Patrick RAYOU (CIRCEFT-ESCOL, Paris 8)
Dans le cadre du webinaire public de recherche « Des dispositifs réflexifs et collaboratifs pour le développement professionnel des enseignants – entre prescriptions institutionnelles et auto-formation entre pairs »
Ce séminaire peut intéresser les enseignants et formateurs à tous niveaux, du Primaire au Supérieur, ainsi que les étudiants et les doctorants notamment en sciences de l’éducation et de la formation.
Participation libre sur simple inscription à l’adresse : equipe.dproh@gmail.com. Un lien de visio sera envoyé aux inscrits avant chaque séance.
Les séances ont lieu régulièrement sur le créneau : lundi 14h-16h.
Argumentaire
Analyse de pratiques, APR, APPR, entretiens d’explicitation, GEASE, ASP, Néopass, GPS, T-Prof.… : la formation initiale des enseignants en INSPE fait fréquemment place aujourd’hui, quoique dans des proportions variables (selon les parcours, les établissements, les équipes de formateurs…), à la mise en œuvre de dispositifs d’analyse réflexive et collaborative conduite par des groupes d’étudiants et stagiaires avec accompagnement par des formateurs. La formation continue, elle aussi, fait place, quoique là encore dans des proportions variables, à de tels dispositifs d’analyse réflexive et collaborative : les propositions de groupes d’échanges de pratiques, d’analyse de pratiques, etc. se développent au sein des plans académiques de formation, des néo-titulaires et contractuels jusqu’aux formations de formateurs. Les collectifs en ligne d’enseignants, de même que les plateformes de co formation tant dans le milieu institutionnel (Viaeduc, Magistère, Parcours Connecté) que dans les milieux associatifs (Patchwork, Inversons la classe…) font l’objet d’un regain d’intérêt depuis la pandémie qui a posé avec une acuité particulière le besoin d’avoir accès à des ressources et un accompagnement en ligne.
La proposition du séminaire, dans la continuité de celui mené en 2019/2020, est de travailler dans une triple direction de mises en perspectives typologiques, historiques et critiques :
1) Dans la lignée des travaux de M. Altet et J.-F. Marcel, il s’agit d’interroger selon une perspective analytique les protocoles et configurations qui sont mis en œuvre dans les différents dispositifs d’analyse réflexive et collaborative, et de proposer d’en produire une ou plusieurs typologies qui aillent au-delà des distinctions habituelles (approches réflexives / cliniques / psycho-sociales / psychanalytiques / institutionnelles / etc.).
Le séminaire vise à réinterroger et mettre en lien modalités de constitution et de fonctionnement des groupes, modalités d’accompagnement par les formateurs, choix du ou des medium(s) de travail (parole, écriture, vidéo…), définition de l’objet même de travail (ex. : analyse de pratiques versus analyse de situations, travail sur le positionnement professionnel / sur l’implication personnelle, etc.). Ces questionnements sont amplifiés lorsqu’il s’agit de scénarios de formation ou d’échanges collaboratifs hybrides ou exclusivement en distanciel. Comment organiser le travail collaboratif et réflexif à distance ? Peut-on et comment mesurer des degrés différents d’ouverture et d’horizontalité des plateformes ? Comment susciter l’engagement des utilisateurs dans une démarche collaborative ?
L’hypothèse que l’on voudrait mettre à l’épreuve est que ces différents protocoles et configurations ne renvoient pas seulement à des choix méthodologiques différents, mais engagent aussi, en amont, des conceptions différentes de la formation et de la professionnalisation (ou du développement professionnel) et, au-delà, de la nature même du métier d’enseignant, de l’acte ou de la relation éducative.
2) Il s’agit aussi, dans une perspective sociogénétique de revenir sur l’émergence et la diffusion de ces dispositifs et leur légitimation et/ou retraduction au sein de politiques éducatives relatives à la formation des enseignants (des EN (Ecoles normales), ENNA, centres de formation des PEGC, aux IUFM, ESPE et actuels INSPE et à des plateformes connectées comme M@gistère). De quelles dynamiques individuelles/collectives ces processus sont-ils le résultat ?
Cet axe s’intéresse aux contextes dans lesquels ont vu le jour certains de ces dispositifs d’analyse réflexive et collaborative et à tous les différents acteurs qui ont participé à leur institutionnalisation. Cet axe peut être par exemple l’occasion d’étudier ce que ce développement doit aux initiatives locales de certains enseignants, formateurs ou chercheurs et à l’importation de dispositifs depuis d’autres domaines de formation ; la manière dont ces initiatives ont pu susciter (et suscitent peut-être souvent encore) oppositions, réticences, mises en question… ; la manière dont elles ont réussi à s’articuler à / se distinguer de l’architecture de la formation et des prescriptions institutionnelles ; les effets qu’ont pu avoir à cet égard l’universitarisation de la formation ou le développement de la formation en alternance (récemment « intégrative »).
Il s’agit aussi de voir quels ont été les liens (hybridations, transformations…) avec les dispositifs de formation (initiale ou continue) transposés depuis d’autres secteurs et notamment depuis le champ de la santé et du travail social, mais aussi de la formation en entreprise, de la formation d’adultes, etc. ainsi que de l’éducation permanente et de l’éducation populaire.
3) En relation avec les deux axes précédents, il s’agit d’une part de réinterroger dans une perspective critique un certain nombre de notions organisatrices comme celles de « réflexivité », de « coopérativité », de « situations », de « pratiques », etc. du point de vue de la formation aussi bien que du métier ; mais aussi, sur un autre plan, de s’interroger sur le sens qu’on peut donner à l’essor de ces dispositifs d’analyse réflexive et collaborative, et à ses effets : ces dispositifs peuvent-ils être interprétés comme le signe d’un renforcement de la responsabilisation/autonomisation du travail enseignant ? Et, dans ce cas, dans quelle mesure ces dynamiques ne s’accompagnent-elles pas d’une visée contradictoire associant auto-régulation des problématiques scolaires et nouveau mode de contrôle des acteurs ? Ou, sur un autre plan, ne peut-on voir dans ces dispositifs la marque d’une mutation – en cours, ou à venir, ou simplement potentielle – de la formation, pouvant conduire à imaginer d’autres modèles de formation, du type pédagogie institutionnelle à l’université, ou modèles horizontalisés d’auto- et de co formation entre pairs hors de tout cadre d’« institution de tutelle » ? Dans cette perspective, l’hybridation des dispositifs d’analyse réflexive et collaborative et le développement de collectifs en ligne d’enseignants sont-ils symptomatiques d’un renouveau des modèles de formation ou bien traduisent-ils le déploiement sur la toile du paradigme du praticien-réflexif ou d’une approche plus modélisante ? Enfin, une approche critique ne peut occulter la question de la réception de ces dispositifs : quels usages les utilisateurs en font-ils ? quels sens leur donnent-ils ? quelles attentes nourrissent-ils à leur égard ?