverses communautés s’approprient l’idée et l’investissent d’enjeux fort différents et il est frappant de noter que ces divers groupes sont souvent peu au fait de leurs perspectives et de leurs usages respectifs. Le lecteur des deux numéros de la revue Éducation Permanente sur l’autoformation de 1985 et 1995 [7] n’est pas celui des actes d’un colloque d’enseignants de langues, de chimie… sur le même thème. Les références bibliographiques des didacticiens d’une discipline vont parfois jusqu’à des spécialistes de sciences de l’éducation comme Philippe Meirieu [9] ou Daniel Hameline [8]. La problématique de Joffre Dumazedier ou Gaston Pineau [7] leur est bien étrangère, (ce qui est d’ailleurs normal étant donné les terrains envisagés par les uns et les autres). On a toutefois le sentiment d’une certaine amnésie et d’une légèreté méthodologique quand on lit, par exemple, les lignes suivantes qui présentent des « entretiens internationaux sur l’enseignement à distance » organisés en 1995 par le Cned. “Depuis plusieurs années déjà on constate de nombreux exemples d’intégration et d’application des nouvelles technologies dans les formations. C’est ainsi qu’est né le concept d’autoformation guidée qui transforme les pratiques pédagogiques et apporte beaucoup de flexibilité dans l’enseignement en présence.”
Depuis que l’on est passé des appellations « Enseignement Assisté par Ordinateur (EAO) » ou « Applications pédagogiques de l’informatique » des années 70 et 80 à la terminologie « Nouvelles Technologies de Formation, Éducatives, d’Enseignement… (NTF, NTE) » on constate, en effet, en corollaire, une apparition massive de la terminologie « autoformation » pour qualifier l’introduction de l’ordinateur dans un dispositif. On peut citer, par exemple, la création d’un « Réseau Universitaire des Centres d’Autoformation (Ruca) », caractérisé d’abord par le fait qu’il s’agit d’utiliser l’ordinateur. On entendra parler de « séances d’autoformation » là où l’on aurait dit « séances d’EAO » il y a quelques années. De tels changements terminologiques ne sont pas neutres. Ils reflètent des basculements socio-culturels réels, même si ceux qui utilisent les nouveaux termes sont loin d’en être toujours pleinement conscients. On peut relever également la manière dont le courant de réflexion sur l’autonomie dans l’apprentissage ou les apprentissages auto-dirigés se trouve en quelque sorte aspiré par cet effet de mode et ce raz-de-marée technico-pédagogique sinon technocratico-techniciste de la nouvelle cyberculture. Tout dispositif innovant proposant une forme d’individualisation ou une utilisation de l’informatique se voit souvent d’emblée qualifié d’autoformation même si certains ont su pointer les distinctions qu’il conviendrait de faire (voir Philippe Carré [4], par exemple). Cette inéluctabilité des étiquettes ne doit pas empêcher de se poser les questions de fond et d’essayer de construire les repères méthodologiques nécessaires à une action raisonnée, à une démarche de chercheur. Je tenterai donc ici de définir le point de vue d’une spécialiste en linguistique et didactique des langues, engagée dans le développement et l’expérimentation de didacticiels depuis de nombreuses années et qui poursuit actuellement sa démarche en mettant sur pied des dispositifs dits d’autoformation guidée. L’autoformation peut s’entendre et se justifier au sens le plus étroit par le seul fait que les NTF sont placées au cœur du dispositif. J’essaierai toutefois de montrer que la démarche et la réflexion ont été plus globales, systématiques et ambitieuses. Mon désir est ici de tenter d’amorcer des échanges que je trouve encore trop peu nombreux.
Les discours emblématiques sur l’autoformation s’appuient en général sur une dichotomie entre « l’école », lieu de la relation et de la sujétion maître-élève, où l’autoformation ne peut s’épanouir et les milieux présentés comme favorables à une prise de pouvoir du sujet apprenant. Ces milieux non institutionnels peuvent être ceux de l’éducation permanente, du milieu associatif, de la formation professionnelle… Je me suis intéressée à l’université. Il y a là un milieu intermédiaire par rapport à certaines distinctions fréquentes. L’étudiant ou le stagiaire de formation continue y viennent certes dans une institution à vocation d’enseignement (et on assumera le rôle institutionnel ici). Ils ne sont pourtant pas les enfants du système scolaire mais des citoyens majeurs. Il est évident qu’ils ne sont pas totalement adultes. L’université définit d’ailleurs une catégorie « étudiants adultes » dans laquelle n’entrent ni un jeune bachelier ni même un thésard de 25 ans. Le postulat d’une forme de partenariat et de responsabilisation de l’apprenant s’énonce néanmoins de manière qualitativement autre. On peut tenter le « renversement de paradigme » de l’autoformation entre adultes. De plus, on est souvent proche du monde du travail. Les cursus à visée professionnelle ou en alternance se multiplient. Les étudiants font de plus en plus systématiquement des stages ou occupent des emplois en complément à leurs études.
3. Un schéma de dispositif d’apprentissage des langues
Voici brièvement le schéma mis en place au CNEAO pour un module d’anglais de 50 heures calculé sur la base d’un groupe de 25 étudiants [1].
• Lectures des documents écrits (7 pages) décrivant les matériaux pédagogiques disponibles (une trentaine de « titres » proposés).
• Réunion d’introduction avec l’équipe responsable, présentation des lieux…
• Entretien individuel (15 à 20 mn) avec un enseignant.
• Travail individuel sur les matériaux pédagogiques (EAO, vidéo, etc.) (réservation semaine par semaine des produits).
• Participation à des séances d’expression orale en petit groupe de 10 étudiants maximum, chaque étudiant choisit son thème parmi plusieurs propositions.
• Deux autres entretiens individuels au bout de 12 et 30 heures de travail individuel environ.
La répartition des heures se fait de la manière suivante.
Étudiants
1 heure de présentation du dispositif
1 heure d’entretiens individuels (3 fois 20 minutes)
8 heures de séances en petit groupe (8 fois une heure)
40 heures de travail individuel sur les matériaux du CNEAO
50 heures au total
Enseignants
1 heure de présentation du dispositif
25 heures d’entretiens individuels (3 fois 20 minutes, 1 heure par étudiant pour 25 étudiants)
24 heures d’animation de séances en petit groupe
50 heures au total
Le principe est de ne pas investir plus d’heures enseignants que pour un système traditionnel de groupe (25 étudiants face à un enseignant pendant 50 heures). On ajoute, bien évidemment, un surcoût en encadrement administratif et technique. Ce schéma de base se décline dans plusieurs versions voisines (modules plus longs ou un peu plus brefs, groupes moins nombreux, etc.).
4. Le parti-pris didactique : se situer par rapport à l’hétéroformation
Le point d’entrée par la didactique est essentiel à la démarche retenue. J’entends par didactique une didactique de la discipline (voir Françoise Rope [15]), qui s’entend comme une spécialisation scientifique dans le domaine concerné (linguistique anglaise en particulier) à partir et autour des problèmes de transmission et d’apprentissage. De ce choix initial découlent plusieurs conséquences. Il n’y aura, en premier lieu, pas de refus de principe de l’hétéroformation. La didactique prépare une intervention pédagogique, elle opère une mise en forme d’éléments pour un scénario pédagogique (activités de classe, matériaux d’auto-apprentissage, etc.). Elle croit à l’effet facilitateur pour l’apprentissage d’une intervention « spécialisée ». On ne privilégie pas l’écoformation à un premier niveau, non plus d’ailleurs qu’un travail direct sur matériaux bruts (le document « authentique » non pédagogisé) parfois mis en avant pour l’enseignement/apprentissage des langues. On pose ici que le métier du didacticien (avec la compétence de scénarisation pédagogique) doit et va aider l’apprenant.
Le scénario pédagogique prioritairement envisagé ici est celui d’un didacticiel ou d’une vidéo pédagogique permettant le travail individuel (avec manuel d’accompagnement incluant activités préparatoires, exercices et corrigés). Il s’agit donc de mettre à disposition de l’apprenant (et c’est ainsi que cela s’entend) des produits pédagogiques aussi « interactifs » que possible. S’agit-il d’hétéroformation ou d’une situation où le rapport de force, le type de confrontation, le statut des acteurs (ou outils) sont (légèrement, sensiblement…) différents de ce qu’évoque le moule scolaire rigide quasi-autoritaire habituellement associé à l’hétéroformation ? Il n’y a en tout cas pas de relation maître-élève dans un face-à-face fortement hiérarchisé. Les représentations que l’apprenant va se construire de son interlocuteur et de l’outil qu’il utilise sont spécifiques. Son énonciation n’est pas celle de la classe. Le poids des commentaires venant d’un didacticiel n’est pas celui de l’enseignant représentant de l’institution. Cela a déjà été dit à propos de l’EAO et mérite d’être à nouveau souligné. Je serais d’accord avec Patricia Portelli [11] pour placer dans une catégorie spécifique la “voie technologique”, à côté des voies “individuelle (autodidactique)”, ou “présentielle (magistrale)”, par exemple.
