La numérisation de l’éducation et de la formation s’apparente à des transformations des possibles et du quotidien pour toutes et tous. Elle désigne l’ensemble des choix et influences alors opérationnalisés à l’aide de technologie numérique, ayant des impacts sur le quotidien de chaque partenaire de l’enseignement et l’apprentissage, modifiant les pratiques, le rapport au savoir ou encore les rôles et les temporalités. La numérisation génère ainsi des opportunités que les individus peuvent saisir en développant notamment des connaissances et des compétences, tout en soulevant des contraintes additionnelles qui modifient les libertés individuelles et collectives. Pensons par exemple, dans cette tension entre opportunités et contraintes :
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Ainsi, chaque processus de numérisation gagne à être pensé avec nuances (Lessig, 1999), particulièrement dans un contexte d’apprentissage où le développement des individus implique la prise en compte de leurs singularités, de leurs interactions avec les artefacts, des cadres sociotechniques, etc. Si « le numérique » est un choc des cultures, à l’instar des oppositions entre solutions libres et solutions propriétaires, quelles cultures numériques sont valorisées, tolérées ou marginalisées dans les contextes scolaires et universitaires ?
Sous-jacents à cette réflexion, les concepts de capabilité (Sen, 1992 ; Flipo, 2005 ; Nussbaum, 2011 ; Fernagu, 2023), d’émancipation (Terragoni, 2021), d’agentivité (Jézégou, 2014 ; Collin, et al., 2023) ou encore d’environnements capacitants (Savarieau, 2017 ; Martin, 2024) émergent pour interroger la finalité et les effets de la numérisation de l’éducation et de la formation. Ces cadres invitent à dépasser la question de l’accès technique pour considérer la manière dont les individus et les organisations peuvent effectivement s’approprier les outils, les détourner, les questionner, et ainsi développer leur pouvoir d’agir. Dans cette perspective, il devient nécessaire de se demander comment les choix de numérisation opérés ouvrent le champ des possibles et restreignent les marges de manœuvre, en imposant ou valorisant des usages, des normes, des formats… Comment la latitude effective à disposition des individus et des organisations pour opérer des choix dans leurs usages sont-elles modifiées par la numérisation et les décisions d’infrastructures numériques ?
L’édition 2026 du colloque RUNED invite les chercheuses et les chercheurs engagé·es dans la numérisation critique de l’éducation et la formation, à se saisir des concepts associés à l’approche par les capabilités et à d’autres champs théoriques voisins (émancipation, agentivité…) pour penser l’articulation entre (i) l’éducation et la formation et (ii) la numérisation. La structure en axes invite à se positionner plutôt sur une analyse micro (l’individu et ses capabilités), méso (l’institution et l’émancipation) ou macro (la culture et sa pluralité). Si la communication proposée traite d’une articulation entre ces niveaux d’analyse, il est souhaité d’en prioriser un, tout en s’autorisant des chevauchements.
Dans cet axe, il s’agit de penser l’individu et ses capabilités dans son contexte numérique socio-scolaire (Voulgre, 2016). Les opportunités, la liberté et les contraintes, que la numérisation génère, relèvent d’objets essentiels à thématiser en éducation et formation. Est-ce que des obligations incapacitantes émergent ? L’agentivité individuelle se trouve-t-elle modifiée ? La genèse instrumentale est-elle possible, envisagée, effective ? Quels sont les effets de la numérisation sur l’autonomie décisionnelle des apprenant·es et des formateurices ?
Il s’agit alors, dans cet axe, d’interroger la relation que la numérisation entretient avec les individualités et des implications qui en découlent pour l’éducation et la formation, pour que la numérisation participe aux capabilités comme conditions concrètes centrées sur la reconnaissance, la justice sociale et la pluralité des parcours (Nussbaum, 2011). Dans cet axe, il s’agit de penser l’individu. Les opportunités, la liberté et les contraintes, que la numérisation génère, relèvent d’objets essentiels à thématiser en éducation et formation. Est-ce que des obligations incapacitantes émergent ? L’agentivité individuelle se trouve-t-elle modifiée ? La genèse instrumentale est-elle possible, envisagée, effective ? Quels sont les effets de la numérisation sur l’autonomie décisionnelle des apprenant·es et des formateurices ?