J’insisterai sur le mode de présentation et d’utilisation des matériaux dans le cadre d’un travail appelé ici individuel dans un souci de neutralité (par rapport à travail « en autoformation » ou « autonome », par exemple). Ce travail individuel sera plus ou moins éloigné et libéré du cadre de l’hétéroformation, des « autres », plus ou moins proche d’une interprétation possible d’une formation par « les choses » (le pôle éco) selon qu’on laissera ou non outils et produits sous le seul contrôle de l’apprenant. Ce n’est pas vraiment le cas si le travail sur ordinateur, par exemple, se fait sous la surveillance de l’enseignant en charge du groupe, si les réponses sont enregistrées, regardées par ce même enseignant soucieux de « suivre les progrès de ses étudiants », de « vérifier que tout se passe bien », etc. Ce n’est pas non plus le cas si l’apprenant doit suivre un plan de travail préétabli plutôt que de décider lui-même sur quel produit il travaillera à chacune de ses séances (cf. 8). Au CNEAO, il n’y a pas d’enseignant à l’horizon dans la salle de travail individuel. L’apprenant peut passer d’un produit à l’autre à sa guise d’une séance à l’autre. Réponses et performances ne sont pas enregistrées et examinées pour un suivi quelconque (le suivi est ailleurs et prend d’autres formes – cf. 7 et 9).
L’idée de base est qu’une fois que les ressources ont été proposés et mises à disposition pour le travail individuel, l’apprenant est seul maître à bord, et le mieux placé pour repérer s’il a une difficulté majeure à propos de laquelle il convient de venir consulter un enseignant. Je pense donc qu’il y a là un montage que l’on peut considérer comme qualitativement différent de nombreuses utilisations des NTF et qui induit une forme de réification, d’extériorité des matériaux pédagogiques par rapport à l’institution et à la puissance enseignante, qui éloigne des situations rigides traditionnelles.
On remarquera qu’une telle attitude est souvent difficile à susciter auprès d’enseignants en général fortement déstabilisés à l’idée de ne pas pouvoir savoir ce que leurs étudiants ont fait par le menu. Il n’est que de voir les demandes faites aux vendeurs de logiciels pédagogiques et les publicités que cela engendre. On met en avant des capacités d’enregistrement des réponses de chacun à chaque sollicitation, par exemple, et divers outils de suivi. Or, on sait bien qu’une fois le logiciel en utilisation, la plupart du temps ces résultats ne sont pas exploités car ils ne peuvent pas l’être raisonnablement vu le temps que cela nécessiterait. De plus une accumulation de résultats à des choix multiples ou des questionnements assez rudimentaires, cas le plus courant, permet bien mal de repérer des difficultés de fond. L’apprenant lui-même sera beaucoup mieux à même, à mon avis, de sentir qu’il semble avoir une difficulté avec tel concept ou telle règle. Mais il y a là un trait culturel très fort de la communauté enseignante face aux NTF et par là-même à des formes d’individualisation ou d’autonomie des apprentissages. (La réticence et l’inquiétude sont moins fortes face à des matériaux uniquement papier. On s’inquiète plus de laisser un apprenant « seul » face à une « machine » que face à un manuel ou un polycopié. Le centre de ressources multimédia inquiète plus que la bibliothèque.)
5. Didactique, cohérence et adéquation scientifiques et pédagogiques
Mettre en avant la didactique signifie également que l’on va s’appuyer systématiquement sur un examen critique des contenus scientifiques proposés dans leur agencement particulier. Toute démarche d’exposition, de transmission ou de vulgarisation passe par des mises en forme. On sélectionne informations ou matériaux, on passe par des démarches de métaphorisation (procédure essentielle à la didactique ou à la vulgarisation). Un examen « généraliste » d’un fonds documentaire ou pédagogique conduit souvent, du point de vue de la didactique, à une sorte de lissage des différents éléments. On parle d’exercice, d’explication, de manuel de référence, de grammaire, d’EAO… un peu comme si une des multiples formes possibles pour chacun de ces éléments valait toute autre. La didactique de la discipline ne peut avoir ce regard neutralisant. Elle va s’attacher, au-delà de la forme extérieure ou de la première catégorisation, à examiner les positions théoriques sous-jacentes explicites ou implicites et s’interroger sur l’adéquation et la cohérence scientifique de l’ensemble proposé. On ne cherchera pas alors uniquement et pas d’abord un vidéodisque ou un exercice d’EAO.
Il faut noter qu’en langues et en linguistique, plus encore que dans d’autres domaines, des théories, des approches et des écoles très différentes existent. Elles sont parfois antagonistes si on les observe attentivement. Or on remarque, ici encore, un effet particulier de l’introduction de la technologie. Des tenants de l’approche dite « communicative », par exemple, vont introduire pour une partie « exercices » des phrases hors contexte et hors situation, ce qui est a priori en contradiction avec leurs postulats de départ et correspond plutôt à une méthodologie structurale behavioriste. De telles distorsions peuvent régulièrement être relevées (voir Cécile Poussard [12] et Michèle Redon [14]).
La sélection de matériaux pédagogiques opérée ici a donc été sous-tendue par cette exigence scientifique et méthodologique. Certaines prises de position fondamentales ont orienté les choix ultérieurs : conception de ce qu’est une langue, de ce qu’il est utile d’apprendre en milieu institutionnel à l’âge adulte, conception de ce qu’est la grammaire – et plus encore de ce à quoi elle ne saurait se réduire, choix méthodologiques sur des activités de réflexion, sur le type de repères explicatifs de référence à fournir aux apprenants, etc. Des produits intéressants par certains aspects ont été écartés parce que non compatibles pour certaines de leurs approches avec d’autres produits retenus par ailleurs. Ce souci de cohérence n’empêche pas certains compromis inévitables. Il tente néanmoins de fournir une sélection ne risquant pas que les apprenants se heurtent à des présupposés contradictoires qu’ils ne peuvent être en mesure de démêler seuls. On choisit ici encore clairement de s’appuyer sur le métier d’un didacticien, lequel doit aider l’apprentissage.
Il n’y a pas de naïveté excessive dans la position adoptée. On sait bien que l’apprenant arrive avec ses conceptions préalables de ce que sont ou doivent être et l’objet de son apprentissage et la forme de ce dernier. Les préjugés du sens commun sont particulièrement abondants pour les langues et peuvent créer des obstacles importants. On connaît également l’écart important entre input et intake et les distorsions qui s’introduisent lors de la construction des systèmes intermédiaires de l’apprenant. On essaie néanmoins de ne pas ajouter de confusions inutiles par une non-cohérence de l’ensemble support.
Je terminerai sur ce point en soulignant qu’il m’a toujours semblé important de privilégier les méthodologies et les approches qui sont les mieux à même de favoriser une autonomie cognitive de l’apprenant de langue. Le psittacisme, la mémorisation d’éléments non corrélés entre eux, de règles rigides cloisonnées, à exceptions multiples, me paraissent relever d’un type de modèle autoritaire et arbitraire qu’il faut essayer d’écarter. Un certain type de guidage me paraît infiniment plus libéral, respectueux des capacités de l’apprenant et susceptible de le conduire à l’autonomie que des formes de vide explicatif qui conduisent à la perpétuation d’un sentiment d’arbitraire face à l’objet (il n’y a rien à comprendre, c’est « comme ça » dans cette langue) ou de repères scientifiquement inadéquats ou peu opérationnels pour l’apprentissage (règles de grammaire chomskyenne directement importées en pédagogie, par exemple). Je crois à cet “armement conceptuel” dont parle Danielle Bailly [2]. Il n’existe pas de méthode infaillible valable pour tous. Une prise en compte scientifique des éléments proposés peut néanmoins permettre d’éviter de bloquer inutilement certaines acquisitions, et donc de provoquer des appels à l’aide non nécessaires vers un enseignant. La mise en avant de la didactique pour la constitution du fonds de ressources vise à permettre la plus grande indépendance de l’apprenant dans son travail individuel ici.
6. Rôle des nouvelles technologies
Les didacticiels sont le cœur des ressources pédagogiques, didacticiels plutôt que logiciels au sens plus large. C’est, en effet, le scénario pédagogique qui a d’abord été retenu de préférence à des produits de type base de données, par exemple, n’offrant pas de proposition pédagogique à un apprenant qui doit se débrouiller seul à partir du matériau brut ou bien travailler sur un projet élaboré et/ou contrôlé par un enseignant (dossier à constituer sur un thème avant un exposé en groupe, etc.). Ici chacun choisit son produit et il n’y a ni reprise, ni contrôle (cf. ci-dessous). Quelques produits non pédagogiques sont proposés marginalement pour un « bain de langue » mais ils sont indiqués dans cet esprit dans le descriptif distribué. Les didacticiels (une quinzaine de titres au total, pouvant correspondre à une ou plusieurs dizaines d’heures de travail) sont aussi bien des cours de grammaire rédigés par mon équipe, que des exercices variés, des produits permettant une exploration d’un texte littéraire, ou combinant vidéo et EAO… Ils permettent à chacun de travailler à son rythme sur une séquence pédagogique complète (le choix a été fait en ce sens). Beaucoup introduisent des sollicitations nombreuses de l’apprenant et proposent des aides diversifiées et des commentaires adaptés aux réponses fournies. Ce sont, en tout cas, des caractéristiques qui ont été recherchées. L’interactivité telle qu’on l’entend aujourd’hui (convivialité, docilité devant les requêtes de l’utilisateur…) était un atout mais l’interactivité intentionnelle (à distinguer de la première purement fonctionnelle, pour reprendre les termes de Eric Barchechatch et Serge Pouts-Lajus [3]) était ici également pertinente. C’est cette interactivité de l’EAO qui permet de laisser l’apprenant « seul », et donc seul maître à bord, (n’ayant pas besoin de faire appel à un enseignant pour compléter, expliquer…), tout en proposant un scénario pédagogique facilitateur et motivant (le parti-pris didactique évoqué ci-dessus).
L’atout spécifique d’un tel EAO semble s’être dégagé lors de l’expérimentation. Sur les 25 étudiants d’un groupe étudié (1ère année d’IUP d’environnement, Institut Universitaire Professionnalisé, recrutant à un niveau Bac + 1, conduisant en 3 ans à un diplôme d’ingénieur-maître) on constate que 18 ont utilisé un produit qui combinait EAO et vidéo (produit DV dans l’annexe) dont 4 pendant une dizaine d’heures ou plus. Ce chiffre est élevé comparé à l’utilisation des vidéos sans support informatique qui complétaient le fonds de ressources, surtout lorsqu’on constate qu’un seul exemplaire était disponible et que la vidéo servant de base au didacticiel n’était ni la plus « moderne » ni la plus accessible de par son niveau. Ce produit était installé dans l’espace vidéo et non avec les autres didacticiels dans la salle ordinateurs. Sa spécificité par rapport aux autres vidéos pédagogiques à utiliser sur un support uniquement vidéo avec des manuels pour trouver les questions et les corrections, semble néanmoins avoir été perçue. Certains étudiants faisaient parfois une confusion et parlaient d’un “ordinateur” pour les postes vidéo. Malgré ce flou, il apparaît bien que le plus lié à l’interactivité d’un didacticiel a été ressenti. A qualité vidéo égale (en termes de réalisme de la mise en situation, d’aspect motivant du scénario…) le didacticiel l’a emporté sur les bandes vidéo d’auto-apprentissage. Les produits de « grammaire » (présentés sous une rubrique « structure de la langue – écrit uniquement ») qui présentaient la plus forte interactivité en termes de sollicitations et de commentaires (G1 et G2 dans l’annexe) ont été également massivement utilisés : 22 étudiants sur 25 leur ont consacré plus de 7 heures et on a un total de près de 300 heures d’utilisation, presque le tiers du nombre total d’heures (40 heures par étudiant, 25 étudiants).
EAO et autres matériaux permettant un travail totalement individuel ont donc été mis en avant tant pour leur intérêt pédagogique que pour leur pertinence pour l’esprit même du dispositif. Je remarquerai ici que la génération actuelle de produits proposés si elle marque des avancées indéniables en termes d’utilisation de la couleur, du son, de l’image, de facilité de circulation dans le produit n’est pas toujours, et de loin, la plus riche pour d’autres aspects : sollicitations nombreuses de l’apprenant, fourniture de messages construits par ce dernier, plutôt que de simples clics de souris (qui aboutissent parfois à des formes modernisées de choix multiple systématiques). Je serai la dernière à regretter l’époque de l’enseignement programmé et du behaviorisme qui étourdissait l’apprenant de mémorisation d’étiquettes et de comportements stéréotypés. On ne peut néanmoins s’empêcher de souligner que les « programmeurs » behavioristes s’attachaient sans relâche à susciter chez l’apprenant une activité correspondant aux objectifs recherchés (les fameux comportements observables). On devait « produire » quelque chose à chaque frame d’un cours skinnérien. Aujourd’hui on clique de ci de là dans une liberté de navigation souvent très motivante, mais qui peut limiter la production de l’utilisateur à un choix du document à consulter. Comme souvent, l’avancée technologique laisse en chemin des aspects positifs de générations précédentes d’outils aux dépens de sophistications plus spectaculaires.
7. Les entretiens individuels – principe retenu
Chaque étudiant est reçu individuellement avant de commencer à travailler puis à intervalles réguliers. Ces entretiens ont été prévus comme un contrepoint important au travail individuel et présentent une certaine spécificité. On retrouve l’enseignant « facilitateur » souvent évoqué pour les dispositifs de ce type. Il s’agit plutôt d’ailleurs d’un rôle de révélateur, et de renforcement des démarches. Le rôle de socialisation dans le contact avec un membre de l’institution est également important. L’interlocuteur a été très clairement présenté comme un enseignant « de plein droit », comme un ou même le responsable pédagogique du dispositif (j’ai moi-même assuré ces entretiens pour le groupe étudié plus en détail). On ne propose pas à l’apprenant une simple personne-ressource, attachée au lieu-ressource et au statut d’enseignant de la discipline peu clair et pas toujours affiché (il existe des cas où des enseignants de langue assurent des formes d’entretiens individuels mais sans se présenter à l’apprenant dans ce statut, ailleurs un enseignant d’une discipline, d’une langue, conseillera aussi bien pour une autre). Tous les entretiens de l’année sont assurés par la même personne pour un étudiant donné. Il n’y a délibérément pas de moniteurs ni de permanences enseignantes. La personne qui fait l’accueil et l’administration n’est en aucun cas apte à donner des conseils ou des aides pédagogiques et a pour consigne de le refuser. L’enseignant vu individuellement est présenté comme le repère principal. Ici encore le point de vue didactique de cohérence des interventions a primé en conjonction avec le désir de laisser l’initiative aux étudiants face aux matériaux. Il n’a pas paru souhaitable de multiplier les aides institutionnelles intermédiaires (il conviendrait d’examiner d’éventuelles procédures d’aide par les pairs).
Les entretiens ont été conçus comme une mise à disposition de l’enseignant. Ils commencent systématiquement par une question demandant à l’étudiant quelle(s) langue(s) il veut voir utilisée(s). Pour le groupe de 25 observé, on obtient les relevés suivants.
π Premier entretien en octobre, avant tout travail individuel.
• entretien entièrement en anglais 10 étudiants (40 %)
• enseignant en anglais, étudiant en français passant ensuite à l’anglais 4 étudiants (16 %)
• enseignant en anglais, étudiant en français 9 étudiants (36 %)
• entretien entièrement en français 2 étudiants (8 %)
π Second entretien en janvier.
• entretien entièrement en anglais 12 étudiants (48 %)
• enseignant en anglais, étudiant parlant anglais et français alternativement 7 étudiants (28 %)
• enseignant en anglais, étudiant en français 6 étudiants (24 %)
π Dernier entretien en avril.