Il s’agit alors, dans cet axe, d’interroger la relation que la numérisation entretient avec les individualités et des implications qui en découlent pour l’éducation et la formation, pour que la numérisation participe aux capabilités.
Dans cet axe, il s’agit de penser les organisations, de l’établissement scolaire local aux organisations internationales en passant par les institutions étatiques (UNESCO, 2023). Le capital numérique exigé, les rapports sociaux façonnés ou encore les rationalités institutionnelles que la numérisation génère, relèvent d’objets essentiels à thématiser en éducation et formation (Guichard, 2011; Langeveldt et Pietersen, 2024). Est-ce que des inégalités sont renforcées (Goldin et Katz, 2008)? Le rôle et le fonctionnement des institutions d’éducation et de formation sont-ils transformés, dans les discours et dans les faits ? Le statut et les sphères d’influence des décisionnaires des organisations académiques sont-ils modifiés par l’arrivée sur le marché de nouveaux acteurs (Ortegón et al., 2024)? Assiste-t-on à une standardisation des processus au détriment de la diversité des contextes ?
Il s’agit alors, dans cet axe, d’interroger la relation que la numérisation entretient avec les organisations et les implications qui en découlent pour l’éducation et la formation, pour que la numérisation participe à l’émancipation.
Dans cet axe, il s’agit de penser les cultures et leurs articulations avec les espaces formels et informels de formation. Elles reconfigurent l’écosystème éducatif, affectant les pratiques pédagogiques, les relations entre enseignant·es et apprenant·es, ainsi que la conception même du processus d’apprentissage (Doueihi, 2008). Les normes implicites qui nous façonnent, les dominations discursives ou les inévitabilités que la numérisation façonne, relèvent d’objets essentiels à thématiser en éducation et formation. Est-il aujourd’hui possible de penser en dehors de logique de « plus-value » ? Les intelligences artificielles peuvent-elles être négligées par certaines personnes engagées dans la recherche en éducation et formation ? N’est-il pas aussi crucial d’interroger le rôle des systèmes éducatifs non occidentaux dans leur rapport aux techniques numériques : quelles valeurs attribuent-ils à ces outils et comment préservent-ils leurs savoirs locaux face à un éventuel colonialisme numérique (Couldry & Mejias 2019) ? La culture numérique mise en avant par les institutions, les médias ou toute autre organisation favorise-t-elle certaines formes de savoirs au détriment d’autres ?
Il s’agit alors, dans cet axe, d’interroger la relation que la numérisation entretient avec la culture partagée et les implications qui en découlent pour l’éducation et la formation, pour que la numérisation participe à une pluralité de transmissions culturelles grâce à des apprentissages situés.
Cet axe permet des communications libres et ouvertement engagées dans une perspective critique de la numérisation de l’éducation et de la formation. Sachant que les technologies viennent toujours avec les valeurs de leurs concepteurices (Friedman & Henri, 2019), et par voie de conséquence, que ces valeurs influencent les utilisateurices, comment les technologies gagnent-elles à être sélectionnées, façonnées et déployées pour l’enseignement et l’apprentissage ?
Il s’agit alors, dans cet axe, d’interroger la relation que la numérisation entretient avec tout autre composant de l’éducation et la formation, pour que cette dernière reste la priorité des actions éducatives en replaçant la numérisation comme moyen et non comme but.
Collin, S., Lepage, A., & Nebel, L. (2023). Enjeuxéthiques et critiques de d’intelligenceartificielleenéducation: Une revue systématique de la littérature. Revue canadienne de l’apprentissage et de la technologie, 49(4), 1–29. https://doi.org/10.21432/cjlt28448.