• entretien entièrement en anglais 20 étudiants (80 %)
• étudiant en anglais avec un peu de français 3 étudiants (12 %)
• étudiant en français avec au plus quelques bribes d’anglais 2 étudiants (8 %)
On voit qu’en début d’année 60 % s’appuient sur le français, au moins partiellement, alors qu’en fin d’année 80 % échangent entièrement en anglais. L’une des deux étudiantes restant en français est d’un bon niveau (note finale 15, examen oral final 15). Il s’agit donc apparemment plutôt d’un choix que d’une incapacité à parler anglais. Et il n’est pas dans la philosophie retenue ici de « forcer » à une conversation en anglais pour ces entretiens.
La seconde question est ensuite de la forme “Avez-vous une ou plusieurs questions à poser, une ou des remarques que vous souhaitez faire ?”. Il s’agit donc là encore de donner l’initiative à l’étudiant. On recherche un temps d’écoute et de disponibilité pour toute demande ou remarque plutôt qu’un contrôle, des prescriptions, des remarques évaluatives ou des injonctions. L’idée est d’éviter de prendre la parole pour expliquer ceci ou cela à un étudiant qui n’aurait pas d’abord choisi de discuter ce point. Il s’agit d’essayer d’attendre les remarques ou les demandes, y compris en laissant un temps de silence, de latence après la question posée par l’enseignant (voir aussi 15).
Par ailleurs, on a évité dans toute la mesure du possible, que la personne assurant les entretiens individuels ait également des tâches de correction, de notation, ou même d’animation des séances d’expression orale en petit groupe. L’idée était de la poser comme un repère relativement neutralisé par rapport aux autres moments d’encadrement pédagogique (EAO ou petit groupe) ou d’évaluation. La répartition idéale serait ici une personne pour les entretiens individuels, une autre pour la notation (un seul et même « évaluateur » pour l’ensemble d’un groupe sur l’année), et plusieurs autres pour les différentes séances en petit groupe. Les contraintes d’organisation ont conduit aux aménagements nécessaires.
8. Définition des objectifs et pédagogie du contrat
La littérature sur l’autoformation en milieu institutionnel ou sur les apprentissages autonomes ou auto-dirigés (voir Philippe Carré [4], chapitres IV et V ou Bernard André [1], par exemple) indique de façon récurrente la négociation d’un contrat avec l’apprenant, contrat dans lequel sont indiqués des objectifs assignés à l’apprentissage. Cette terminologie et ce mode d’approche n’ont pas été retenus ici sous leur forme habituelle pour plusieurs raisons.
Autant il me semble clair qu’en milieu institutionnel on peut poser la technicité de la compétence didactique et pédagogique des intervenants comme un prérequis de celui dont la tâche est d’aider les autres à apprendre, autant il me semble peu évident de vouloir faire passer l’apprenant par une technicité de type PPO, définition d’objectifs… Expliciter ses objectifs suivant les normes établies par telle ou telle approche est un exercice déjà extraordinairement difficile pour des enseignants « classiques » qui voient, en général, bien mal de prime abord de quoi il s’agit (on peut d’ailleurs le regretter). Demander un tel exercice à des apprenants m’a semblé un détour mal venu, une manière de forcer l’apprenant à venir sur le territoire du spécialiste plutôt que de le laisser fonctionner à partir de ses propres repères, et les faire évoluer de lui-même, à sa propre initiative. Je réagis, à ce niveau, de manière similaire pour les démarches propédeutiques, le « apprendre à apprendre » préliminaire, l’établissement de liste d’objectifs ou la passation, plus ou moins solennisée, d’un contrat.
Il m’a semblé qu’il fallait d’abord et avant tout motiver les apprenants en leur montrant qu’ils pouvaient mieux apprendre dans un cadre où ils avaient plus de liberté et d’initiative. Les démarches qui correspondent à un cadre conceptuel de référence qui est celui du spécialiste et non de l’apprenant me semblent à manier avec prudence. Il faut savoir justement prendre le détour pédagogique et didactique nécessaire pour les installer ultérieurement si on les considère comme importantes. Tenter de plaquer des méthodologies sans réalité pour l’apprentissage immédiat conduit le plus souvent à l’échec (c’est ce que remarque Harvey Moulden [10], par exemple, pour l’apprentissage d’un travail « autonome »). Des étudiants qui ont une liste de matériaux pédagogiques précisant lesquels portent uniquement sur l’écrit, lesquels incluent de la vidéo… seront à même de fonctionner d’emblée et d’orienter utilement leur travail à partir de catégories simples, compréhension et expression, écrit et oral… (Bien évidemment je ne me permettrais pas ici de généraliser à d’autres disciplines.) L’idéal serait de disposer de matériaux pédagogiques utilisables individuellement, et quand chacun le souhaite, s’il le souhaite, pour des aspects méthodologiques du type « qu’est-ce qu’une langue ? qu’est-ce qu’apprendre une langue étrangère ? comment se poser des questions sur l’organisation d’un travail individualisé, etc. ? »
Par ailleurs, si l’on observe la terminologie et les concepts qui accompagnent le couple « objectifs – contrat négocié avec l’enseignant », on trouve régulièrement des termes comme « vérifier », « contrôler », « rendre compte ». Ce carcan, certes négocié, m’a semblé aller à l’encontre de l’esprit recherché. Pourquoi risquer de mettre l’apprenant en situation de ne pas « respecter son contrat » et donc créer un malaise inhibant ? On voudrait plutôt qu’il découvre au fil des séances de travail, ce qui lui convient le mieux et puisse à tout moment décider d’une réorientation. Pourquoi demander à quelqu’un de dire à l’avance ce sur quoi il s’engage à travailler ? On peut avoir envie de changer d’activité, sentir telle semaine le besoin de se relaxer en passant deux heures sur un film plutôt que sur des exercices demandant plus de concentration. Est-ce que cela ne sera pas plus profitable que de se forcer à suivre un plan prévu à l’avance ? L’idée de base était ici que l’apprenant sache que nul ne lui fera reproche de son choix ni même ne lui demandera de le justifier par rapport à un plan d’origine ou à un cheminement qui se devrait de se présenter comme cohérent par rapport à une norme extérieure.
Il me semble que l’on retrouve trop souvent trace de cette persistante inquiétude du corps enseignant déjà évoquée. On veut “voir, à partir de toutes les fiches de l’apprenant (…) le chemin parcouru (…) et vérifier qu’il ne perd pas de vue ses objectifs pour partir à la dérive. Voir s’il garde des traces de ses activités et contrôle ses progrès” (H. Moulden [10]). Mon attitude a été, en certains points en tout cas, beaucoup plus détendue. J’ai refusé de m’épuiser à ce suivi inlassable et il m’a semblé que si le fonds de matériaux était valable didactiquement et pédagogiquement, la liberté de choix sans jugement de la part de celui qui vous « suit », était beaucoup plus importante pour stimuler les démarches souhaitées que le risque encouru à demander de rendre compte des choix opérés. Les entretiens individuels ont régulièrement servi à rassurer ceux qui s’inquiétaient d’avoir passé trop de temps sur telle activité (cas le plus courant) ou pas assez sur une autre et pas à relever des démarches décrétées incorrectes ou non conformes. On s’est, au plus, risqué à interroger sur tel ou tel point, à relever tel parcours (“je vois que vous avez fait x chapitres en x heures… ”), on n’a pas insisté si l’étudiant ne voulait pas aller plus avant. Bien sûr, on connaît le risque de « papillonnage » d’un produit à un autre ; l’institution est là, et il y a des points de contrôle (cf. 9) ; beaucoup d’étudiants sont mal formés à travailler « seuls », prendre des notes… (Sur ce dernier point, on a retenu surtout des produits avec des documents d’accompagnement, par exemple, pour minimiser le risque de prises de notes inadéquates.) On ne vise qu’à chercher un équilibre qui facilite au mieux le travail du plus grand nombre et qui puisse aller vers ce changement qualitatif lié à l’autoformation.
C’est en tout cas avec un soulagement réel que je me suis trouvée dans les entretiens individuels dans la position répétée de souligner tout ce qui était positif, d’encourager sans cesse plutôt que de toujours « corriger » ou « vérifier ». Cette inversion des perspectives habituelles est extraordinairement positive. Se retrouver du côté de l’apprenant face à la ressource pédagogique extérieure à tous deux est une situation que l’on peut créer lorsque l’on encadre « classiquement » une séance d’EAO et que l’on discute individuellement avec un apprenant du contenu de l’échange avec l’ordinateur. J’ai essayé de garder cette approche dans un cadre structurel plus « innovant ».
L’institution est ici souvent contraignante. Pour notre groupe d’IUP les étudiants devaient faire de l’anglais, et avoir la moyenne au module « langues » pour passer dans l’année supérieure. Il fallait proposer un contrôle continu et donc des notes étalées sur l’année. La contradiction éventuelle avec l’esprit recherché a été gérée en posant bien la contrainte de notation comme extérieure, ce qu’elle était. La forme des contrôles était heureusement laissée à notre initiative, on minimisait donc le risque de déstabilisation. Cette contrainte de notation à intervalles réguliers et d’examen a finalement permis de structurer le dispositif, dans une sorte de contrepoint au non-contrôle opéré ailleurs. On a posé que les contrôles et les notes répondaient aux normes extérieures servant à évaluer le niveau d’un étudiant d’un certain type de cursus, passage obligé inévitable dans un milieu institutionnel.
On a donc proposé deux types d’ancrage et de retour par rapport au travail individuel central au dispositif : des entretiens individuels non directifs et non prescriptifs, sans objectifs précisément déclinés et une notation relativement rigide et conforme aux normes extérieures. On a dissocié la notation, représentant cet « extérieur » et la fonction de suivi, de guidage individuel. Pas de contrat donc mais la contrainte de devoir se confronter à une notation standard et des entretiens individuels imposés quant au moment, mais au contenu « ouvert ». On a joué sur les espaces de liberté, les contraintes et les guidages à différents niveaux que l’on peut rapprocher des niveaux de contrôle pédagogique, psychologique et social habituellement répertoriés (cf. P. Carré [4], chapitre IV).
10. Socialisation, regroupements, travail à l’université
Les étudiants reçus à ce jour étaient quasiment tous membres d’un groupe constitué par ailleurs. Ceci a permis de ne pas devoir chercher à créer une communauté apprenante par des moyens spécifiques. On a donc proposé des formes de socialisation par le travail d’expression orale en petits groupes (petits groupes variant d’une séance à l’autre par définition, puisque chacun choisit un ou plusieurs thèmes parmi plusieurs propositions et que les regroupements se font sur cette base, chaque séance étant indépendante des autres). Le fait de devoir venir travailler à l’université dans le lieu affecté au dispositif d’anglais créait également ce lien important : contact avec la personne prenant les réservations, travail à côté d’autres étudiants… (Il n’était de toute manière pas matériellement envisageable de prêter des matériaux à domicile.)
J’essaierai maintenant de relever quelques aspects pertinents liés aux expérimentations et plus particulièrement au travail avec le groupe d’étudiants d’IUP (voir [6] pour plus de détails).
11. Appréciation globale en fin d’année, demandes pour l’année suivante
La première question de l’enquête de fin d’année (remplie par tous) portait sur “Votre impression générale sur votre travail en anglais avec nous”. Les réponses se répartissent comme suit : très positive 20 % ; plutôt positive 68 % ; moyenne 12 % ; plutôt négative 0 ; négative 0.
Une autre question était “Souhaitez-vous continuer à travailler en autoformation l’an prochain ?”. On obtient les résultats suivants : absolument 60 % ; oui si possible 36 % ; indifférent 4 % ; non 0.
12. Rythme de travail des étudiants
Il avait été demandé de faire 40 heures de travail individuel avant la fin des cours, ce qui correspond à 2 heures par semaine sur 20 semaines. On trouvera ci-après un tableau indiquant la répartition des heures par étudiant (chaque étudiant est identifié par ses initiales). La date de début a été influencée par des problèmes d’organisation matérielle.
Travail individuel – Répartition
Nom | date 1ère séance | date dernière séance | heures au 1.1 | heures au 26.2 | heures au 1.5 | Nombre total d’heures |
CAL | 28.10 | 2.06 | 10 | 23 | 34 | 42 |
FA | 3.11 | 28.04 | 13,5 | 30 | 44 | 44 |
CAR | 26.10 | 3.04 | 14 | 29 | 40,5 | 40,5 |
MA | 2.11 | 1.06 | 10,5 | 23,5 | 30 | 40,5 |
MEB | 3.11 | 29.03 | 13,5 | 32,5 | 41 | 41 |
BB | 28.10 | 25.05 | 11 | 23,5 | 37,5 | 42 |
XC | 16.11 | 27.05 | 10 | 15,5 | 26,5 | 40 |
Nom | date 1ère séance | date dernière séance | heures au 1.1 | heures au 26.2 | heures au 1.5 | Nombre total d’heures |
NC | 9.11 | 17.06 | 7 | 17,5 | 25,5 | 40 |
VF | 2.11 | 2.05 | 11 | 25,5 | 39 | 41 |
EF | 3.11 | 5.05 | 14 | 28 | 38 | 40 |
GG | 27.10 | 19.05 | 10 | 22,5 | 32 | 40 |
SG | 26.10 | 16.05 | 15,5 | 33 | 43,5 | 45 |
SL | 27.10 | 7.04 | 11 | 29,5 | 45 | 45 |
CM | 2.11 | 1.06 | 10 | 23 | 34,5 | 43 |
JM | 2.11 | 16.05 | 11,5 | 24,5 | 39 | 40,5 |
VN | 15.11 | 3.06 | 9 | 18 | 25 | 40 |
CN | 27.10 | 6.04 | 12 | 32 | 43 | 43 |
DP | 15.11 | 17.05 | 8 | 28 | 36 | 40 |
VP | 26.10 | 25.05 | 14 | 28,5 | 36 | 42 |
CP | 2.11 | 9.05 | 5 | 22,5 | 35,5 | 40,5 |
SR | 2.11 | 16.05 | 13 | 27,5 | 33,5 | 40 |
NS | 26.10 | 29.03 | 18 | 33,5 | 44 | 44 |
CT | 3.11 | 11.05 | 13 | 28 | 42,5 | 43,5 |
MT | 3.11 | 11.05 | 13 | 28,5 | 39,5 | 40,5 |
CV | 27.10 | 6.05 | 14 | 25 | 37 | 41 |
On voit pour la première séance un décalage de trois semaines. La date de la dernière séance s’échelonne sur plus de deux mois et demi. On trouve 6 étudiants (24 %) qui ont terminé en mars ou avril, alors que 5 (20 %) viennent encore en juin. Ceux qui ont travaillé le plus grand nombre d’heures sont aussi (pour 3 des 6) parmi ceux qui ont terminé le plus tôt. On semble voir apparaître un profil d’étudiant qui travaille assez intensément et assez vite et peut ainsi s’arrêter plus tôt (encore que les chiffres soient bien faibles pour que l’on puisse être très affirmatif).
Pour le nombre d’heures faites au 1er janvier, on voit qu’il va de 15,5 heures pour SG (qui atteindra 45 heures) à seulement 5 pour CP (qui terminera avec 40,5 heures). On constate également que sur la période de janvier et février (différence entre les heures faites au 26-2 et au 1-1) il y a de larges variations, CN et DP font 20 heures sur ces deux mois, soit la moitié du total demandé, par contre XC ne travaille que 5,5 heures soit près de 4 fois moins. On voit que 11 étudiants (44 %) travaillent plus de 15 heures sur ces deux mois.
On peut conclure que dans le cadre assez contraint qui était imposé les étudiants ont néanmoins développé des stratégies différentes et organisé leur planning de manière très différenciée. Le désir de liberté d’organisation s’est bien traduit par une organisation individualisée. La flexibilité de l’offre a permis une flexibilité réelle pour les utilisateurs. Ce point est important pour une réflexion sur l’autoformation.
13. Les produits utilisés – Des panachages cohérents
Comment les étudiants ont-ils réagi face aux matériaux proposés ? Quels produits ont-ils sélectionnés ? Est-ce que certains ont passé toutes leurs heures à regarder des films de cinéma (cela était envisageable) ? Se sont-ils précipités sur les films et les vidéos « authentiques » au détriment d’un travail plus « sérieux » ou rébarbatif sur l’écrit ou la grammaire ?
On trouvera en annexe le bilan des produits utilisés par les 25 étudiants. On peut relever un succès massif de la grammaire, à une extrémité, si l’on peut dire, et à l’autre, du cinéma. Tous les étudiants sauf un ont fait du travail grammatical. On constate également que tous sauf un ont visionné un film de cinéma avec sous-titres en anglais et livret explicatif. Les produits un peu « littéraires » ont intéressé également : 68 % d’étudiants ont utilisé le produit N2 basé sur l’exploration d’une page d’un roman. On voit donc se dessiner une grande variété de centres d’intérêt et des rejets, marginaux mais réels (il y a toujours un ou deux étudiants qui ne veulent pas de ce qui plaît aux autres). Ceci justifie la diversité des produits et la flexibilité. Les étudiants ont réparti leur travail entre les activités centrées sur l’écrit (produits du haut du tableau) et d’autres insistant plutôt sur l’aspect compréhension orale et mise en situation réaliste (vidéos du bas du tableau). Les panachages qu’ils ont réalisés semblent cohérents.