Couldry, N., & Mejias, U. A. (2020). The costs of connection: How data is colonizing human life and appropriating it for capitalism. Stanford University Press.
Doueihi, M. (2008). La grande conversion numérique. Éditions du Seuil.
Fernagu, S. (2023). Les Capabilités: Une grille de lecture des conditions de la professionnalisation au travail et en formation. McGill Journal of Education, 57(1), 117–140. https://doi.org/10.7202/1102016ar.
Flipo, F. (2005). Pour uneécologisation du concept de capabilitéd’Amartya Sen. Natures Sciences Sociétés, 13(1), 68–75. https://doi.org/10.1051/nss:2005010.
Friedman, B., & Hendry, D. G. (2019). Value sensitive design. Shaping Technology with Moral Imagination. The MIT Press.
Goldin, C. D. et Katz, L. F. (2008). The race between education and technology. The Belknap press of Harvard University press.
Guichard, É. (2011). Le mythe de la fracture numérique. Dans Regards croisés sur l’Internet (p. 70‑100). Presses de l’enssib. https://doi.org/10.4000/books.pressesenssib.1940.
Jézégou, A. (2014). L’agentivité humaine: Un moteuressentiel pour l’élaboration d’un environnement personnel d’apprentissage. Sciences et Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Éducation et la Formation, 21(1), 269–286. https://doi.org/10.3406/stice.2014.1099.
Langeveldt, D. C. et Pietersen, D. (2024). Decolonising AI: A critical approach to education and social justice. Interdisciplinary Journal of Education Research, 6(s1), 1‑9. https://doi.org/10.38140/ijer-2024.vacol6.s1.07.
Lessig, L. (1999). Code and other laws of cyberspace. Basic Books.
Martin, L. (2024). Clarification conceptuelle de l’approche des environnements capacitants: Un atout pour le développement professionnel et le processus de prise de décision de l’action pour les paramédicaux. Revue Francophone Internationale de Recherche Infirmière, 10(3), 100332. https://doi.org/10.1016/j.refiri.2024.100332.
Nussbaum, M. C. (2011). Capabilité. Comment créer les conditions d’un monde plus juste ? Climats.
Ortegón, C., Decuypere, M. et Williamson, B. (2024). Mediating educational technologies: Edtech brokering between schools, academia, governance, and industry. Research in Education, 120(1), 35‑53. https://doi.org/10.1177/00345237241242990.
Savarieau, B. (2017). Pouvoir d’agir et environnements capacitants, de nouvelles voies de développement professionnel avec les technologies ? In T. Ardouin, S. Briquet-Duhazé, & E. Annoot (Eds.), Le champ de la formation et de la professionnalisation des adultes : Attentes sociales, pratiques, lexique et postures identitaires (pp. 274–266). L’harmattan.
Sen, A. (1992). Inequality reexamined. Harvard University Press.
Tarragoni, F. (2021). Emancipation. anamos.
UNESCO. (2023). Technology in education: a tool on whose terms? UNESCO. https://doi.org/10.54676/UZQV8501
Voulgre, É. (2016). Le développement des capabilités numériques dans l’enseignement scolaire : pour une lecture critique des inégalités d’accès aux compétences numériques. Éducation et Formation, e-315. https://journals.openedition.org/edso/1591.
Dates importantes
01.12.25 (23h59 CET): délai pour la soumission des propositions de communication
18.12.25: envoi des propositions au comité scientifique
22.01.26: délai de réponse donné au comité scientifique
26.01.26: communication aux auteurices des commentaires des relecteurs (i. acceptation, ii. invitation à modification, ou iii. refus de la proposition)
20.03.26: délai d’inscription pour les communicant·es
05.04.26: annonce du programme complet
10.05.26: délai d’inscription pour les auditeurices
01 au 03.06.26: Colloque RUNED26, à Fribourg (Suisse)
30.06.26: publication des actes de colloque simples (titre, résumé, auteurices)