On constate que tous ont travaillé sur un nombre de titres assez important. On obtient le relevé suivant.
• utilisation de 5 à 7 produits différents 7 étudiants (28 %)
• utilisation de 8 à 10 produits différents 12 étudiants (48 %)
• utilisation de 11 à 13 produits différents 6 étudiants (24 %)
14. Quelques exemples de parcours
14.1 Un parcours centré sur les documents « authentiques » et le non-scolaire
C’est le cas de XC. Cet étudiant, d’un bon niveau (note finale 15,5), lisant régulièrement des magazines spécialisés correspondant à son sport favori montre un rejet très net de tout ce qui ressemble à du scolaire. Il a travaillé uniquement sur les films de cinéma, les journaux télévisés et le logiciel N3 qui relate un épisode véridique de la dernière guerre mondiale (l’apprenant navigue librement dans le déroulement de la poursuite du « Bismarck » et n’a pas à répondre à des exercices de type scolaire). On remarque que XC a essayé le produit combinant vidéo et EAO évoqué ci-dessus (cf. 6). Après une heure il n’a pas poursuivi. Il a déclaré lors d’un entretien individuel qu’il trouvait ce produit “vieux”. En effet, la vidéo a déjà plusieurs années, et certaines activités sont un peu « classiques ». Ces aspects mineurs, non relevés par la plupart des étudiants, ont ici fait un effet de barrage immédiat. Au premier entretien, XC avait exprimé un désir de grammaire et de lexique nouveau. Une fois mis en position d’utilisateur il est attiré par ce qui le met dans une situation « authentique ». Il indique, dans un des entretiens, qu’il est heureux d’apprendre de l’argot car il souhaite aller aux USA. Il se déclare ravi de travailler seul. Dans les entretiens on a attiré son attention sur deux produits (V4 et V5) qui associent des reportages télévisés à une pédagogisation plus fouillée que le produit VTV avec journal télévisé du jour même qu’il utilisait jusque-là. On voit qu’il réorientera ensuite un peu son travail (4 h 30 d’utilisation de V5). En fin d’année il déclare dans la feuille de commentaires, que ce qu’il a préféré, qui lui est apparu le plus positif est “- Choix des didacticiels (non imposés) : on travaille certainement mieux sur un support qui nous intéresse dès le départ. – Volonté ou non d’approfondir certains outils pédagogiques. – Liberté dans la façon de travailler très bénéfique pour progresser.” A la question “qu’est-ce qui vous a le plus gêné ou déplu ?”, il répond “rien de particulier.”
On a affaire à un étudiant qui s’exprime de manière aisée à l’oral, sa prononciation n’est pas à la hauteur de sa facilité d’expression. Aurait-il servi à grand-chose de lui imposer un travail plus contraignant, plus « pédagogique » ? Il reprend lui-même ce terme pour exprimer sa satisfaction de ne pas avoir été tenu de trop approfondir certains outils. De toute manière, dans un groupe il aurait été parmi les meilleurs et l’enseignant se serait plutôt concentré sur d’autres. Il a fallu se battre un peu avec lui pour qu’il fasse les 40 heures requises pour le contrôle continu (26 h 30 seulement effectuées au 1-5). Il déclare dans la feuille d’enquête “certainement formule mieux adaptée pour certains étudiants : travail très individualisé qui permet de se rendre compte très précisément de ses progrès ou non. En formation classique on peut se cacher dans la masse du groupe ! Parle qui veut !”. Il a amélioré ses notes : au premier partiel il avait peu préparé, s’attendant à un essai libre uniquement et avait obtenu une note de 11,5 seulement pour passer à 17 au second partiel et 14,5 au dernier examen.
14.2 Un parcours centré sur le travail écrit
A un autre extrême se situe EF. Elle obtient la même note finale que XC, 15,5. Par contre, elle a beaucoup plus progressé que lui pour l’oral (elle est parmi les 3 étudiants très faibles au test de début et a nettement progressé en fin d’année). Et pourtant, elle a consacré une part très importante de son travail à l’écrit : 18 heures de didacticiels de grammaire, 6 heures de reconstitution de texte, 3 heures d’exercice de traduction. Elle a ajouté 8 heures sur des logiciels avec son mais à partir de textes écrits (ou accompagnés d’écrit pour N3). Elle a regardé un seul film de cinéma, mais là encore en profondeur (3 heures d’utilisation). Et elle a exploré le produit vidéo + EAO pendant 2 heures. Les journaux télévisés ne l’ont pas séduite. On a une étudiante faible en début d’année (oral et écrit). Aux deux premiers entretiens elle parle français, elle ne se risque à l’anglais qu’au dernier. Elle explique à l’entretien de janvier, qu’elle va revoir le film visionné une première fois en écoutant bien et qu’elle veut continuer grammaire et thème. Elle dit “ça va mieux, j’ai senti avec [N1] que ça vient doucement, les mots viennent dans le bon ordre. Il y a des petits trucs, dans [D1], des phrases entières, que j’ai compris.”
Au dernier entretien elle dit que les didacticiels de grammaire sont ce qu’elle a préféré. Elle a été gênée de ne pas pouvoir assez parler dans les séances de groupe mais elle a l’impression que de toute manière elle a parlé plus que dans un groupe classique où on écoute l’enseignant. Elle s’inquiète d’avoir montré peu de variété dans le choix de ses produits (on lui dit, bien sûr, que cela ne pose aucun problème). Au printemps, EF obtient 18 au second partiel (avec pas mal d’écrit), 12 à un travail oral (cassette enregistrée), 14,5 à l’examen final. Dans l’enquête préliminaire, elle déclarait “J’aimerais avoir des cours plus « rentables », plus intéressants pouvant me permettre de perdre mes lacunes. J’aimerais un enseignement nouveau, plus motivant, plus actuel, dynamique. Il est vrai que j’aimerais bénéficier d’un cours qui me permette de progresser par moi-même.”
Son appréciation de fin d’année est “très positive”. Elle commente ainsi : “Ce travail personnel permet d’insister largement sur des problèmes particuliers. Avec une obligation de 2 h par semaine au minimum, ce système est bien plus enrichissant qu’un autre cours où il arrive de passer beaucoup de temps sur des problèmes qui ne nous concernent pas spécialement. De plus avec un horaire libre il efface de nombreux problèmes d’emploi du temps.” A la question sur ce qui l’a le plus gênée ou lui a déplu, elle indique “honnêtement rien du tout”. Elle déclare avoir le sentiment d’avoir fait beaucoup de progrès en expression écrite et orale.
Il est intéressant de remarquer les nets progrès à l’oral d’une étudiante qui a choisi de se concentrer surtout sur les bases à l’écrit. Elle demande de la nouveauté, du dynamisme, de l’actuel dans ses remarques préliminaires et ensuite les trouve dans des matériaux se présentant comme de la grammaire ou des exercices pouvant paraître assez classiques à première vue. On voit ici une attirance pour la palette de produits faisant travailler l’écrit à partir d’un anglais « pédagogique » plutôt qu’authentique, qui sont donc tout à fait apparus comme « motivants ».
D’un côté, XC, qui arrive en début d’année avec une bonne capacité d’expression orale, pas de complexes et des a priori très nets face à certains types de matériaux, rejet du classique, du scolaire, désir de langue « authentique ». De l’autre une étudiante peu sûre d’elle à l’oral, qui est spontanément attirée par un travail de base méticuleux à l’écrit et qui investit son désir de nouveauté de manière elle aussi très personnelle mais bien différente. Tous deux ont profité du dispositif mais l’ont exploité de manière radicalement différente. Ils illustrent dans leur complémentarité son potentiel de flexibilité et d’adaptabilité.
14.3 Un parcours équilibré
On peut observer NC et la situer entre les deux pôles évoqués précédemment. Son parcours s’équilibre entre 16 h 15 de travail écrit de type grammatical ou traduction et une vingtaine d’heures de travail sur vidéo. Dans la partie médiane du tableau, elle a également retenu la navigation avec traduction dans le texte littéraire (N2) et le produit « annexe » sur le film des Beatles (D2). Par ailleurs, elle lit des romans en anglais, elle écoute des cassettes son et visionne des cassettes vidéo chez elle. On voit là un équilibre entre le travail de base écrit et un intérêt pour des documents « réels ». Il s’agit d’une étudiante ayant de sérieux problèmes de maîtrise des bases (grammaire surtout) qui s’attaque méthodiquement à son problème et progresse. Elle est, dans les entretiens individuels, parmi les rares étudiants qui se reprennent spontanément pour corriger une erreur d’anglais, par exemple. Elle obtient 15 à la cassette enregistrée de mai, 14 à l’examen final, mais sa note globale finale (12,5) reste freinée par des notes moyennes aux travaux écrits de début et milieu d’année.
15. Les entretiens individuels – expérimentation
Le principe a déjà été évoqué (cf. 7). On peut noter que très régulièrement les étudiants ont commencé par “I am happy”. Ces entretiens ont, surtout pour le premier, porté sur la sélection de produits. Cet aspect a été totalement abandonné par la suite pour certains qui ne semblaient avoir aucun problème de choix. La situation de cours particulier, si tentante pour l’enseignant dans des dispositifs de ce type n’a pas été recherchée et a été peu suscitée par les étudiants (quelques demandes à partir d’erreurs corrigées dans des travaux écrits). La mise au point méthodologique, la réflexion sur la méthode de travail se mettant en place a été encouragée quand elle était amorcée par l’étudiant mais pas recherchée à tout prix dans le contexte d’un premier et bref module de 50 heures. On a laissé certains faire leurs propres expériences. Ainsi une étudiante a expliqué à l’entretien de janvier qu’elle préférait regarder des vidéos au CNEAO et lire un ouvrage de grammaire chez elle plutôt que d’utiliser les didacticiels proposés. Quelques questions ont été posées pour mieux cerner ce projet, en faire peut-être apparaître les difficultés (tellement évidentes, mais on a voulu garder la neutralité posée en principe de départ). A l’entretien suivant en avril, l’étudiante a commencé par dire que travailler la grammaire seule chez elle était bien difficile. “Now, I know… ” (maintenant je sais). Il semble que notre position de neutralité a été justifiée par les faits. L’étudiante semblait vraiment avoir eu une prise de conscience de l’intérêt de s’appuyer sur des scénarios pédagogiques préparés pour elle plutôt que de se confronter à un ouvrage de référence tel qu’une grammaire. La discussion a pu embrayer sur divers moyens d’exploiter au mieux le temps de travail au CNEAO et chez soi.
Les entretiens individuels ont également été le lieu d’expression de réactions personnelles sur les apprentissages, l’enseignement, la vie en général… , réactions positives ou négatives, de satisfaction ou d’inquiétude. Des espaces d’échanges beaucoup plus naturels que ce qui se crée habituellement « en classe » se sont ouverts à plusieurs reprises. Ils vont au-delà de l’apprentissage des langues même s’ils sont très utiles de ce seul point de vue tant est grande la difficulté à approcher toute communication « authentique, naturelle » dans une formation en langue en milieu institutionnel. Une étudiante a même déclaré dans l’enquête de fin d’année que ce qu’elle avait préféré était “le dernier entretien qui s’est prolongé par un dialogue en anglais”.
Les étudiants déclarent avoir trouvé les entretiens individuels essentiels ou utiles à 88 %. Dans les commentaires ajoutés librement c’est l’expression “mise au point, faire le point” qui revient le plus souvent (40 %). On trouve également le terme de “bilan” (8 %). “Guidage” ou “conseils” sont évoqués par 20 %. Le versant négatif des “problèmes” est évoqué seulement par 12 %. Pour 20 % il est intéressant de pouvoir dialoguer en anglais. “C’est l’une des rares occasions que l’on a de dialoguer réellement en anglais” écrit une étudiante. On relève les formulations suivantes : “pour savoir si on a suivi la bonne démarche”, “pour sentir que l’on est tout de même suivi par une personne compétente en la matière”, “permettent de voir si la méthode de travail personnalisée était appropriée ou non”, “pour faire le point sur le travail effectué, l’orientation du travail à venir, la motivation, l’encouragement”, “pour s’assurer que notre façon de travailler convient”. On retrouve une concordance avec le projet de départ.
Des tests écrits et oraux ont été organisés avant le début de la formation. Les différents contrôles ont inclus également de l’oral et de l’écrit. A l’entrée le niveau d’ensemble est moyen (entre 8 et 12 sur 20), avec quelques bons éléments, surtout pour l’écrit, et quelques étudiants très faibles, surtout à l’oral. Les notes finales (incluant 30 % pour l’examen final, 30 % pour le second partiel et 20 % pour les deux meilleures notes aux autres travaux corrigés) montrent des résultats plus que corrects. Tous ont la moyenne sauf un. Près de la moitié (44 %) obtiennent 14 ou plus, et donc l’équivalent d’une mention « bien » ou « très bien » ; 16 étudiants (64 %) ont une note de 13 ou plus.
Si l’on observe les travaux écrits, on relève que plus de 52 % des étudiants obtiennent au moins une note sur les 4 égale à 15 ou plus. Seuls 40 % tombent au moins une fois en-dessous de la moyenne après avoir franchi le cap du premier travail écrit noté (pour lequel 64 % n’arrivaient pas à la note de 10). Dans son ensemble, le groupe s’arrache à une première performance médiocre pour finir à un niveau très correct. Pour l’oral, on est tout de suite frappé par des progrès encore plus nets qu’à l’écrit. Ces étudiants travaillant de manière individuelle, avec uniquement 8 heures sur 50 d’expression orale (et 3 entretiens individuels avec un enseignant) ont largement progressé à l’oral. On constate même pour 6 d’entre eux une progression de 5 à 7 points. On ne saurait dire que le travail face à une « machine » pendant les 4/5 de la formation a empêché la progression du savoir-faire oral, bien au contraire. On retrouve apparemment des phénomènes qu’avaient relevé des enseignants utilisant ailleurs nos didacticiels : un travail individualisé, avec une interactivité EAO riche, permettant de remettre en place les bases, produit des effets favorables sur la performance orale. Seuls deux étudiants n’ont aucune progression égale ou supérieure à 3 points et il s’agit d’étudiants obtenant des notes de 13 et 15 au départ, leur laissant peu de marge d’amélioration.
17. Commentaires des étudiants
Dans les commentaires libres de fin d’année, on relève que sont surtout considérés comme positifs l’autonomie, la liberté, la responsabilité (44 %), la diversité des matériaux et des activités (32 %), les possibilités d’amélioration de la compréhension orale (28 %), la flexibilité des horaires (20 %). D’autres remarques insistent sur l’intérêt des séances de groupe (12 %) ou de tel ou tel didacticiel ou produit pédagogique. Voici quelques extraits (c’est moi qui ai mis en gras).
“Une très bonne expérience qui permet aux étudiants de tous niveaux de pouvoir progresser et être conscients de l’évolution de ses progrès. La présence des professeurs permettait une sécurité en cas de problème. J’ai apprécié leur disponibilité (…) leur capacité d’écoute. [Le plus positif a été] l’indépendance, la confiance qu’on nous a accordée et qui s’est avérée très motivante. Je me sentais responsable de mes progrès.”
“Ce que j’apprécie particulièrement avec le CNEAO, c’est l’aspect interactif. Tout le matériel disponible constitue la base d’exploration de la langue anglaise. A charge à l’élève de composer son propre programme selon ses besoins et ses envies : ce système oblige au dynamisme et à la créativité.”
“Le système de l’autoformation est à poursuivre. Pour des élèves ayant des difficultés en anglais, comme c’est le cas pour moi, il permet d’une part de s’attarder plus largement sur les points difficiles et d’autre part d’avancer à son propre rythme. C’est également une nouvelle façon d’aborder les langues, moins scolaire. La méthode didactique permet de s’organiser son propre emploi du temps et de varier les activités quand certaines paraissent moins intéressantes. Alors que pendant l’enseignement classique, en groupe, on « subit » une grande partie du cours, en autoformation l’étudiant est actif pendant toute l’heure qu’il passe devant son écran. [Le plus positif a été] le fait justement de devoir être assidu pendant toute la durée de la séance. Il est agréable de travailler une langue par nos centres d’intérêt : le cinéma, l’information, le voyage. C’est une approche plus directe, plus sociale.”
“J’ai préféré pouvoir travailler de façon autonome et à mon rythme. Je prenais entièrement la responsabilité de la qualité de mon enseignement.”
“Le concept de l’autoformation en anglais est plus stimulant que 2 heures de cours d’anglais obligatoires par semaine. La « contrainte » est moindre. Je pense que cette formule est plus enrichissante que les cours « classiques »”.
On retrouve les avantages connus de l’EAO. Mais il est surtout intéressant de noter que ce qui revient le plus souvent relève de ce qui était à l’origine même du dispositif : liberté de choix des activités et prise de responsabilité. On constate un réel changement qualitatif dans les réactions par rapport aux expérimentations précédentes de didacticiels à l’intérieur de dispositifs restant par ailleurs classiques dans leur organisation. Un pas semble avoir été franchi, et mener au-delà de l’individualisation (vers la responsabilisation, et l’autoformation ?). Il est intéressant de faire un rapprochement.
18. Pas de demandes d’aide à propos du travail individuel. Pourquoi ?
Les étudiants ne sont pas venus trouver les enseignants pour exposer un problème rencontré, bien qu’il ait été dit et répété que cela était possible. La question suivante a donc été posée dans l’enquête de fin d’année. “Vous aviez la possibilité de venir nous consulter en cas de difficulté, vous ne l’avez pas fait.
Pourquoi ? (Cochez une ou plusieurs fois)
• vous vouliez vous en sortir « seul(e) » (20%)
• pas de temps (12%)
• c’était compliqué à organiser (8%)
• vous avez l’impression d’avoir pu comprendre vos problèmes vous-même (56%)
• vous avez préféré continuer à avancer (16%)
• vous auriez eu l’impression de « déranger » (8%)
• autres raisons. Lesquelles ?
pas de problèmes (20%)
le tutorat était suffisant (12%)”
Les pourcentages correspondant aux réponses sont indiqués entre parenthèses. Ces résultats vont, eux aussi, dans le sens d’une démarche de prise en charge, même s’il faut les nuancer, et, par exemple, ne pas oublier que pour 28% des étudiants les remarques sur ce qui a été perçu comme gênant relèvent de l’absence de réponse immédiate ou de la solitude (mais 24% indiquent explicitement que “rien” ne les a gênés ou ne remplissent pas la rubrique).
19. Est-il gênant de ne pas pouvoir se situer par rapport aux autres ?
Un étudiant ayant exprimé sa gêne sur ce point, nous l’avons abordé dans l’enquête de fin d’année. On obtient le résultat suivant.
“Un étudiant s’est senti gêné de ne pas pouvoir se comparer aux autres étudiants comme dans un groupe, avez-vous eu l’impression de manquer de repères comme lui ?
pas du tout 20 étudiants 80 %
de temps en temps 3 étudiants 12 %
oui tout à fait 2 étudiants 8 %”
En explication, 28 % des étudiants disent qu’il n’y a pas besoin de se comparer aux autres, ou que cela n’aurait rien changé, 40 % mentionnent qu’il y avait des moyens de comparaison ou d’évaluation (exercices, entretiens, notes, séances de groupe). Voici quelques formulations. “Je travaille pour moi-même et j’ai mes propres repères”. “D’abord on n’a pas à se comparer aux autres. Notre parcours est personnel. Mais on avait la possibilité de le faire si on le désirait lors des résultats de partiels ou bien lors des séances de groupe.” “C’est en quelque sorte stimulant de savoir où l’on se situe. Surtout lorsque l’on est faible, ça pousse à faire des progrès. Mais le plus important c’est de faire des progrès par rapport à soi-même.” “Je préfère travailler toute seule. Les séances en groupe toutes les 3 semaines suffisent.” “L’étude d’une langue est un travail autonome, c’est par rapport à soi que l’on fait des progrès non par rapport aux autres.” “Je m’informais de ce que faisaient les autres étudiants. – On pouvait discuter pendant le tutorat. – Il y avait quand même des séances de groupe.” “Se comparer aux autres étudiants me paraît être une réaction scolaire. Si l’on apprend une langue, nous le faisons pour nous-mêmes. La comparaison est inutile ; dans un pays étranger chacun se débrouille selon ses connaissances. S’être comparé aux autres auparavant n’aurait rien changé.”
Les étudiants n’ont pas une réaction « scolaire », l’important n’est pas d’obtenir la moyenne par rapport à l’ensemble du groupe pour passer en année supérieure mais d’améliorer ses connaissances. L’anglais va bien se prêter à des parcours individuels correspondant à des niveaux hétérogènes.
20. Que conclure ? Où situer l’autonomie et l’autoformation ?
Les premiers résultats évoqués ici sont encourageants en termes purement institutionnels. A un moment où l’on explicite partout la nécessité d’un enseignement supérieur flexible ou “sur mesure” (voir Maryse Quéré [13]), on perçoit des pistes à suivre.
Le problème à l’université est de ne pas chercher d’illusoires prises de pouvoir apprenantes, de ne pas croire à des autonomies que l’on ne saurait atteindre. Mais il est tout autant de savoir favoriser une réelle prise de responsabilité, là où elle est à la fois socialement indispensable et concrètement rentable en termes de résultats (sans être trop dispendieuse).
L’autoformation, cette galaxie, cette nébuleuse en clair-obscur entre les régimes diurne et nocturne, peut favoriser des braconnages méthodologiques fructueux pour reprendre des termes couramment utilisés (cf. [7]). Parlera-t-on pour autant d’autoformation et d’autonomie pour un dispositif tel que celui décrit ici ? Je ne souhaite pas trancher. Il convient avant tout de savoir opérer les déconstructions de modèles et les changements qualitatifs nécessaires pour sortir de certaines rigidités aujourd’hui de moins en moins supportables. Il faut le faire en allant au-delà d’étiquettes plaquées sur des systèmes fondamentalement non modifiés et ne pas négliger des paramètres importants. J’ai essayé de montrer le poids du paramètre didactique, les atouts spécifiques des NTF, et de cerner un moyen, parmi d’autres, de faire se rencontrer didactique, NTF, ingénierie de formation et sciences de l’éducation autour de l’idée d’autoformation.
[1] ANDRÉ, B. (sélection et présentation de) (1989) : Autonomie et enseignement/apprentissage des langues étrangères, Paris : Didier – Hatier.
[2] BAILLY, D. (1984) : « L’accès à l’autonomie dans l’appropriation d’une langue », in Cahiers Pédagogiques, n° 228, article repris dans [1].
[3] BARCHECHATH, E. (1984) : Le design des didacticiels, Paris : ACL – Editions.
[4] CARRÉ, P. (1992) : L’autoformation dans la formation professionnelle, Paris : La documentation française.
[5] DEMAIZIÈRE, F., C. DUBUISSON et O. BLANVILLAIN (1992) : De l’EAO aux NTF – Utiliser l’ordinateur pour la formation, Paris : Ophrys.
[6] DEMAIZIÈRE, F. et al. (1995) : Didactique des langues, nouvelles technologies et autoformation pour l’apprentissage des langues à l’université, SL : Direction générale des enseignements supérieurs.
[7] Éducation Permanente (1985) : L’autoformation, n° 78-79.
Éducation Permanente (1995) : L’autoformation en chantiers, n° 122.
[8] HAMELINE, D. (1979) : Les objectifs pédagogiques en formation initiale et en formation continue, Paris : ESF.
[9] MEIRIEU, P. (1987, 7ème édition 1991) : Apprendre… oui, mais comment ?, Paris : ESF.
[10] MOULDEN, H. (1983) : « Apprentissage autodirigé : compte-rendu d’apprentissage 1978-1983 », in Crapel – Nancy II, Mélanges pédagogiques, article repris dans [1].
[11] PORTELLI, P. (1995) : « Dynamique individuelle et collective », in Educations, n° 2, pp. 52-56.
[12] POUSSARD, C. (1995) : « Expertise de didacticiels d’anglais », in [6], pp. 78-142.
[13] QUÉRÉ, M. (1994) : Vers un enseignement supérieur sur mesure, SL : Direction des enseignements supérieurs.
[14] REDON, M. (1995) : « Analyse de matériaux multimédia en Français Langue Etrangère », in [6], pp. 144-325.
[15] ROPE, F. (1989) : « Didactiques spécifiques, didactique générale et sciences de l’éducation », in Didactique II – Les sciences de l’éducation pour l’ère nouvelle,n° 2, pp. 5-21.